Quand l’exécution s’appuie sur un modèle 3D
Une maquette BIM bien paramétrée offre de nombreux avantages à toutes les étapes de la réalisation d’un bâtiment, y compris en phase de construction où l’aspect collaboratif, la visualisation 3D et la centralisation des données permettent d’être davantage efficient.
Rencontre avec Aurore Deheneffe, architecte associée chez STEINMETZDEMEYER
Quels avantages voyez-vous à l’utilisation du BIM sur chantier ?
En tant qu’architecte, je ne m’occupe pas de la logistique de chantier en tant que telle. Par contre, le bureau STEINMETZDEMEYER a déjà été et est toujours en charge de projets d’envergure, sur lesquels les architectes travaillent avec des tablettes plutôt qu’avec d’encombrants classeurs. Cela nous permet d’avoir une visualisation directe de l’ensemble du projet pour vérifier la conformité d’exécution ou discuter d’une adaptation à faire avec l’entreprise.
Le bureau a eu l’occasion d’explorer le BIM en phases APS et APD (NDLR : STDM travaille actuellement sur un projet pilote de hall sportif pour l’administration des Bâtiments publics). Le grand avantage du BIM dans ce contexte est qu’il intègre une plateforme collaborative qui centralise toutes les données. Sachant qu’un chantier peut durer 2 ans, ceci est beaucoup plus efficace que de devoir consulter ses archives e-mails au risque de passer à côté d’une information clé.
Autre atout du BIM : quel que soit l’élément que l’on veut illustrer, on a la possibilité d’en avoir une vision complète en plan, en coupe ou en élévation. Une maquette 3D anticipative du bâtiment permet une compréhension, une visualisation et une prise de décision plus rapides. Elle rend les choses concrètes tant pour nous que pour le constructeur qui ne doit plus jongler avec des plans architecte, des plans statiques et des plans techniques qui contiennent chacun des informations complémentaires pour trouver celle dont il a besoin.
Au niveau logistique, si la maquette 3D est bien paramétrée, elle permet de sortir des quantités globales pour l’ensemble du chantier, mais aussi de les scinder entre les différentes zones du projet. On optimise ainsi le stockage et on dispose des quantités justes, en temps utile. Je pense donc qu’il y a un réel bénéfice pour les entreprises à se lancer dans le BIM.
Pour vous qui êtes architecte, le fait de savoir que l’entreprise va se servir du BIM en phase d’exécution demande-t-il un autre travail de préparation ?
Cela demande d’appréhender les choses un peu différemment. Classiquement, nous travaillons à partir d’un plan PDF, éventuellement à partir d’un DWG. Quand nous utilisons une maquette 3D, nous devons être attentifs lors de la vérification du contenu de la maquette, notamment sur les grands projets où le chef de projet ne dessine pas lui-même, pour nous assurer qu’elle ne contienne pas des données provisoires non validées, qu’il ne faut pas encore diffuser.
Il est clair que le BIM nécessite un plus grand investissement en temps dans les phases antérieures (modélisation, etc.), mais nous espérons que cet investissement en temps sera récupéré sur la gestion du chantier qui sera plus fluide et plus efficace. Le fait que l’effort soit placé beaucoup plus tôt dans le projet, en amont du chantier, contribue aussi à réduire les coûts puisqu’une adaptation en étude coûte forcément moins cher qu’une adaptation en construction.
À quand une mise en œuvre du BIM en phase d’exécution au Luxembourg ?
L’OAI a récemment présenté plusieurs projets réalisés avec le BIM, qui sont tous en phase APS ou APD, donc pas encore en phase chantier. Ici, nous travaillons sur un projet pour l’administration des Bâtiments publics où nous souhaiterions couvrir tout le processus en BIM, jusqu’au chantier et au dossier as built. Ceci permettrait, et c’est encore un des nombreux avantages du BIM, de faciliter la maintenance. Grâce au modèle BIM, on peut, en effet, sortir un listing des portes du bâtiment pour prévoir le réglage des quincailleries ou encore le nombre de mètres carrés sur lesquels on a appliqué de la peinture et qui doivent être repeints. Cela permet une fois encore de planifier les travaux d’entretien avec efficience et de commander les quantités exactes.
Est-ce que le BIM pourrait apporter un plus en termes de sécurité sur les chantiers ?
Oui, car il permet aussi d’appréhender beaucoup plus facilement les endroits où des protections ou des moyens de levage spécifiques sont nécessaires. Il offre au coordinateur Sécurité et au responsable Sécurité de l’entreprise une visualisation directe des volumes du projet au cours des étapes transitoires de la construction. Un garde-corps antichute manquant, par exemple, sera beaucoup plus facile à repérer en amont de la construction.
Le BIM peut-il servir la mise en place d’une approche lean construction ?
Je pense que le lean a besoin du BIM, dans le sens où la maquette BIM permet d’améliorer la logistique dans l’optique du lean qui consiste à essayer d’optimiser les flux sur chantier. J’ai travaillé sur un projet situé dans la capitale qui a servi de pilote dans une étude visant à recenser le nombre et la taille des camions qui arrivaient chaque jour. Il faut savoir que parfois, c’est un très gros camion qui entre en ville juste pour livrer un chantier et ne vider que 10 % de son contenu. La création d’un dépôt qui centraliserait de façon transitoire toutes les livraisons hors de la ville pour les dispatcher ensuite avec des plus petits volumes est à l’étude. Il permettrait de réduire les interférences avec la circulation courante, le bruit et la pollution, mais aussi d’avoir des livraisons sur chantier en flux tendu, just in time, ce qui serait appréciable en ville où l’on manque parfois de place pour l’installation de chantier.
Mélanie Trélat
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