L’heure est venue pour l’Agroécologie
« Les politiques qui sont suivies en Afrique ne répondent qu’à la question produire plus de calories, alors que l’agroécologie permettrait de nourrir le continent africain, tout en réduisant à la fois la dépendance vis-à-vis des multinationales de l’agro-alimentaire et les émissions de CO2, en respectant la nécessaire régénération des ressources naturelles et la santé humaine, en apportant les nutriments et vitamines nécessaires, et tout cela, sans renoncer à nos identités culturelles » a déclaré Million Belay, coordinateur de la plateforme continentale AFSA, l’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique, lors du lunch débat organisé par SOS Faim jeudi 13 juin.
Son passage au Luxembourg a également permis à Monsieur Belay de rencontrer de manière informelle Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural Romain Schneider, ainsi que l’agence Lux Développement.
À l’occasion de la visite inédite d’un porte – parole pouvant se prévaloir de représenter plusieurs dizaines de millions d’Africains, SOS Faim se félicite de diffuser la déclaration élaborée par AFSA en réponse à la Task Force Afrique Rurale initiée par la Commission européenne pour soutenir le partenariat UE-Afrique dans les domaines de l’alimentation et l’agriculture.
Déclaration de la société civile africaine sur l’agenda afrique-europe de l’ue pour la transformation rurale :
L’heure est venue pour l’Agroécologie
Cette déclaration de la société civile africaine fait suite à la consultation ouverte sur les recommandations de la Task Force Afrique Rurale, dans son rapport « Un agenda Afrique-Europe pour la transformation rurale ».
Nous nous félicitons de cette occasion de contribuer à la définition des priorités de l’UE dans ses relations avec l’Afrique dans le secteur agricole et alimentaire. Nous nous félicitons de l’esprit de coopération continue et d’investissement durable de l’Europe, principal partenaire commercial de l’Afrique. Nous nous félicitons que l’Équipe spéciale ait procédé à une analyse approfondie de ces questions par des experts renommés. Nous nous félicitons que le rapport reconnaisse que l’économie rurale est le moteur de la réduction de la pauvreté et le moteur de la croissance.
Nous nous félicitons que l’accent soit mis non plus sur l’agriculture industrielle à grande échelle, mais sur l’agriculture familiale en tant que moteur du développement agricole. Nous nous félicitons de la reconnaissance de l’immense diversité de l’Afrique et de la nécessité qui en découle d’adopter des solutions adaptées au contexte local. Nous nous félicitons de l’appétit de transformation et de l’adoption d’une approche axée sur les systèmes alimentaires. Tout cela doit être salué comme des pas progressifs et éclairés dans la bonne direction.
Nous convenons qu’une transformation durable de l’agriculture africaine est notre objectif commun, mais nous voyons dans ce rapport une occasion manquée de s’attaquer aux grands problèmes auxquels l’Afrique est confrontée, principalement la captation de nos systèmes alimentaires par les industries, et les dommages que cela cause à notre environnement, nos sols et nos terres, notre biodiversité, notre nutrition et notre santé, et notre souveraineté alimentaire. Le changement climatique, déjà une réalité vivante pour des millions d’agriculteurs, de pasteurs et de pêcheurs africains, est étroitement lié à la sécheresse, à la dégradation des pâturages et à l’élévation de la température des océans, qui menacent les moyens de subsistance et affaiblissent la sécurité alimentaire. Nous affirmons que l’agroécologie est une solution à ces deux problèmes.
Nous exhortons la Task Force et l’Union Européenne à écouter les voix des producteurs de vivriers Africains – agriculteurs, pêcheurs, éleveurs – et à éviter le risque de sauter pour adopter, promouvoir et imposer des fausses solutions techniques, ou des stratégies de développement en déphasage avec leurs situations.
Bien que le résumé exécutif du rapport ne parle que d’intensification agricole durable, nous voyons dans le rapport complet que cela inclut une foule de technologies dangereuses et controversées auxquelles la société civile africaine a résisté pendant de nombreuses années.
Le chapitre cinq du rapport note que le paquet Révolution Verte d’intensification basée sur les semences améliorées, les intrants chimiques (engrais, lutte contre les ravageurs et les mauvaises herbes) et la mécanisation, a eu des impacts environnementaux négatifs, une utilisation excessive des énergies fossiles, des intrants et technologies coûteux. Le rapport appelle à des alternatives, mais nous constatons que les alternatives proposées ne remettent guère en cause le paquet technologique de la Révolution Verte.
Nous ne sommes pas convaincus par la « voie éco-technique » proposée qui, selon le rapport, encouragera « simultanément l’utilisation rationnelle de la biotechnologie avec des apports externes modestes, l’irrigation et la mécanisation compatibles avec les cycles écologiques ». Nous avons déjà entendu de tels termes et nous les avons relégués sur la liste des fausses solutions, au même titre que l’agriculture intelligente face au climat, la capture du carbone, la géo-ingénierie et, en fait, l’intensification agricole durable. Nous ne les considérons pas comme de véritables solutions, mais comme de simples tentatives de la part d’acteurs du secteur des multinationales pour s’assurer et légitimer leur contrôle sur nos systèmes alimentaires.
