Pour un monde sans exploitation sexuelle des enfants en Côte d’Ivoire
Dans le cadre de leur mission de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC), ECPAT France, ECPAT Luxembourg, ECPAT international et SOS Violences sexuelles (association locale) ont commandité une analyse situationnelle sur l’ESEC en Côte d’Ivoire. L’objectif global de l’étude était d’analyser le contexte dans lequel se développe l’ESEC, le profil des victimes ainsi que les différentes déclinaisons de l’ESEC présentes en Côte d’Ivoire.
Rappelons ici brièvement deux définitions : Selon la Convention internationale des Droits de l’Enfant, ratifiée par la Côte d’Ivoire le 4 février 1991, l’enfant « est tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Et d’après la déclaration du Premier Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Stockholm, 1996), l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) se définit comme « toutes formes de maltraitance sexuelle commise par un adulte et accompagnée d’une rémunération en espèces ou en nature versée à l’enfant ou à une tierce personne ».
Pour l’analyse, 251 enfants ont été enquêtés dont le profil correspondait à cette description : jeune garçon/jeune fille âgé(e) de moins de dix-huit ans et victime d’ESEC au moment de la collecte de données.
En termes d’ampleur de l’ESEC en Côte d’Ivoire, le rapport de l’enquête revient aux résultats suivants :
- La prostitution représente la principale manifestation des situations d’ESEC rencontrées lors de l’analyse. 62 % des victimes enquêtées ont été exploitées dans la prostitution par le biais d’un intermédiaire (personne physique).
- 70 % affirment utiliser les technologies de l’information et la communication pour entrer en contact avec des abuseurs. La présente analyse a mis en lumière le fait que les enfants de sexe masculin sont également victimes d’exploitation dans la prostitution.
- L’exploitation sexuelle des enfants dans le voyage et le tourisme (ESEVT) concerne 16 % des enfants enquêtés.
- Selon les données issues de la présente étude, 2,8 % des enfants enquêtés ont révélé avoir été impliqués dans la réalisation de matériels d’abus sexuel ou d’exploitation sexuelle des enfants.
- La traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle touche moins d’un enfant sur 100 au sein de la population enquêtée.
- Aucun enfant victime d’ESEC n’a révélé avoir été également victime de mariage forcé.
L’enquête permettait également de collecter quelques témoignages qui illustrent l’ampleur du sujet parmi les jeunes.
« Quand j’étais plus jeune, j’avais ma photo et mon numéro de téléphone dans un hôtel. Les boss, quand ils venaient en mission ou aux funérailles m’appelaient et j’allais passer la nuit ou le week-end même avec eux. »
« Un vieux père est venu me voir, il dit que son ami blanc veut nous filmer en train de faire l’amour et que si j’accepte il va me donner 500.000 F [750 €] dans les 2.000.000F [3.000 €] que le blanc va lui donner. J’ai accepté, on a fait le film dans un hôtel à la plage là-bas, mon vieux père couchait avec moi et le blanc filmait. »
« Quand je n’envoie pas l’argent à la maison, ma tantie me frappe, c’est pour ça que je me donne aux tontons. »
La Côte d’Ivoire a ratifié tous les conventions et accords internationaux, et les chartes régionales sur les droits des enfants. En plus, le pays lutte activement pour le respect des droits de l’enfant par le biais d’accords multilatéraux et bilatéraux à échelle régionale. Malgré les efforts réalisés de développer et faire évoluer le système normatif et institutionnel de protection de l’enfance, l’étude constate toutefois un écart notable entre ces cadres théoriques et leur mise en œuvre pratique, notamment en ce qui concerne les stratégies préventives et la prise en charge subséquente des victimes d’ESEC. À la fin, quelques recommandations sont évoquées visant l’information et la sensibilisation à l’ESEC, le renforcement de capacités des professionnels et des acteurs communautaires, et le renforcement du système législatif et son application.
Les prochaines années vont montrer si les différentes recommandations ont été prises en considération par les autorités publiques ivoiriennes pour améliorer le filet de la protection des enfants vulnérables ou victimes d’ESEC.
Crédit photo : Arnold Grojean
Communiqué par ECPAT Luxembourg