« La première démarche consiste à faire le choix de ne pas démolir »
Interview de Michel Gira, responsable du service Projets de Grande Envergure au Fonds du Logement.
Le Fonds du Logement développe, en collaboration avec la commune de Wiltz, un projet immobilier d’envergure baptisé « Wunne mat der Wooltz ». Situé sur l’ancienne friche industrielle de Tarkett, le futur quartier de quelque 34 hectares a été pensé selon les principes de l’économie circulaire, tant en phase de travaux qu’en phase d’exploitation. Avec, à terme, l’ambition de devenir une référence en la matière. Michel Gira, responsable du service Projets de Grande Envergure au Fonds du Logement, dévoile les détails de cette initiative prometteuse.
Depuis plusieurs années, le Fonds du Logement marque sa volonté de construire de manière plus durable et circulaire. C’est une démarche que vous avez notamment souhaité mettre en place sur le chantier du futur quartier Wunne mat der Wooltz, à Wiltz. Quel est votre plan d’action ?
Plusieurs principes de l’économie circulaire seront mis en place à Wiltz, aussi bien durant les travaux qu’après, que ce soit par le traitement et la réutilisation des terres, la mise en place d’un concept énergétique neutre en carbone ou encore l’utilisation de matériaux durables. Sur le site, un bâtiment administratif et son poste de garde, situés à l’entrée du chantier, seront par ailleurs conservés et remis en état. Pour ce projet en particulier, la première étape du processus consiste en un choix, celui de ne pas détruire. Autrement dit, de conserver autant que possible les éléments existants afin de les réutiliser ailleurs ou de les recycler sous une autre forme, tout en respectant les exigences minimales actuelles en termes de sécurité.
Pourquoi le choix de ce bâtiment ?
Le bâtiment est emblématique du développement industriel de Wiltz. Il date du début du XXe siècle et est inoccupé depuis 1993, date de la fermeture du site. Il dispose d’un grand cachet avec de beaux volumes et une belle hauteur sous plafond. Pour autant, il s’agit d’un bâtiment non classé, que ce soit au niveau national ou communal. C’est donc un choix délibéré du Fonds, avec la commune, de le conserver et le remettre en état. D’une certaine manière, il permettra aussi de constituer un lien entre le passé historique du site et la modernité du nouveau quartier. À plus large échelle, il est destiné à devenir une référence en la matière.
Concrètement, comment allez-vous procéder ?
L’objectif n’est pas de réaliser une rénovation complète et moderne, mais plutôt une remise en état relativement sobre afin de ne pas dénaturer le cachet du bâtiment. Pour cela, nous allons conserver et réemployer un maximum de matériaux provenant de la bâtisse, comme du site, tels que les radiateurs, les sanitaires ou encore les planches et poutres de planchers. Ce qui ne pourra pas être réutilisé comme tel, comme une certaine partie des briques, du béton ou du plâtre, sera recyclé différemment, par exemple pour en faire du granulat pour béton.
La conservation et le réemploi ont-ils des limites ?
Bien sûr. Tout d’abord, nous devons tenir compte de la qualité des matériaux. Les standards de l’époque ont par ailleurs changé. Certains matériaux contiennent par exemple de l’amiante ou d’autres polluants qui ne sont plus admissibles aujourd’hui. Il faut donc les dépolluer, mais ça n’est pas toujours possible. À Wiltz, une grande partie des menuiseries intérieures du bâtiment administratif devra ainsi être évacuée à cause des polluants présents dans la peinture.
Finalement, quelle est la part des matériaux qui sera réemployée ?
Plus de 70 % des matériaux seront conservés et réemployés. Pour le reste, nous utiliserons autant que possible des matériaux biosourcés, voire certifiés Cradle to Cradle, un concept visant à recycler les produits tout au long de leur cycle de vie et ainsi limiter au maximum les déchets. L’isolation de la toiture se fera quant à elle en laine de bois, qui constitue un isolant écologique avec empreinte carbone négative.
Il s’agit d’une démarche relativement complexe…
C’est en effet un travail bien plus complexe et coûteux qu’une construction classique, mais c’est une démarche dans laquelle s’engage le Fonds. Il s’agit avant tout de conserver au maximum les éléments existants telles que les cloisons existantes, de remplacer uniquement ce qui est vraiment nécessaire comme les menuiseries intérieures ou extérieures ou la couverture en ardoise de la toiture, puis de préparer et analyser les matériaux à intégrer au projet.
Comment le Fonds a-t-il mis en place ce projet ?
Ce projet est le résultat de multiples réflexions sur le sujet, mais également d’échanges entre nos services et des acteurs spécialisés du secteur public, comme le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology), et du secteur privé. Le choix de Wiltz ne s’est pas fait au hasard non plus. La commune joue en effet le rôle de pionnier en matière d’économie circulaire au Luxembourg et multiplie les démarches en ce sens. En 2018, le conseil communal a par exemple signé une charte dans laquelle elle s’engage à améliorer son empreinte sur son territoire et contribuer ainsi à un monde plus durable.
Le Fonds du Logement prévoit-il d’autres projets d’envergure appliquant ces principes d’économie circulaire ?
Oui, il s’agit de préceptes chers au Fonds et nos équipes ont à cœur de développer des projets de ce type. À Dudelange par exemple, le projet Neischmelz prévoit également la reconversion d’une friche industrielle en un quartier urbain mixte. Comme à Wiltz, une partie du patrimoine sera conservée et réhabilitée selon le concept de « destruction soignée ». Quant aux bâtiments qui seront démolis, les matériaux qui le peuvent seront réutilisés.
Extrait du NEOMAG#57
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