L’économie circulaire dans la construction : oui, mais comment ?
L’économie circulaire est une des pistes qui pourrait permettre au bâtiment d’assurer sa résilience face aux crises successives qui l’ont secoué. Comment enclencher ce changement dans les entreprises et dans les projets ? C’est la question à laquelle la 4e édition de Meet&Build, organisée le 12 septembre, a tenté de répondre.
Plus de 70 personnes étaient présentes dans l’auditorium de l’IFSB, Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment, pour cette nouvelle rencontre débat Meet&Build en partenariat avec Picto Communication Partner. L’occasion d’échanger sur un sujet qui est au coeur de toutes les discussions : l’économie circulaire dans la construction.
Avant même d’envisager implémenter des actions concrètes en matière de construction circulaire, l’évolution doit commencer par s’opérer dans les mentalités. Ce Meet&Build a permis aux participants de découvrir la vision de deux entreprises – une petite et une grande - engagées sur cette voie, puis de s’inspirer des pistes de réflexion apportées par deux experts du change management.
La 1re intervenante était Céline Depiesse, directrice de Codur, une PME dont les activités sont empreintes de la notion de développement durable et qui s’intéresse à des enjeux comme la rénovation de patrimoine, les autres manières d’habiter ou encore l’intégration de la biodiversité dans les projets. Pour naviguer dans l’incertitude induite par les crises successives – sanitaire d’abord, d’approvisionnement en matériaux ensuite - puis la hausse des prix, qui ont mis le marché de l’immobilier à l’arrêt, elle mise sur une équipe pluridisciplinaire et conscientisée de 6 personnes et sur une organisation adhocratique qui permet d’avoir une certaine rapidité de réaction. Mais elle nécessite un haut niveau d’expertise et de confiance mutuelle, une communication bienveillante, un esprit de consensus et requiert d’abandonner la notion de hiérarchie pour se mettre au service du projet. Il s’agit aussi d’être une entreprise apprenante. Pour sortir du modèle économique classique, il faut, selon elle, réfléchir aux concepts de propriété et d’usage, privilégier l’économie territoriale et le travail en réseau, utiliser des matériaux biosourcés, aller vers de nouveaux modes de construction comme la préfabrication et développer de nouveaux métiers. Il faut aussi questionner le cadre réglementaire et la cohérence des politiques publiques.
Autre échelle, autre entreprise : CFE, représentée par sa Chief Sustainability Officer, Isabelle De Bruyne, est un « paquebot » de 3 000 employés répartis sur plusieurs pays. Là aussi, la durabilité est inscrite dans le business model du groupe. Face aux challenges en termes de déchets, mobilité, matériaux, biodiversité, main-d’œuvre…, il est nécessaire de repenser la manière de fonctionner et d’avoir une approche globale de ces problématiques, a-t-elle rappelé. Selon elle, « l’argent est la seule chose qui fera bouger le système ». C’est pourquoi la taxonomie est un outil précieux et il est important de penser « TCO » (Total Cost of Ownership). Elle a cité l’exemple du projet Zin qui consiste en la rénovation de deux tours à Bruxelles où 95 % des matériaux mis en œuvre (en poids) sont Cradle2Cradle et où le maximum de matériaux de déconstruction a été récupéré par des partenaires locaux. Elle a souligné le fait que ce projet a été rendu possible grâce à la participation du gouvernement qui a accepté de mettre plus d’argent sur la table pour en faire un laboratoire de la construction circulaire. Le BIM a été un allié précieux dans cette optique car il a permis d’établir une banque de matériaux. « Le plus important est de garder une approche globale, de penser large et d’inclure les partenaires dans les réflexions », a-t-elle conclu.
Ensuite, ce fut le tour de Soïli Mathieu, fondatrice et CEO, et Virginie Fabbro, partner chez Sensbox, un cabinet de conseil en architecture d’écosystèmes qui propose d’accompagner les acteurs publics et privés pour une transition fluide vers la conception de bâtiments et villes résilients. Comment entamer cette transition dans le management, apprendre à repenser, réadapter, dézoomer et avoir un esprit critique dans ce qu’on fait au quotidien pour laisser la place à l’innovation et rester agile et flexible ? Selon Virginie Fabbro, l’impulsion doit venir d’un management d’abord top down, puis persuasif et enfin adhocratique où les membres des équipes sont autonomes, et il est important de garder une analyse systémique pendant toute la transition.
Xavier Delposen, fondateur de Act2T, a clos les présentations. Sa société s’appuie sur l’intelligence collective pour coproduire des solutions concrètes et des futurs usages qui ont du sens pour toutes les parties prenantes. L’idée est de mettre de l’horizontalité dans des process souvent verticaux et de répartir la responsabilité entre l’ensemble des acteurs, de faire émerger les talents et les expertises de chacun, par exemple à travers une démarche appréciative, d’ouvrir les imaginaires aux bonnes pratiques… Les bénéfices sont multiples : faire émerger une abondance de solutions, faire monter les salariés – et, par extension, l’entreprise - en capacité, leur permettre de retrouver du plaisir et de la satisfaction, entre autres.
Le 5e opus de cette série d’évènements sectoriels portés par l’IFSB et organisés par Picto aura lieu en novembre et sera consacré aux exosquelettes. Ne manquez pas ce rendez-vous !
Mélanie Trélat
Photos : Fanny Krackenberger