« Les citoyens et les énergies douces au centre de l’urbanisme »
En accord avec le Plan national intégré en matière d’Énergie et de Climat (PNEC), le Luxembourg s’est lancé dans un vaste projet en faveur de l’environnement. Claude Turmes, ministre de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, nous explique comment le gouvernement se joint à la population pour devenir un modèle sur le plan européen.
Quels sont les principaux objectifs à atteindre, pour le Luxembourg, dans le cadre de ce plan ?
Nous sommes dans une crise climatique. Et en tant que gouvernement, nous nous devons d’être à la hauteur. C’est pour cette raison que nous avons renforcé nos objectifs. Nous sommes passés de 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 55%, d’ici 2030. Même chose pour l’utilisation des énergies renouvelables qui passent de 11 à 25 %. Pour l’efficacité énergétique, nous visons une amélioration de 40 à 44%. Ce dernier objectif est le plus ambitieux en Europe. Cela s’explique par le fait que le Luxembourg est un petit territoire, densément peuplé, et surtout qui accueille beaucoup d’activités économiques et industrielles très intenses en énergie. Pour maîtriser la quadrature du cercle, il est donc impératif d’être excellents sur l’efficacité énergétique.
Comment améliorer concrètement cette efficacité énergétique ?
En utilisant les meilleures technologies disponibles. Je pense aux nouveaux bâtiments qui sont construits de manières efficaces, en intégrant les énergies renouvelables. Ces immeubles, qui accueillent autant des habitations privées que des bureaux, sont soumis à des standards qui figurent parmi les meilleurs en Europe, voire au monde. C’est également important d’accompagner les industriels chaque fois qu’il y a un grand investissement. Par exemple, chez Guardian, producteur de verre, ils remplacent le four actuel par l’un des plus efficaces au monde.
La mobilité douce n’est pas oubliée...
Les transports publics sont constamment mis en avant ! Le Luxembourg est le plus grand investisseur par habitant. Pour donner une comparaison, nous investissons deux fois plus que la Suisse alors que ce pays est aussi résolument tourné vers la protection de la planète. Les transports publics gratuits sont une décision dont nous sommes fiers et qui remportent un franc succès. C’est évidemment un bonus pour la mobilité douce.
Je n’oublie pas l’électromobilité, les voitures, les camionnettes et autres camions. Notre objectif est de faciliter la transition vers une mobilité sans émissions pour tout le monde.
L’essence du PNEC, c’est d’utiliser toutes les technologies propres disponibles aujourd’hui en matière d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable. Nous voulons que tout soit utilisé plus vite et plus fort. Par exemple, sur le solaire, nous avons multiplié par 5 les investissements sur les deux dernières années. L’éolien prend également une belle envergure.
Est-ce que le Luxembourg tend à être plus indépendant sur le plan énergétique ?
Aujourd’hui, nous importons notre pétrole, notre gaz et la majorité de notre électricité. Demain, nous serons un pays qui va produire. Donc, nous allons essayer de sortir des énergies fossiles. Mais, d’un autre côté, avec notre petit territoire, notre démographie et notre niveau d’activités, le Luxembourg ne sera jamais un pays énergétiquement autonome.
Nous allons donc faire le maximum sur le développement de l’énergie solaire. Pas seulement sur le toit des maisons mais aussi sur les toits des entreprises. Nous avons, par exemple, 300 hectares de parkings qui pourraient être recouverts d’ombrières solaires.
L’Allemagne est notre voisin qui avance le plus vite, tout en sortant du nucléaire et du charbon. Nous pouvons donc nous appuyer sur eux. Le mix énergétique du futur, ça sera beaucoup d’électricité verte et, derrière, des importations d’électricité, principalement allemandes.
Quid des projets et des premiers résultats ?
Je suis enchanté par les installations solaires citoyennes. Les communes mettent à disposition le toit d’une école ou d’un hangar des services techniques. Les citoyens investissent ensemble dans une installation solaire. S’ils font cela, ils obtiennent un prix garanti qui est légèrement meilleur que s’ils le faisaient de manière individuelle ou en entreprise. On a des dizaines d’initiatives qui fleurissent un peu partout dans le pays.
Pour gagner la bataille en faveur du climat, il faut plus que la technologie. Il faut que tout le monde s’y mette. C’est une question sociétale.
Produire du solaire est un premier pas. Peut-être que, derrière, les gens se lanceront dans un projet de jardin collectif par exemple, pour économiser les kilomètres de livraison.
Il faut repenser notre urbanisme etcette planification, à l’horizon 2050, est en cours, dans un processus participatif.
Ces 40 dernières années, la voiture était au centre, alors que dans l’urbanisme de demain, le centre, ce sera le citoyen, ainsi que toutes les mobilités douces. Je pense aussi à la ville comme lieu de rencontre. C’est grâce aux communications entre les gens que des actions communes se créent pour nous aider à amener des comportements plus vertueux, en faveur du climat.
Propos recueillis par Sébastien Yernaux
Photo principale : SIP/MEA-DATer
Photo intérieure : MEA-Sophie Margue
Article tiré du dossier du mois « Énergie, ville : soyons énergiphiles ! »