La formation professionnelle confinée
En 2020, 57% des salariés ont participé à des cours en formation professionnelle continue. Selon le Statec, c’est la première fois depuis 1993 que cette part est en recul.
Dans une étude « Regards », réalisée par Rasim Daudbasic avec la collaboration de Paul Reiff, le Statec fait un constat interpellant : moins de salariés ont été formés et moins d’heures ont été consacrées à la formation en moyenne par salarié. « La part des personnes formées a diminué de 5 points de pourcentage pour passer de 62% à 57% entre 2015 et 2020. C’est le premier recul du pourcentage des personnes formées depuis 1993 ».
Comme le notent les auteurs, il est clair que la pandémie a provoqué de nombreux bouleversements au sein des entreprises, et il est clair aussi que le volet de la formation continue n’a pas été épargné. « Cette période a apporté un changement structurel dans l’organisation des cours avec davantage de cours organisés en tant que formation en ligne et moins de déplacements liés aux formations. Plus inattendu, la part des entreprises formatrices est restée stable (76% en 2020, 77% en 2015) malgré cette période agitée ».
Quelles sont les causes et où se marquent les effets ? Les chiffres de l’étude montrent que le pourcentage de salariés participant à des cours a notamment baissé pour les entreprises de taille moyenne (moins de 500 salariés - la majorité des entreprises du pays) et il est resté stable pour les grandes entreprises. En revanche, et c’est une bonne nouvelle en soi, il y a une légère progression des personnes formées dans les petites entreprises (moins de 50 salariés).
La construction en montagnes russes, l’énergie en retard
La part de salariés en formation professionnelle continue (FPC) a baissé dans tous les secteurs d’activités, à l’exception du secteur de la construction. Cependant, malgré cette évolution plutôt positive, les salariés du secteur de la construction restent les moins formés – c’était déjà le cas en 2015. Les FPC ne touchent qu’un peu plus d’un tiers des salariés dans ce secteur, pourtant en profonde mutation et où l’offre de formation existe, et plutôt en pointe.
Le Statec observe que la baisse a été particulièrement importante dans les autres industries manufacturières mais aussi dans le secteur « ressources et énergie », avec un recul de respectivement 12 points et 20 points entre 2015 et 2020.
Alors que le nombre des entreprises formatrices n’a pas vraiment diminué durant la période observée, le nombre d’heures de formation moyen a, lui, fortement baissé. « Chaque salarié a en moyenne passé 29 heures dans des cours de formation pendant les heures de travail rémunérées en 2020. Ce chiffre était de 38 heures en 2010 et de 35 heures en 2015 », notent les analystes.
Cette durée moyenne de cours par personne varie aussi d’un secteur à l’autre. En 2020, c’est le secteur du commerce et de l’horeca qui a été le meilleur élève, avec 39 heures. « C’est une progression considérable pour ce secteur qui affichait une des durées moyennes de cours par personne les plus faibles en 2015 avec 28 heures ». Le score le plus faible, 15 heures à peine, a été enregistré, à nouveau, dans le secteur des ressources et énergie, pourtant sérieusement sollicité par l’innovation.
Une des questions posées aux entreprises portait sur les aptitudes techniques et compétences considérées comme importantes pour le développement de l’entreprise dans les années à venir. Il en ressort que des « skills » jugées particulièrement importantes pour l’avenir ne semblent pas ciblées par les formations, comme celles liées à la relation avec les clients ou l’aptitude de travailler en équipe.
Le temps, c’est de l’argent
Dans les chiffres, c’est parfois relatif. Ainsi, on apprend que plus de 5 millions d’heures de cours ont été suivies en 2020.
Mais l’étude fait aussi le ratio entre le nombre total d’heures travaillées et le nombre d’heures de formation. On arrive à moins d’1% du temps de travail en 2020, alors que cette part avait constamment progressé depuis 1993, atteignant 1.2% en 2015 pour rechuter au niveau de 2005 en 2020.
Faut-il chercher des causes dans les coûts ? Le coût total des cours de FPC s’est élevé à 295 millions d’euros pour l’année 2020, ce qui n’est pas rien ! Mais cela se montait à 320 millions en 2015. Ici encore, c’est la première fois en plus de 20 ans que les dépenses des entreprises pour les FPC, qui avaient constamment progressé depuis 1993, connaissent une baisse. Même si une partie de l’explication réside évidemment dans la diminution du total des heures de formation de quelque 15% de 2015 à 2020.
L’évolution varie considérablement selon le secteur. À l’exception du secteur de la construction, la part de la masse salariale consacrée à la FPC a diminué partout. La baisse s’avère particulièrement importante pour, toujours, les branches « Ressources et énergie » et « Fabrications métalliques et machines » : la part de la masse salariale consacrée à la FPC y a chuté d’environ 60%. La chute a été beaucoup mieux freinée dans les grands secteurs « Commerce et horeca » ou « Services financiers et autres services ».
Le Statec a rapporté les coûts pour les FPC au nombre d’heures de cours suivies par les salariés et a obtenu un coût moyen par heure de formation de 59 euros en 2020. 6 euros de plus qu’en 2010 et 2015. Le coût horaire moyen des FPC est le plus élevé dans les services, notamment financiers (71 euros/heure) ou encore les transports et communications (64 euros/heure. Il descend à quasiment la moitié dans le commerce et l’horeca (31 euros/heure).
Les analystes ont aussi obtenu un autre indice en calculant la ventilation des coûts. Ainsi, « le coût d’absence du personnel formé pendant les heures de travail rémunérées est de loin le plus important du coût horaire des FPC ». Ce qui peut représenter un frein potentiel pour certains employeurs…
Alain Ducat