
Nouveaux quartiers urbains : Le modèle performant du partenariat public-privé
Une quête : comprendre comment les partenariats public-privé réinventent la planification urbaine pour façonner au Luxembourg des quartiers durables et inclusifs tels que Belval et Metzeschmelz. Une méthode ? Solliciter l’expertise de trois acteurs clés de ces développements urbains.
Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement et présidente d’AGORA, Simone Asselborn-Bintz, bourgmestre de Sanem, et Christian Weis, bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, livrent leur expertise.
À Belval et à Metzeschmelz, autrefois dominés par les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal, des quartiers prennent vie grâce à une collaboration inédite entre le géant sidérurgique et l’État luxembourgeois (via AGORA). Ensemble, ces deux projets démontrent comment un partenariat public-privé (PPP) peut propulser le développement urbain et construire un avenir durable pour la région.
Mais comment réussir un PPP ? Quelles sont les conditions de l’alchimie ? La chose peut être compliquée. Comment conjuguer les intérêts des ministères au service du public et des grandes entreprises en quête de rentabilité ? Notre enquête se penche sur ces questions en explorant les coulisses de Belval et Metzeschmelz, où l’innovation et la concertation sont les maîtres mots.
Un modèle qui allie efficacité et responsabilité
Pour Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement et présidente d’AGORA, le PPP est avant tout une « conjugaison des forces pour accélérer les résultats concrets. » Le modèle permet de partager les risques tout en optimisant les délais et les coûts. « Le partenariat public-privé permet de combiner la rapidité et l’efficacité du secteur privé avec la responsabilité et l’intérêt général du secteur public. Cette symbiose assure une meilleure efficacité à toutes les étapes du développement urbain. »
« Le secteur privé apporte la flexibilité et l’innovation, tandis que le secteur public garantit le respect des intérêts collectifs. Cela s’illustre parfaitement à Metzeschmelz, où nous testons des solutions novatrices en matière de mobilité, d’énergie et de gestion de l’eau. À Belval, le modèle a également démontré sa capacité à transformer une friche industrielle en un quartier dynamique en quelques décennies seulement, tout en respectant les objectifs de durabilité et de qualité de vie. »
Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement et présidente d’AGORA
Mieux encore, les partenariats public-privé s’alignent naturellement sur les objectifs de nombreux programmes gouvernementaux. À titre d’exemple, Marie-Josée Vidal, document officiel en main, met en lumière la parfaite résonance entre les valeurs d’AGORA et d’ArcelorMittal et les ambitions du Pacte Logement 2.0. Ce dernier, pierre angulaire des politiques de logement au Luxembourg, promeut une collaboration renforcée entre acteurs publics et privés pour accélérer la production de logements accessibles et durables.
Sans oublier un avantage indéniable des PPP que relève Simone Asselborn-Bintz, bourgmestre de Sanem : « Ils permettent de mobiliser des financements privés, ce qui peut soulager les ressources publiques et, à nouveau, accélérer la réalisation de projets complexes. »
Une toile d’intérêts communs
Les missions respectives de l’État et du monde entrepreneurial sont-elles vraiment si peu compatibles ? En se fiant à l’expérience luxembourgeoise, la réponse est non ! La conversation public-privé est féconde lorsqu’elle s’appuie sur de bonnes bases communes.
Simone Asselborn-Bintz en identifie deux. « La sélection minutieuse des partenaires et l’établissement d’une relation de confiance durable autour d’objectifs communs sont des piliers essentiels ». Il ne s’agit pas seulement de collaborer, mais de construire une synergie où convergent les objectifs économiques des acteurs privés et les intérêts publics, « comme la durabilité et l’inclusion sociale ».
« Cela nécessite une transparence totale et une communication continue pour garantir que chaque décision prise respecte les besoins de la communauté et les valeurs fondamentales du projet. »
Simone Asselborn-Bintz, bourgmestre de Sanem
L’expérience de nos trois experts débouche sur une même conclusion : en adoptant ce code de conduite, on réalise vite que les intérêts du public et du privé n’ont rien de divergent !
