Où faire ses courses en vrac au Luxembourg ?
On le sait, le meilleur déchet est celui qui n’existe pas. Acheter en vrac est dès lors un acte vertueusement circulaire. Tour d’horizon pour consomm’acteurs engagés.
S’il va de soi que la plupart des fruits et légumes sont vendus sans emballage, surtout en raison des dernières législations en vigueur, les autres produits du panier sont encore trop souvent pré-emballés. Où se rendre, au Luxembourg, pour faire ses achats en mode zéro déchet ?
Au marché, tout simplement
Premiers alliés des achats sans emballage, les marchés permettent de faire le plein hebdomadaire du frigo et des placards sans se ruiner, ni s’encombrer de sacs et boîtes à usage unique. À condition d’être un minimum organisé…
Saviez-vous que la grande majorité des commerçants – maraîchers mais également boulangers, bouchers, traiteurs, épiciers, etc. – présents lors des marchés acceptent volontiers les sacs et autres contenants réutilisables ? Un tour du marché de Dudelange nous l’a confirmé.
Certains marchands allègent même légèrement la note des clients qui se présentent avec leurs emballages. C’est le cas, par exemple, de Parvaneh & Söhne, qui sillonne les marchés grand-ducaux depuis 35 ans. Ici, les habitués savent exactement ce qu’ils viennent chercher – olives et autres spécialités méditerranéennes – et quelles boîtes apporter. Le gérant précise : « Je prélève 1% du total des achats, ce qui correspond plus ou moins à ce que me coûtent les boîtes en plastique jetable ».
Et d’ajouter : « Lorsque j’ai démarré il y a 35 ans, il était tout à fait normal que les gens viennent avec leurs propres boîtes. Il y a 15-20 ans, tout a changé, les commerçants se sont mis à refuser les tupperwares apportés par les clients et tout est devenu jetable. Depuis un peu moins de 10 ans, cette habitude reprend, mais on voit une différence entre les clients habituels de certains marchés et les passages plus spontanés durant le week-end ou à Luxembourg, par exemple. »
Certains jours, plus de la moitié de la clientèle se présente équipée d’emballages réutilisables. Par souci pratique pour certains, pour préserver l’environnement pour d’autres.
Buttek Mosaïk (Filsdorf), le commerce sans but lucratif
Depuis 4 ans, les bénévoles d’Action pour un monde uni tiennent une boutique ouverte du lundi au jeudi où le vrac est dominant. Pâtes, riz, boulgour, sucre, sel, œufs, mueslis, fruits secs, chocolat, bonbons… Le rayon alimentaire fait la part belle au zéro déchet, et les circuits courts sont généralement privilégiés : « Nous proposons des confitures réalisées avec les fruits invendus du Cactus dans des bocaux que nous récupérons, le boulanger local nous livre son pain, les fruits et légumes sont de saison et régionaux », explique Christiane Stein, membre du conseil d’administration de l’ONGD.
Et même si cela nécessite l’intervention des pays limitrophes, le vrac remplit également les rayons hygiène et ménage, où l’on trouve entre autres vinaigre, lessive en poudre et liquide, sel régénérant, shampoings et savons solides, dentifrices. « Nous accueillons à bras ouverts tout producteur, aussi proche que possible, qui propose de bons produits en vrac. Nous voulons proposer, sur le long terme, des solutions équitables qui fonctionnent pour le client et pour nous. »
Seuls les produits difficilement commercialisables en vrac, tels que les chips et la charcuterie, sont proposés en pré-emballé. Dès que c’est possible, les bocaux ou bouteilles en verre sont consignés afin d’être remis dans le circuit après usage.
À Filsdorf, les clients viennent volontiers avec leurs contenants. Les « néo-vraqueurs » trouveront quant à eux toutes les boites en verre ou inox qu’ils rempliront à leur guise.
« C’est une autre manière de faire ses courses, qui n’a que des avantages. On achète les quantités que l’on souhaite, et on les stocke aisément et longtemps dans des bocaux qui facilitent la conservation. »
Christiane Stein, Action pour un monde uni
Un modèle qui est possible grâce aux locaux disponibles sans loyer et au dévouement des bénévoles. Le plus : tous les bénéfices sont versés à l’asbl Action pour un monde uni, qui agit en faveur de la collaboration nord-sud en proposant des façons de consommer de manière équitable, pour ne pas nuire aux pays du Sud.
Kilogram (Capellen), la solution pratique
Si à ce stade de la lecture, vous êtes emballés par l’idée mais restez braqués sur le fait de vous trimballer bocaux et sacs lavables à chaque fois que vous souhaitez faire vos courses, vous pourriez bien être séduits par kilogram.lu.
Ancienne bénévole des regrettées épiceries zéro déchet Ouni, Stéphanie Lamberty s’est lancée dans une version dans l’air du temps des achats en vrac : grâce à des bocaux consignés, elle propose toute une gamme de produits alimentaires, d’hygiène et ménagers avec retrait sur rendez-vous ou livraison à domicile. Le drive du circuit court, du bio, du zéro déchet.
Stéphanie Lamberty : « La transition climatique ne fonctionnera que si elle est massive. C’est là que Kilogram se positionne, en rendant ce type de consommation accessible, non pas à un faible pourcentage de la population, mais à tous. » Bien consciente que la réduction des déchets de nos achats n’a qu’un faible impact sur le climat, elle ajoute : « Le zéro déchet agit sur la pollution et la destruction des écosystèmes, notamment marins. Mais le levier climatique intervient surtout, selon moi, quand le zéro déchet est associé à l’agriculture locale et aux circuits courts ».
