La vision de l’ingénieur en techniques spéciales 2.0
L’horizon s’annonce passionnant pour les ingénieurs et experts en techniques spéciales puisque beaucoup de défis restent à relever.
L’impact sectoriel est important et, selon les données récentes, la globalité des acteurs (bureaux d’études, entreprises, bureaux de contrôle, etc.) occupe une place non négligeable avec environ 1 200 emplois recensés en 2022. Avec un secteur de la construction qui continue d’évoluer, il est nécessaire que ces métiers techniques suivent également le mouvement.
Ces dernières années, diverses tendances ont émergé. Parmi celles-ci, on observe une dynamique croissante axée sur des pratiques telles que la réutilisation et la récupération de chaleur pour les eaux grises, l’exploitation de la géothermie de basse profondeur, l’utilisation adiabatique dans une acception élargie, la collecte des eaux de pluie, la valorisation des eaux grises, ainsi que l’adoption des technologies de stockage d’énergie par glace (Eisspeicher). Il est important de souligner que ces technologies sont déjà en développement depuis plusieurs années et qu’elles ne représentent pas la « normalité » générale. Parallèlement, le solaire photovoltaïque a connu une démocratisation remarquable, largement stimulée par les réglementations en vigueur. Cette démocratisation a non seulement favorisé la montée en puissance de la production locale d’énergie solaire, mais a également impulsé le développement de technologies combinées. Un autre point notable est l’adaptabilité des bâtiments à l’électromobilité qui connaît un essor grandissant. Nous nous devons d’aller plus loin en essayant de tendre vers des solutions encore plus innovantes, en « cassant » les codes actuels et récurrents tels que « on sait que cela fonctionne, nous avons toujours fait comme tel ». Ce métier possède ses propres spécificités, il faut maintenant redoubler de créativité.
L’approche technique et technologique joue un rôle crucial dans la promotion du développement durable en intégrant des pratiques d’efficacité énergétique. Il y a certes le concept, mais également l’utilisation de matériaux durables et de technologies innovantes. Le concepteur technique ne doit plus être considéré comme un acteur voué à appliquer des normes, définir un concept, calculer une production de chaleur ou un réseau électrique mais plutôt, en collaboration étroite avec l’équipe de maîtrise d’œuvre, démontrer des compétences spécialisées pour élaborer et concevoir une planification puis une exécution réfléchies. Il est crucial d’adopter une approche logique et efficiente. Il évolue déjà ou évoluera dans un contexte en constante transformation, marqué par des impératifs de durabilité, de numérisation et de préfabrication.
La démarche conceptuelle, quelques nouvelles idées applicables au bâtiment
N’omettons pas que la mission inhérente à un pôle d’innovation réside également dans la proposition d’idées et de thèmes prospectifs. Neobuild GIE, au travers de nouveaux projets d’innovation, stimule la créativité en explorant quelques techniques encore peu familières, contribuant ainsi à l’avancement des connaissances et des perspectives. Comment aborder l’ampleur des réseaux câblés de manière efficace ? Comment analyser que, bien que la consommation d’énergie des capteurs de mesures soit négligeable pour un équipement isolé, elle puisse entraîner des répercussions significatives dans le cadre d’un déploiement massif ? Des solutions existent autour de l’application de l’énergie piézoélectrique pour l’application de capteurs et commandes autonomes. La récupération d’énergie vibratoire basse fréquence est appliquée pour produire une énergie électrique en réaction à une sollicitation mécanique telle que la contrainte ou la déformation. Imaginons les possibilités de cette technologie si appliquée à plus grande échelle, par exemple à celle d’une ville : il serait alors possible de récupérer de l’énergie à partir des mouvements et des vibrations ambiantes – et ce n’est pas de la science-fiction !
Autre thématique, l’énergie biomimétique qui s’inspire du vivant pour la production et la gestion de l’énergie. Certains fabricants s’inspirent de phénomènes naturels pour la conception de produits qui peuvent être introduits dans une réflexion globale de recherche de performance énergétique. Quelques exemples et axes de développement : premier exemple, la bioluminescence qui est la production et l’émission de lumière par certains organismes vivants (terrestres et marins). En remplacement d’éclairages permanents, il existe un fort potentiel de développement. Second exemple, des caméras reproduisant le mode de fonctionnement de l’œil humain et du cerveau : en contraste avec les caméras traditionnelles qui actualisent l’ensemble des pixels à des intervalles réguliers, les caméras event-based enregistrent exclusivement les variations de luminosité, pixel par pixel, de manière continue ; cette caractéristique confère à ces caméras une grande efficacité énergétique. Troisième exemple avec l’HVAC qui représente aujourd’hui la majeure partie de la consommation totale d’énergie d’un bâtiment fonctionnel : les GTC actuelles peuvent être prédictives au niveau de la météo mais ne sont pas capables d’optimiser les consommations sans l’intervention d’un opérateur ; en s’inspirant du concept d’intelligence collective observé chez les abeilles et du Deep Learning, il est possible de dispenser l’énergie là où elle est strictement nécessaire, en fonction des données relatives à l’occupation, à la température extérieure et grâce à une intégration de données en Cloud. Ce principe biomimétique s’avère particulièrement bénéfique à une époque où les effectifs de bureaux connaissent des fluctuations importantes en raison des modèles de travail hybrides. Enfin, quatrième et dernier exemple avec les pompes qui représentent le cœur de beaucoup de systèmes. Une technologie s’inspire du mouvement d’une nageoire de poisson et met en mouvement un fluide via un moteur linéaire. Ce dernier actionne une membrane souple dont les ondulations, génèrent un mouvement propulsif.
