Le plein d’hydrogène arrive à Bettembourg
La première station H2 publique du Luxembourg se précise : adossée au hub logistique, co-financée par l’État et l’Europe en support de TotalEnergies, elle s’inscrit dans une stratégie à plus long terme, de mobilité décarbonée et d’investissements soutenus.
Cette fois, elle est officielle et, pour ainsi dire, sur les rails : espérée pour 2022, sans doute prête pour début 2023, la première station à hydrogène au Luxembourg a fait l’objet d’une présentation menée par François Bausch, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Claude Turmes, ministre de l’Énergie, flanqués de représentants du groupe TotalEnergies et plus exactement de TotalEnergies Marketing Luxembourg, Nicolas Leblond et Eric Bleyer.
La première station H2 (pour l’hydrogène) sera mise en œuvre par TotalEnergies, déjà présent avec une station classique fournissant le trafic logistique du hub de Bettembourg ; la nouvelle station sera implantée à côté, dans la ZAE Wolser A, au centre routier sécurisé (CRS) de l’Eurohub Sud des CFL. Mais celle-ci sera accessible au public et sera destinée à l’approvisionnement en hydrogène de voitures, de camionnettes, de bus ou de poids-lourds.
8 stations dans le Benelux
On est là dans un partenariat public-privé qui s’inscrit dans une stratégie nationale, européenne et, entre les deux, à l’échelle du Benelux. C’est la vocation du projet européen « H2Benelux » qui entend développer un réseau intégré de la filière énergétique hydrogène, de la production à la distribution en passant par l’acheminement et l’exploitation… La logique est aussi géographique et économique, en rapprochant les côtes de la mer du Nord, en Belgique ou aux Pays-Bas, et les rives de la Moselle luxembourgeoise…
En gros, ce projet, soutenu par la Commission européenne et piloté par un consortium réunissant 8 compagnies, vise à créer 8 stations de ravitaillement en hydrogène au Benelux : 4 aux Pays-Bas (2 sur Amsterdam à l’enseigne Shell, 2 autres pour TotalEnergies), 3 en Belgique (Louvain, Herve et Erpe-Mere, toutes 3 à l’enseigne DTS du groupe Colruyt) et, donc 1 au Luxembourg, seul pays à ne pas être encore servi.
Sur un plan pratico-technique, la station de Bettembourg se présentera avec un bâtiment de la taille de 2 conteneurs (comprenant les unités de compression, le système de refroidissement, le local technique et IT) et des cuves de stockages intermédiaires qui alimenteront les distributeurs – 2 pistolets de ravitaillement de 350 bars pour les poids lourds et les bus, 700 bars pour les véhicules légers et utilitaires).
La capacité du site sera d’environ 300kgs/jour et la station sera alimentée par camions remorques (tube trailers) en hydrogène gazeux. Un hydrogène certifié d’origine renouvelable, « sans quoi cela n’aurait pas de sens ».
Un investissement financé, un autre dans les cartons
Sur un plan financier, on parle d’un budget global de 17,5 Millions d’euros pour le projet H2Benelux.
Pour la nouvelle station de Bettembourg, on cite la somme de 2,7 millions, co-financés par l’État (sur le Fonds Climat) pour 800.000 euros, 900.000 euros de fonds européens et 1 million pour TotalEnergies. « C’est un investissement sur l’avenir et un appel au développement du marché », explique Eric Bleyer, directeur « Mobility & New Energie » de TotalEnergies au Luxembourg. « On ne pense pas être rentables en soi sur ce projet. Il faudra voir avec la seconde étape pour mesurer le business case ».
Une seconde étape qui est dans les cartons. Cette année, le groupe a signé un Memorandum of Understanding (MoU) avec le gouvernement luxembourgeois pour le développement des premières stations H2. Et la firme prévoit, « dans les prochaines années, sachant qu’on cherche encore à avoir les terrains pour l’infrastructure », la réalisation d’une nouvelle station, plus ambitieuse, multi-énergies et multi-véhicules, prévoyant entre autres des bornes électriques, des carburants alternatifs comme le HVO100, l’hydrogène vert et des carburants classiques, dont le marché ne s’éteindra pas toute de suite.
Le gouvernement salue l’initiative et soutient TotalEnergies « dans la mesure du possible », les ministres Bausch et Turmes précisant que cette entreprise n’est évidemment pas le seul partenaire potentiel.
Stratégies concordantes
Tout cela s’inscrit évidemment dans une stratégie d’énergies renouvelables et de mobilité durable. Elle est européenne, comme l’a rappelé la présidente de la Commission, qui met l’hydrogène en bonne place des priorités énergétiques renouvelables. (lire aussi l’article dans cette édition)
Pour Richard Ferrer, responsable du secteur des carburants alternatifs à la CINEA, l’Agence exécutive européenne pour l’infrastructure climatique et l’environnement, « l’ouverture de cette station de ravitaillement en hydrogène au Grand-Duché de Luxembourg est une étape clé dans la mise en place d’un réseau de transport européen intégré et décarboné ».
« Les stations de ravitaillement en hydrogène et notamment celles prêtes à approvisionner les poids lourds fonctionnant sur une pile à combustibles à l’hydrogène joueront à l’avenir un rôle important dans la décarbonisation du secteur du transport. Dans le paquet “Fit for 55“ proposé par la Commission européenne afin de réduire par rapport à 1990 les émissions de CO₂ de l’UE d’au moins 55% jusqu’en 2030, des obligations quant à l’équipement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et en particulier des pôles multimodaux sont formulées. Je suis ainsi ravi que le Grand-Duché de Luxembourg assure déjà aujourd’hui que les infrastructures requises en carburants alternatifs soient déployées afin de faciliter la transition vers ces technologies » précise le ministre François Bausch.
« L’hydrogène est une alternative prometteuse dans certains secteurs difficiles à décarboner par électrification directe, comme le secteur des poids-lourds : il permet de stocker de l’énergie et de la libérer sans empreinte carbone. Or, seul l’hydrogène renouvelable, produit à partir d’énergies renouvelables, ne cause pas d’émissions de gaz à effet de serre », explique Claude Turmes, ministre de l’Énergie.
Pour rappel, le gouvernement s’est doté depuis un an d’une stratégie hydrogène et le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) prévoit que la certification et l’approvisionnement de l’« hydrogène vert » soient des conditions indispensables à la mise en service de stations à hydrogène.
Et la stratégie est aussi économique, de diversification et d’image pionnière pour TotalEnergies, qui se veut « acteur majeur de la transition énergétique » : « Nous sommes fiers de contribuer à l’effort européen et en particulier celui du Luxembourg pour assurer la transition énergétique dans la mobilité ».
En attendant, les premiers (très rares) véhicules immatriculés au Luxembourg et roulant à l’hydrogène (dont depuis peu un tracteur remorque du transporteur Haesaerts, basé à Livange) pourront bientôt faire le plein à Bettembourg.
Une première qui espère bien attirer de plus en plus de roulants décarbonés et qui s’inscrit dans un paysage (auto)mobile en profonde mutation (lire aussi notre dossier du mois 2035 : Lëtz Go !), notamment pour les acteurs, locaux ou globaux, qui font les stations-services.
Alain Ducat
Photos/Images : MTTP, TotalEnergies, Picto