« C’est simple d’acheter en vrac. Il faut que de plus en plus de gens s’y mettent ! » Stéphanie Lamberty, Kilogram
Du côté des consommateurs, rien de plus facile : en quelques clics, des produits sains, locaux, bio, éthiques sont dans le panier, et rapidement sur le pas de la porte. Pour l’entrepreneuse, c’est un engrenage logistique entre des dizaines de fournisseurs – convaincus par le vrac, ou qu’il a fallu convaincre -, des bénévoles, mais aussi des bocaux, boîtes et silos à entretenir professionnellement. « Quand c’est nécessaire, nous fournissons nous-mêmes les contenants réutilisables aux producteurs locaux. Cela fonctionne très bien ! »
Certains grossistes permettent de proposer des produits plus spécifiques en bocaux consignés, mais il faut pour cela, à ce jour, franchir les frontières belges et allemandes. Ce qui est évidemment loin de freiner la cheffe d’entreprise engagée.
Pour limiter l’impact des livraisons, celles-ci sont regroupées par zones. Des lieux de retrait sont également disponibles. Et, bonne nouvelle pour tous les « vraqueurs » en devenir, une épicerie Kilogram ouvrira très bientôt ses portes à Capellen.
Bien consciente des difficultés qu’ont rencontrées ses collègues d’Ouni, l’épicière précise : « Pour qu’un tel projet subsiste, il faut faire du volume. Pour cela, je démarche les entreprises, qui représentent une part significative du chiffre d’affaires. »
Les commerces bio : un peu, beaucoup…
Pour les magasins bio, le vrac peut être une évidence, ou une expérience. Les magasins Naturata, par exemple, s’y sont risqués pour répondre à une demande de clients qui ne se sont finalement pas manifestés. Un test a été effectué à Belval mais la rentabilité n’a malheureusement pas été au rendez-vous.
C’est sans doute chez Naturalia que l’on trouve le plus grand rayon vrac, avec une cinquantaine de références rue Philippe II. Christelle Huneau, directrice : « Nous proposons en vrac des produits bruts et des produits transformés, tels que des biscuits d’apéro, des amandes au chocolat noir, etc. Il y a de plus en plus de demandes sur le sans emballage. Ce n’est pas le rayon le plus rentable, mais c’est un rayon qui fonctionne bien. » Des affiches renvoient même les clients intéressés par certains produits emballés vers leur équivalent vrac, généralement moins cher.
Dans les deux épiceries de co-labor – dont celle de Dudelange n’est autre que l’ancien Ouni – quelques silos sont encore fixés aux murs. Farine, riz, lentilles sont disponibles en libre-service, de même que la lessive luxembourgeoise Wäsch. D’autres produits sont proposés en bocaux consignés.
Enfin, dans les magasins Alavita de Bonnevoie et Junglinster, on retrouve aussi une petite dizaine de silos remplis d’une sélection de fruits secs, céréales, flocons d’avoine, etc.
Tous ces commerçants s’accordent toutefois à dire que la grande majorité des clients utilise les sacs en papier mis à disposition. Même si un système de tare est prévu, peu viennent équipés de leurs propres contenants.
Les grandes surfaces, moins emballées par le vrac
Dans les supermarchés comme dans les magasins spécialisés, les produits alimentaires en vrac sont souvent également biologiques ou locaux. Un choix éthique et sanitaire qui s’accompagne généralement d’un prix plus élevé, tout à fait justifié par la qualité du produit.
Pour des produits identiques, l’option vrac est régulièrement plus intéressante que son équivalent préemballé, comme l’a indiqué Naturalia. Une tendance qui se confirme au Cactus, par exemple (voir photos comparatives). Chez Auchan Luxembourg, on concède que les produits en vrac sont plus chers que les produits emballés.
Force est de constater que les silos sont de moins en moins présents au sein des supermarchés. « Il est très compliqué de gérer la rotation des produits en rayon », nous explique-t-on chez Auchan Luxembourg, dont les points de vente du Kirchberg et de la Cloche d’Or disposent tout de même encore de produits secs en distribution libre. L’engouement qui a suivi la pandémie du Covid s’est également estompé, signale-t-on chez Pall Center, où les silos se font rares.
Toujours au Pall Center, les anciennement nombreuses références en fruits secs, légumineuses, céréales et autres ont disparu au profit d’équivalents bio préemballés, plus rentables. Des produits ménagers de la marque Super Zéro étaient également proposés à Oberpallen, jusqu’à la cessation d’activités du fournisseur, fin 2022.
Parmi les obstacles, beaucoup mentionnent également l’entretien des silos, régulièrement proies aux visites de mites alimentaires les contraignant à jeter les stocks. Mais c’est principalement le manque d’engouement de la clientèle qui mène au retrait de l’offre.
Les supermarchés ayant pour habitude de répondre aux demandes des consommateurs, c’est à nous, clients, d’enclencher cette transition vers une consommation sans déchet !
Marie-Astrid Heyde
Les lieux spécialisés dans les achats zéro déchet :
- Buttek Mosaïk
- Kilogram (vente en ligne, épicerie physique à Capellen en fin d’année)
- Marchés hebdomadaires à travers le pays
Les magasins qui disposent d’un rayon vrac (alimentaire ou non alimentaire, hors fruits et légumes) :
- Alavita Bonnevoie
- Alavita Junglinster
- Auchan Kirchberg
- Auchan Cloche d’Or
- Cactus (liste non définie)
- Co-labor Bertrange
- Co-labor Dudelange
- Ferme Pretemer Haff
- GreenFox à Wolz
- Intakt Eko Markt à Bouneweg-Süd
- Meyrishaff à Bastendorf
- Naturalia Philippe II
- Naturalia Junck
- Pall Center Oberpallen
- Pall Center Steinfort