Principe élargi de la photosynthèse
Des scientifiques ont réussi à alimenter un microprocesseur pendant environ six mois grâce à l’énergie générée par des algues… Une alternative plus directe pour aborder la photosynthèse artificielle consiste initialement à utiliser des panneaux photovoltaïques conventionnels pour convertir l’énergie solaire en électricité. Par la suite, cette électricité peut être injectée dans un électrolyseur au cours d’une seconde étape et ainsi produire de l’hydrogène qui pourra être revalorisé en production de chaleur par une chaudière à hydrogène ou encore en production combinée.
Des bâtiments intelligents
Dès 2030, nos bâtiments seront des entités intelligentes et connectées. Des capteurs avancés et des algorithmes d’apprentissage automatique permettront une adaptation en temps réel des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation et d’éclairage. Il est possible à plus long terme d’imaginer des systèmes de contrôle intelligents, des interfaces utilisateur intuitives et des espaces adaptatifs. Il semble également possible de disposer d’une sécurité repensée via des systèmes intelligents, incluant la reconnaissance biométrique, les caméras intelligentes et les systèmes d’accès automatisés, pour garantir la sûreté des occupants tout en préservant la confidentialité des données. Cette révolution de la connectivité nécessitera la gestion de réseaux complexes et un lien indirect en termes de cybersécurité. Au cœur de l’innovation, l’ingénieur technique devient le « chef d’orchestre » des systèmes interconnectés.
Adaptabilité et résilience
Face aux changements climatiques et environnementaux, l’ingénieur anticipera les risques en développant des systèmes de secours avancés et en concevant dès aujourd’hui des structures adaptatives. Ce dernier devra être à même de penser « économie circulaire » en réduisant, en réutilisant et en recyclant différentes ressources.
La technique spéciale frugale : l’émergence des concepts low-tech et less-tech
En temps de crise, la maîtrise des coûts et la frugalité en termes de consommation de matériaux et de ressources deviennent des priorités. Il en va de même pour les installations techniques qui, il faut pouvoir le dire, ont une sérieuse tendance à l’inflation (pas que budgétaire) depuis ces dernières décennies. Agir sur le bâti et l’enveloppe avant de « compenser » ou « corriger » par la technologie pour rendre nos constructions confortables est aussi légitime que la démarche inverse et de nombreuses initiatives se développent depuis une vingtaine années, initiatives qui consistent en des approches plus minimalistes qu’il convient sérieusement de considérer. La législation devrait, sur ce point, évoluer en faveur d’une plus grande ouverture vers des systèmes alternatifs et viser les résultats seuls plutôt que la manière d’y parvenir, à l’instar du concept 2226.
La place des certifications environnementales et de la qualité de l’air intérieur
L’ingénieur en techniques spéciales a d’ores et déjà un lien évident avec des certifications environnementales telles que BREEAM, WELL, DGNB, HQE ou LENOZ, en intégrant des solutions techniques innovantes pour répondre aux critères stricts de durabilité. En ce qui concerne la qualité de l’air intérieur (QAI), essentielle pour le bien-être des occupants, il est aujourd’hui nécessaire de l’intégrer dans l’équation globale de l’art de construire tout en la fusionnant avec la partie normative (normes EN 16798).
La place du BIM dans l’ingénierie technique : vers une approche intégrée
Le BIM transcende les frontières traditionnelles de la conception en fournissant une maquette numérique exhaustive qui englobe toutes les données pertinentes du bâtiment parmi lesquelles les propriétés des matériaux et leur quantité, les coûts, les échéanciers de construction, mais également des approches de maintenance prédictive en lien avec la gestion centralisée du bâtiment. L’intégration du concept de circularité, de la déconstruction et de la préfabrication marquera une étape cruciale. En modélisant la provenance, la durée de vie et les options de fin de vie des matériaux, le BIM aidera les professionnels à concevoir des bâtiments avec un impact environnemental minimal. La Simulation Thermique Dynamique (STD) et le Computational Fluid Dynamics (CFD) trouvent naturellement leur place dans le BIM. En intégrant ces simulations avancées dans la maquette numérique, les ingénieurs peuvent désormais évaluer et faire évoluer en temps réel l’ensemble des performances d’un bâtiment.
L’ingénieur technique et l’intelligence artificielle en 2024 et au-delà : une collaboration transformative vers une synergie avancée pour un avenir innovant
L’intégration croissante de l’IA ne redéfinit pas encore le rôle de l’ingénieur technique. Pour le moment, celle-ci permet une aide à la rédaction mais pas encore une synergie entre technologie et expertise humaine. Cette collaboration transformative ouvre cependant de nouvelles perspectives et d’ici cinq à dix ans, nous pouvons imaginer que l’ingénieur technique s’épanouisse au sein d’une collaboration sophistiquée avec l’IA en y implémentant des règles limites pour la conception, en les corrélant avec une contrainte budgétaire, performancielle ou environnementale et en proposant ainsi des solutions optimisées en un temps record. Elle pourrait redéfinir radicalement la manière dont les infrastructures seront conçues, construites et gérées. Cette synergie avancée marquera une nouvelle ère de transformation technologique à laquelle nous devrons appliquer d’évidentes règles de déontologie et d’éthique.
L’off-site, l’industrialisation et son impact sur les techniques spéciales
L’off-site, la préfabrication ou le DfMA révolutionnent actuellement le secteur de la construction en industrialisant ce dernier. Le registre des techniques spéciales bénéficie déjà de cette évolution, non seulement au travers de leur intégration dans la construction modulaire, mais également sous forme de kits pour la construction traditionnelle. Sur les chantiers du futur, la gestion des ouvrages sera toujours pilotée par des hommes, mais assistée par des robots et des drones asservis aux tâches manuelles répétitives ou dangereuses et desservant les accès complexes.
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