« Il faut se méfier d’une vision réductrice et strictement mercantile du secteur privé, laquelle est tout à fait fausse, analyse Marie-Josée Vidal. Les entreprises luxembourgeoises souhaitent la rentabilité, mais elles sont aussi des acteurs du vivre-ensemble, qui chérissent le bien commun. En écho, l’État souhaite encourager le développement économique et financier tout autant qu’il vise l’intérêt général. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’en dialoguant et en échangeant, on développe des solutions qui concilient tous les impératifs ! »
De grands défis
Mais le PPP ne va pas sans quelques obstacles. La bureaucratie, de même que les différences culturelles et organisationnelles entre public et privé, exigent une collaboration étroite et continue. Christian Weis, bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, n’y voit toutefois pas un frein, plutôt une remarquable occasion de faire preuve de la plus grande rigueur.
« Les contraintes administratives, bien que parfois lourdes, assurent la qualité et l’intégrité des projets. Elles offrent un cadre essentiel pour garantir que les projets respectent à la fois les normes de qualité et les attentes sociétales. Des procédures administratives telles que les appels d’offres ou les réglementations strictes sont nos meilleurs outils pour renforcer la fiabilité et la pérennité des initiatives urbaines. »
Christian Weis, bourgmestre d’Esch-sur-Alzette
Il y a d’autres dangers, selon Simone Asselborn-Bintz, comme le déséquilibre de pouvoir et la crainte que les engagements à long terme des PPP pèsent sur les générations futures. « Tout cela nécessite une vigilance accrue », reconnaît-elle.
« Un cadre règlementaire solide et des objectifs clairs sont très importants », poursuit-elle. Pour appuyer ses dires, elle brandit le document présentant les orientations du Plan national pour un développement durable,qui sert de guide pour intégrer la durabilité dans les projets publics, notamment via des certifications environnementales reconnues, comme le DGNB ou le BREEAM. « En adoptant un tel cadre commun, on pose des exigences strictes en matière de qualité, d’impact environnemental et de responsabilité sociale, tout en définissant le socle de pensée sur lequel s’appuyer pour résoudre les éventuels différends. »
Cette exigence dans les processus administratifs permet de créer une véritable synergie entre les objectifs publics et les impératifs économiques. « C’est ainsi que sont favorisées les solutions les plus innovantes pour construire des quartiers durables », pense Christian Weis. À Metzeschmelz, par exemple, des technologies de pointe sont testées pour la gestion énergétique, la mobilité et la renaturation, intégrant à la fois durabilité et performance économique. Le tout respecte un cadre précis, établi au préalable avec toutes les parties prenantes.
Un modèle qui inspire à l’international
Le Luxembourg, pays de compromis où se conjuguent harmonieusement différentes visions du bien commun, a implanté le PPP avec succès. Au-delà des frontières du Grand-Duché, le modèle AGORA inspire.
« Des pays comme la france viennent étudier notre approche des friches industrielles. La structure 50%-50% d’AGORA est unique en europe. Belval, véritable laboratoire urbain, est devenu un symbole d’innovation. L’héritage du modèle agora pourrait bien redéfinir les standards internationaux en matière de PPP. »
Marie-Josée Vidal, Premier Conseiller de Gouvernement et présidente d’AGORA
En tant que bourgmestre d’Esch-sur-Alzette qui pose un regard curieux sur les interrelations entre le Luxembourg et l’Europe, Christian Weis est tout à fait d’accord ! « Avec des projets tels que Belval, notre pays est devenu un véritable symbole d’innovation en matière de développement urbain. Nous avons su transformer des sites industriels en quartiers modernes et durables, tout en préservant notre patrimoine historique. De nombreux projets réalisés à Belval attirent aujourd’hui des visiteurs du monde entier. »
Alors que les partenariats public-privé continuent de transformer le paysage urbain luxembourgeois, ils soulèvent également des questions essentielles pour l’avenir : comment amplifier encore leur impact sur la transition écologique ? Quelles nouvelles formes de coopération pourraient en émerger ? Belval et Metzeschmelz ne sont peut-être que le début d’un mouvement plus vaste, où innovation, durabilité et inclusion s’entrelaceront pour redéfinir les villes de demain.
Texte et photos d’AGORA