Surtout, nous contestons l’incapacité du rapport à reconnaître la valeur de l’agroécologie. Nous sommes solidaires aux côtés de plusieurs millions de producteurs et de consommateurs alimentaires africains à travers le continent qui sont unis en faveur de l’agroécologie en tant que futur durable de l’agriculture. À bien des égards, l’agroécologie est l’antithèse des systèmes agricoles conventionnels actuels, axés sur les multinationales et fondés sur la monoculture. Là où l’agriculture conventionnelle cherche à simplifier, l’agroécologie embrasse la complexité. Là où l’agriculture conventionnelle vise à éliminer la biodiversité, l’agroécologie dépend de la diversité et s’appuie sur elle. Là où l’agriculture conventionnelle pollue et dégrade, l’agroécologie régénère et restaure, en travaillant avec la nature – et non contre elle.
Nous approuvons le fait que le rapport reconnaisse qu’il est important d’identifier des réponses adaptées au contexte local et d’inclure les agriculteurs dans la recherche de réponses aux défis pertinents. Que cette inclusion commence ici.
Nous mettons au défi la Task Force et la Commission Européenne de veiller à ce que l’UE respecte ses engagements en matière de développement durable, d’action climatique et d’élimination progressive des énergies fossiles. Il est temps de faire le saut loin des solutions inefficaces et fausses, et de soutenir l’Agroécologie comme le meilleur futur qui soit pour l’agriculture du continent. Les systèmes agroécologiques maintiennent le carbone dans le sol, reconstruisent la fertilité des sols et augmentent les rendements, fusionnant la science de pointe avec les connaissances locales des agriculteurs. L’agroécologie renforce la résilience et aide les agriculteurs à s’adapter aux effets du changement climatique. Nous mettons l’UE au défi de soutenir les petits producteurs d’aliments africains, dont un si grand nombre de femmes, pour construire un système alimentaire durable, résilient, diversifié, sain, productif et culturellement approprié pour l’Afrique.
L’Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique est une vaste alliance d’acteurs de la société civile qui participent à la lutte pour la souveraineté alimentaire et l’agroécologie en Afrique. Il s’agit notamment d’organisations africaines de producteurs alimentaires, de réseaux d’ONG, d’organisations de peuples autochtones, d’organisations confessionnelles, de groupes de femmes et de jeunes, et de mouvements de consommateurs. Ses membres représentent les petits exploitants agricoles, les pêcheurs, les pasteurs, les chasseurs-cueilleurs, les peuples autochtones, les institutions religieuses et les consommateurs de toute l’Afrique.
Organisations membres de l’AFSA
- African Biodiversity Network (ABN)
- African Centre for Biodiversity (ACB)
- Association Ouest Africaine pour le Développement de la Pêche Artisanale (ADEPA)
- Biodiversity and Biosafety Association Kenya (BIBA)
- Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africaine (COPAGEN)
- Comité Ouest Africain de Semences Paysannes (COASP)
- Comparing and Supporting Endogenous Development (COMPAS Africa)
- Eastern and Southern Africa Small Scale Farmers Forum (ESAFF)
- Eastern and Southern Africa Pastoralist Network (ESAPN)
- Fahamu Africa
- Farm-Saved Seeds Network (FASSNET)
- Fédération Agroécologique du Bénin (FAEB)
- Fellowship of Christian Councils and Churches in West Africa (FECCIWA)
- Friends of the Earth Africa (FoEA)
- Global Justice Now !
- Groundswell West Africa (GWA)
- Health of Mother Earth Foundation (HOMEF)
- Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee (IPACC)
- Institut Panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement (CICODEV Africa)
- Institut Africain pour le Développement Economique et Social (INADES-Formation)
- International Tree Foundation (ITF)
- JeunesVolontaires pour l’Environnement (JVE International)
- John Wilson
- La Via Campesina Africa (LVC Africa)
- Network of Farmers’ and Agricultural Producers’ Organizations of West Africa (ROPPA)
- Participatory Ecological Land Use Management (PELUM) Association
- Plate-forme Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique Centrale (PROPAC)
- Réseau Africain pour le Droit à l’Alimentation (RAPDA –Togo)
- Rural Women’s Assembly (RWA)
- Tanzanian Alliance for Biodiversity (TABIO)
- Thousand Currents
- Union Africaine des Consommateurs (UAC)
- We are the Solution / Nous Sommes la Solution
- World Neighbors
- Zambia Alliance for Agroecology and Biodiversity (ZAAB)
Vidéo : https://vimeo.com/349827627#at=4
Actualité de notre partenaire Sos Faim Luxembourg