Le low-tech : une technologie d’avenir ?
Interview de Thierry Collin, Partner-Team Manager chez Betic Ingénieurs-Conseils.
High-tech, low-tech… Des définitions multiples, qui se croisent, s’entrecroisent. Mais doit-on vraiment faire totalement abstraction de l’une, de l’autre, pour imaginer ces écosystèmes, ces nouveaux lieux de vie constituant une solution d’avenir pour préserver l’environnement ? Si la première se veut couramment définie comme l’ensemble des technologies et techniques les plus avancées, et la seconde, comme reposant sur des technologies simples qui ne sont pas commandées par des machines, la ligne de démarcation entre ces deux approches est-elle aussi simple ? Thierry Collin revient sur la relation entre low-tech et high-tech, notamment appliquée au secteur de la construction.
Low-tech, une définition pas si évidente ?
Pour bon nombre, low-tech signifie purement le contraire de high-tech. Je n’ai pas un avis si tranché. En tant que bureau d’ingénieurs-conseils en génie technique et en advanced engineering, ce que nous gardons en tête est le besoin de l’utilisateur final. Nous devons être capables de lui offrir un espace de vie confortable, qui corresponde à ses besoins de vie, avec un minimum d’empreinte environnementale, voire une empreinte nulle. C’est pourquoi nous nous attachons, sur chacun de nos projets, à offrir dès que possible des solutions optimales, via des techniques simples et efficaces. Pour moi, le low-tech repose sur des concepts intelligents, basés sur des principes physiques fondamentaux. Il peut recourir à des technologies traditionnelles simples, qui ne sont pas pilotées par des machines, mais c’est aussi utiliser des technologies avancées comme des installations photovoltaïques fonctionnant sur un mode de vie à faible consommation énergétique par exemple. Pourtant, pour certains, ces installations photovoltaïques seraient considérées comme de la high-tech.
Qu’entendez-vous alors par high-tech ?
Le high-tech désigne davantage ces technologies de pointe, complexes, fondées sur la science. Elles ont énormément à apporter au secteur de la construction. Si l’on pense tout simplement à nos outils de modélisation 3D, de modélisation dynamique, c’est une avancée high-tech incontestable qui nous aide réellement en phases de conception du projet pour imaginer des bâtiments toujours plus low-tech. Les deux sont imbriqués. Regardez les smarts grids. Ces systèmes de distribution d’énergie électrique intelligents qui ajustent les flux d’électricité entre fournisseurs et consommateurs, nous permettent entre autres d’accueillir et gérer l’arrivée massive et intermittente des énergies renouvelables dans le réseau, pour mieux les distribuer là où la consommation est la plus forte. Ils garantissent ainsi un système électrique rentable et durable avec des pertes faibles, donc une distribution plus efficace de l’électricité. L’apport de cette technologie est des plus significatifs, spécialement en vue du développement mondial, rapide et massif, du parc de véhicules électriques.
Concrètement, pouvez-vous nous parler de ces techniques low-tech, mais high-tech, appliquées à vos projets ?
Le Lycée Technique pour Professions de Santé à Ettelbruck illustre bien cette relation entre low-tech et high-tech. Initié par l’administration des Bâtiments publics, et conduit avec les bureaux Fabeck Architectes et Daedalus Engineering pour le génie statique, cet établissement accueille près de 430 élèves dans 16 salles de classe et 6 salles d’enseignement clinique. Il est véritablement une vitrine d’innovations et en même temps des plus low-tech. Conçu selon les principes définis pour les constructions à énergie positive, il intègre également dans sa conception l’énergie grise, à savoir l’énergie primaire non renouvelable nécessaire à sa construction, et à sa démolition et produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. Beaucoup de techniques ou du moins de concepts techniques pourraient être soulignés comme les ventilo-convecteurs, très basse consommation qui ont été installés. Ceux-ci puisent l’air frais des couloirs et le pulsent dans les autres locaux. Le couloir fait ainsi office de gaine de ventilation, ce qui évite l’installation d’un système classique de gainage métallique. Nous avons donc utilisé beaucoup moins de matériaux pour une efficacité identique, ce qui n’aurait pas été possible sans une approche technique pointue, appuyée par un produit high-tech, en l’occurrence les ventilo-convecteurs… In fine, le high-tech est au service du low-tech !
Avez-vous des projets en cours sur lesquels vous mettez en application ces principes physiques fondamentaux mêlant high et low-tech ?
Je peux citer l’école de Brouch située à Esch-sur-Alzette. Ce projet, mené pour le compte de l’administration communale d’Esch-sur-Alzette, en collaboration avec le bureau d’architecture Jim Clemes Associates et AuCarré pour le génie statique, comprend la rénovation du bâtiment initial, construit en 1931, et quatre nouvelles constructions. Pour celui-ci, nous avons par exemple pris le parti d’installer des fenêtres pariétodynamiques, ce qui est une première au Luxembourg !
Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette technologie ?
Une fenêtre pariétodynamique est composée de 3 verres. L’air extérieur pénètre dans la fenêtre par une grille d’aération et circule entre le deuxième et le troisième vitrage. Durant les mois d’été, il y est refroidi et pendant les mois d’hiver, il est réchauffé par les rayons du soleil. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette circulation d’air n’entraîne pas de déperdition d’énergie. Bien au contraire ! Elle permet à la fenêtre de récupérer une partie de l’énergie solaire, mais aussi de limiter les déperditions. Grâce à ce système, la mise en place d’une centrale de ventilation double flux, demandant des entretiens et des remplacements de filtres fréquents, n’est pas nécessaire. Les gainages de ventilation s’en trouvent réduits, tout comme les frais de nettoyage qui en auraient découlé. En outre, l’installation des fenêtres pariétodynamiques est des plus simples. Ce dispositif entraîne ainsi d’importantes économies, en plus d’être plus respectueux de l’environnement qu’une installation classique. D’autre part, seulement quelques extracteurs seront présents sur le toit de l’école afin de forcer le transfert d’air vers l’extérieur lorsque l’effet cheminée ne pourra se faire de façon naturelle en raison des conditions climatiques. Ce transfert d’air permet également de connecter facilement une pompe à chaleur air/eau sur l’air vicié préchauffé, améliorant le coefficient de performance de celle-ci.
Extrait du NEOMAG#51
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