« Made in Slavery »
Selon les Nations Unies, un demi-milliard de personnes, soit 8 % de la population mondiale, risquent de tomber dans la pauvreté en raison des retombées économiques de la pandémie de COVID-19. « Avec une chute du revenu par habitant prévue dans plus de 170 pays, les personnes sans protection sociale seront les plus gravement touchées » averti Olivier De Schutter, nouveau Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains.
Cette problématique touche particulièrement les travailleur.euse.s du secteur textile.En raison de leurs bas salaires et de la répression généralisée des droits à la liberté d’association, les travailleur.euse.s de ce secteur vivent déjà dans des situations précaires et les retombées économiques de la pandémie auront de lourdes conséquences. « Les travailleur.euse.s du secteur de l’habillement vivent au jour le jour. Si ils ou elles perdent leur emploi, c’est leur salaire mensuel qui sera perdu et avec lui la possibilité de nourrir leur famille. » affirme Kalpona Akter, présidente de la Fédération des travailleurs de l’industrie textile du Bangladesh.
Les rapports des médias et les informations directes recueillies par le réseau international Clean Clothes Campaign montrent que de nombreuses usines ferment ou risquent de fermer. Ces fermetures sont dues à l’arrêt de l’approvisionnement en matières premières en provenance de Chine, à la réduction des commandes, liée notamment à la fermeture des magasins en particulier en Europe, ainsi qu’aux initiatives prises par les gouvernements pour des raisons de santé publique. Cela touche un certain nombre de pays tels que le Cambodge, le Myanmar (Birmanie), le Sri Lanka, le Bangladesh, l’Indonésie, l’Albanie et les pays d’Amérique centrale.Dans le monde, les commandes actuelles des usines du secteur textile ont baissé de 41 % en moyenne. Au Bangladesh, qui est un pays très dépendant de cette industrie (80 % des recettes d’exportations), cela équivaut à un minimum de 3,1 milliards de dollars de perte, laissant le secteur dans le chaos et les travailleurs, une fois de plus, en supporter le fardeau. Les travailleurs du secteur de l’habillement craignent la menace très réelle de la famine autant qu’ils craignent l’infection. Si quelques usines, où les conditions de surpeuplement sont la norme, rouvrent leurs portes, très peu de mesures ont été mises en place pour protéger les travailleurs du COVID-19. Depuis avril, le refus de certaines marques de payer l’intégralité de leurs commandes et les salaires impayés ont donné lieu à des protestations quotidiennes.
Rien de tout cela n’est nouveau, mais les événements récents dévoilent la profondeur du déséquilibre du pouvoir, et comment, même avec l’état d’urgence sanitaire mondial sans précédent, les bénéfices des actionnaires continuent de prévaloir sur la vie de ceux qui fabriquent nos vêtements.La crise du COVID-19 réduit à néant les moyens de subsistance de millions de personnes dans l’industrie de l’habillement et rend encore plus nécessaire le soutien des luttes pour un salaire vital, une protection sociale, la liberté d’organisation et la sécurité des usines.
Symbole des excès de la mondialisation et de la délocalisation, l’industrie textile a grandi en se focalisant sur la maximisation de ses marges et la rapidité des collections, mettant sous pression les employés des usines tout en ignorant en majeure partie les coûts sociaux et environnementaux. Pour le moment, les initiatives volontaires se tiennent là où les lois font défaut. Il y a peu de mécanismes fiables et efficaces à la disposition des travailleurs, et la seule chose qui les protégera vraiment seront des législations contraignantes avec des répercussions décisives pour les marques qui ne s’y soumettent pas. Personne ne devrait avoir à compter sur des initiatives volontaires pour la protection des droits humains.
Cette pandémie a changé le monde et aucun d’entre nous ne peut prédire avec précision à quoi il ressemblera dans un mois ou dans un an. Espérons que l’un des changements résidera dans une compréhension globale que les pratiques d’exploitation ne devraient pas être le fondement de notre avenir collectif. « L’extrême pauvreté n’est pas due à un revenu insuffisant ou à la faute des individus ou des familles qui la subissent. Elle est le résultat des choix que font les États et qui perpétuent les situations de pauvreté et d’exclusion sociale », fait valoir M. De Schutter.
Ana Luisa Teixeira
Coordinatrice programme « Plaidons Responsable »
Plus d’informations : https://www.caritas.lu/caritas-news...