« Neutraliser » les terres, pour ne plus les perdre
La spéculation immobilière et les questions de succession rendent de plus en plus difficile l’extension, voire le simple maintien, des terres agricoles. La Fondation Oikopolis propose d’autres voies.
La hausse des prix de l’immobilier et des terrains a-t-elle une influence négative sur le développement durable ? Ils ne sont pourtant que le reflet économique des deux « erreurs systémiques » que sont la spéculation foncière et les questions d’héritage ou de transmission. Le secteur agricole n’est pas épargné : la spéculation immobilière et la succession des générations rendent de plus en plus difficile le maintien, et évidemment l’extension, des terres agricoles. Un versement aux héritiers après la reprise de l’exploitation met trop souvent en péril la liquidité de la ferme. Et si les terres sont partagées entre les héritiers et doivent être relouées par celui qui reprend la ferme, cela n’est pas non plus rentable pour une agriculture viable.
En conséquence, de plus en plus de terres sont perdues.
Les chiffres le prouvent également :
En 2000, un peu plus de la moitié des terres agricoles étaient louées ; les statistiques de 2020 montrent qu’au Luxembourg, plus de 60% des terres sont désormais détenues par des non-agriculteurs.
Le loyer réclamé aux agriculteurs actifs est passé de 163 €/ha à 269 €/ha au cours de la même période. L’augmentation des taxes foncières est en partie directement répercutée sur les loyers des agriculteurs.
D’utilité publique
Il est de plus en plus évident que la conception habituelle de la propriété des terres agricoles doit être remise en question. De nouvelles formes juridiques et de propriété de l’utilisation des sols doivent être explorées. Depuis des années, le mouvement agricole biodynamique en particulier a cherché de nouvelles voies et les a en partie développées avec succès.
C’est le cas par exemple de la Fondation Oikopolis Luxembourg, créée en 2018. L’idée de base est de conserver les terres non pas en tant que propriété privée, mais en tant que propriété d’utilité publique, pour les mettre ensuite à la libre disposition d’un agriculteur capable. C’est pourquoi la fondation veut « neutraliser » les terres, c’est-à-dire les soustraire à l’héritage privé et à la spéculation, afin de les proposer à des agriculteurs biologiques à des prix de location raisonnables. Ce faisant, on veille à promouvoir une culture agricole et alimentaire viable, c’est-à-dire durable. Une production industrialisée, qui sert la recherche de profit de quelques grands acteurs, est rejetée.
Armin Steuernagel & Co. poursuivent un concept similaire avec la Purpose Foundation, qui aide les entreprises à se transformer en une nouvelle structure de propriété. Les entreprises en propriété responsable font une promesse juridiquement contraignante selon laquelle elles resteront indépendantes à long terme. Les bénéfices ainsi que les actifs serviront toujours à l’objectif de l’entreprise. L’entreprise « s’appartient » et ne peut pas être vendue comme objet de spéculation. Par conséquent, aucun individu ne peut profiter de la vente de parts de l’entreprise. La valeur de marché de l’entreprise est conservée par les collaborateurs qui ont contribué à cette valeur.
Même si la Fondation Oikopolis est encore jeune et que les terres agricoles sont chères au Luxembourg, la vision reste de libérer les terres fertiles et de les mettre progressivement à disposition d’une agriculture durable.
Ainsi, la Fondation détient exemplairement des parts du Groupe Oikopolis dans l’esprit d’une entreprise qui s’appartient et a indirectement cofinancé l’extension du Kass-Haff à Mersch.
Oikopolis Foundation Luxembourg, partenaire Infogreen
Extrait du dossier du mois « Bâtir d’autres modèles »