« Le CNCD apporte un regard holistique sur le secteur de la construction »
Bruno Renders, administrateur directeur général du Conseil pour le Développement Économique de la Construction (CDEC), vient de prendre la présidence du Conseil national pour la construction durable (CNCD). Deux structures aux valeurs communes, qui travaillent dans un même objectif : amener le secteur de la construction vers plus de durabilité.
Quels sont les liens entre le Conseil pour le Développement Économique de la Construction et le Conseil national pour la construction durable ?
Le CDEC est l’un des membres fondateurs du CNCD, aux cotés de la Chambre des Métiers, de la Fédération des Artisans, du Groupement des Fabricants de Matériaux de Construction (GFMC), de LuxReal – Real Estate Association, de l’Ordre des Architectes et Ingénieurs-Conseils (OAI) et du gouvernement, représenté par les ministères de l’Économie, du Logement et de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, de la Mobilité et des Travaux publics.
Il y a une petite dizaine d’années, ces acteurs majeurs du secteur se sont alliés pour créer, sous la forme d’un partenariat public-privé (PPP), une structure où se retrouvent toutes les parties prenantes de la chaine de construction, qu’elles soient dans le public ou dans le privé.
Quels sont les valeurs et les objectifs sur lesquels se retrouvent le CDEC et le CNCD ?
Les problématiques adressées par le CNCD convergent avec les trois enjeux stratégiques de l’écosystème CDEC. Le premier concerne l’empreinte carbone du secteur de la construction, c’est-à-dire des entreprises qui le composent, mais aussi des bâtiments et infrastructures qui sont construits. Il faut appréhender l’implémentation de futures réglementations en relation avec cet objectif de réduction des émissions sectorielles, mais aussi identifier de nouvelles méthodes, solutions technologiques et matériaux décarbonés ou moins carbonés .
Le deuxième, c’est la partie économie circulaire. Le but étant de construire la même chose, mais en utilisant moins de ressources et en favorisant la réutilisation, le recyclage et la réduction des déchets. Ici, on s’intéresse aussi à l’innovation et aux green tech. Nous travaillions notamment sur le BIPV (le photovoltaïque intégré au bâtiment, ndlr) et les isolants biosourcés. Le but est ici d’identifier des voies de circularité et de décarbonation permettant à des matériaux ou des techniques traditionnels de s’adapter, pour une utilisation plus raisonnée et efficiente des ressources. Cette circularité repose également sur l’adoption de nouvelles méthodes telles que la préfabrication, avec un design décarboné et circulaire.
Le troisième n’est pas directement lié à la technique, il concerne les aspects managériaux et financiers. C’est toute la thématique de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et de la taxonomie européenne. Ce texte européen impose à certaines entreprises d’établir un rapport de durabilité faisant état de leur impact environnemental au sens large. Et la taxonomie, c’est la classification des activités économiques en fonction de leur impact positif sur l’environnement. Au CDEC, nous faisons notre bilan carbone depuis 15 ans, ça fait partie de notre ADN.
Contrairement à certaines idées préconçues, la taxonomie verte et la CSRD présentent de nouvelles opportunités pour les entreprises et les organisations. Il s’agit en quelque sorte de disposer d’un cadre d’évaluation structuré et objectif de leurs performances durables. Il faut y voir une évaluation objective, durable et qualitative des engagements et des activités économiques.
Bruno Renders, président du CNCD
Quelle est la plus-value apportée par le CNCD ?
Le but du CNCD est d’apporter un regard holistique sur le secteur de la construction, compte tenu des enjeux que nous avons évoqués précédemment. Les membres collaborent dans la logique d’un PPP - dont je suis par ailleurs un grand défenseur.
Si l’autorité privée et l’autorité publique se parlent et se comprennent, il y a beaucoup plus de chances d’arriver à une solution équilibrée, tout en étant efficaces. Nous avons, par exemple, travaillé sur la « Feuille de route construction bas carbone Luxembourg » qui est la stratégie nationale du Luxembourg pour décarboner la construction.
Il faut aussi rester pragmatique pour que nos idées aient une chance d’aboutir. Pour les concrétiser, nous lançons des projets pilotes, des formations pilotes, des conférences pilotes, des réglementations pilotes…
Au CNCD, avant de dire que cela semble impossible, on tente d’identifier les contours d’un objectif ambitieux et d’identifier des voies, des solutions conjointes.
Bruno Renders, président du CNCD
Pouvez-vous donner un exemple qui témoigne de l’importance de cette vision holistique ?
L’exemple des matériaux, et plus spécifiquement des isolants biosourcés, est une belle illustration. Leur caractère innovant et leur différence de comportement technique peuvent être des éléments freinant dans un secteur où des règles justifiées, telles qu’une normalisation omniprésente, des garanties décennales ou des habitudes techniques, peuvent être des obstacles technologico-culturels qu’il convient de bien cibler.
Les différentiels de performance énergétique des isolants biosourcés peuvent nécessiter de recourir à des épaisseurs supplémentaires si vous les comparez à de traditionnels isolants pétrosourcés. Il faut peut-être mettre 5 ou 6 centimètres de plus d’isolant, ce qui augmente forcément le coût, sans parler de la perte de surface utile constructible pour le développeur et pour l’usager final.
Dans nos discussions, nous essayons d’identifier des solutions flexibles et osons proposer des solutions administratives innovantes. Pour ces isolants, notre collaboration holistique vise donc à adapter le cadre réglementaire, à adopter une approche certificative et à organiser une meilleure connaissance de ce produit, pour jouer un rôle de facilitateur.
Pour cet exemple, il y a aussi l’enjeu de la fracture énergétique parce qu’il faut permettre à ceux qui ont moins de moyens financiers d’accéder à un logement correctement isolé. C’est là que la combinaison holistique entre l’environnemental, l’économique et le sociétal prend tout son sens et montre son importance.
Comment abordez-vous votre nouveau rôle de président du CNCD ?
Les statuts prévoient une présidence tournante, qui alterne tous les deux ans entre acteur public et acteur privé. J’étais donc le vice-président de Paul Schosseler (à la tête de la Direction de la construction durable et de l’économie circulaire au sein du ministère de l’Économie, ndlr) et il est maintenant devenu le mien. Nous allons continuer de travailler ensemble, dans une logique de PPP. Pour moi, c’est une co-présidence entre privé et public, avec cette volonté de travail collaboratif et équilibré.
C’est un honneur de prendre cette fonction que je vois comme une opportunité de faire avancer les choses sur les thématiques de la décarbonation, de la circularité et de la taxonomie.
Bruno Renders, président du CNCD
J’ai coutume de dire que ce n’est pas parce que nous sommes dans un petit pays que nous avons de petites idées. À l’inverse, nous pouvons oser innover et être agile face à ces enjeux sociétaux et climatiques. Pour paraphraser notre devise nationale, « Mir wëlle bleiwe wat mir sinn (« Nous voulons rester ce que nous sommes »), osons l’appréhender comme « Nous voulons rester ce que nous serons ».
Aussi, le CNCD envisage d’accueillir d’ici un an et demi à Luxembourg une manifestation du World Green Building Council - organisation internationale qui promeut la construction durable à l’échelle mondiale, dont le CNCD est membre. Cela serait un grand moment pour tous de montrer et démontrer nos « savoir-faire décarbonés et circulaires » .
Propos recueillis par Léna Fernandes
Photos : © Fanny Krackenberger
Article tiré du dossier du mois « Fondations solides »