Nous avons su relancer une vraie dynamique
Les fondations permettant de faire de l’ESS un secteur économique à part entière sont en place. Le temps est maintenant venu de consolider ce qui a été construit. Interview de Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire.
Quel état des lieux pouvez-vous dresser de la situation en matière d’économie sociale et solidaire (ESS) au Luxembourg après 5 années passées à la tête du ministère éponyme ?
L’économie sociale et solidaire existait bien avant mon arrivée au Ministère, il y a 5 ans. On prenait alors seulement conscience qu’elle pouvait devenir un véritable acteur dans le paysage économique luxembourgeois, mais elle n’était pas structurée, elle n’avait pas de base légale. Tout cela a été aujourd’hui largement réalisé, de surcroît avec une très petite équipe. Nous avons même modifié certaines dispositions de la loi il y a peu et avons donc désormais un cadre juridique qui répond aux besoins. Nous avons également créé l’incubateur 6zéro1 qui permet à de nouvelles entreprises d’impact sociétal (SIS) de se développer, ainsi qu’une maison de l’économie sociale et de l’innovation sociale (MESIS) qui est un lieu de rencontre, de création et d’innovation. Elle se trouve en plein centre, à proximité de la Banque centrale, ce qui, je trouve, est un beau signal. L’Union luxembourgeoise de l’économie sociale et solidaire (ULESS) est devenue un acteur visible, un partenaire et un pourvoyeur d’idées important. Je dirais donc que le bilan est globalement positif et que le train est bien parti vers de nouvelles destinations.
Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?
Je crois que c’est un tout : nous avons fédéré l’ESS, nous l’avons poussée, nous lui avons donné du poids en termes d’emplois et d’apport économique, non seulement au Luxembourg, mais aussi à l’échelle européenne. 2015, année de notre présidence, a été un moment charnière pour l’ESS en Europe. Alors que rien ne bougeait depuis un certain temps, nous avons su relancer une vraie dynamique, ce qui me remplit de satisfaction.
Quel est le poids de l’ESS au Luxembourg aujourd’hui, en chiffres ?
L’ESS reste dans une zone grise d’un point de vue comptable. Beaucoup d’entreprises devraient se considérer comme en faisant partie, mais ne le font pas pour différentes raisons, peut-être parce que cette dénomination n’a pas encore la reconnaissance qu’elle devrait avoir au Luxembourg. On estime néanmoins qu’elle représente plus de 30 000 emplois, soit 7 % de l’emploi total, principalement dans le domaine social, mais aussi dans une diversité d’autres secteurs. Quelqu’un a dit que « pour comprendre, il faut mesurer », c’est pourquoi nous allons travailler à cerner plus précisément la contribution de l’ESS aux économies luxembourgeoise, européenne et internationale, à travers des projets de coopération, notamment avec le Costa Rica et le Canada. Il s’agit des fameux comptes satellites. Cet exercice débutera en janvier et courra pendant 2 ans.
Que reste-il à faire selon vous ?
Beaucoup ! Il reste à développer sur base de ce qui a été construit avec tous ceux qui, souvent avec beaucoup de passion, se sont engagés dans les entreprises de l’ESS. Il faut prolonger la dynamique en montrant qu’entreprise sociale est une option parmi d’autres quand on veut créer, innover et apporter quelque chose à l’économie, mais aussi à la société luxembourgeoise. Pour cela, il faut poursuivre le travail d’information qui a été commencé pour mieux faire connaître l’ESS, parler d’entreprenariat social dans les écoles et encourager les jeunes à réfléchir sur le sujet, leur montrer qu’il existe une autre forme d’entreprenariat qui a des points communs avec l’entreprenariat classique, mais avec un « plus » : l’engagement social, le résultat que je peux apporter à la société, pour qu’ils prennent encore mieux conscience de la force que cela représente.
Mélanie Trélat
Photo : Fanny Krackenberger
Dossier du mois Infogreen « Social Impact »