« Quand on a toujours galéré, on a envie de s’en sortir »
À 29 ans, Viviane Rannou est cofondatrice de trois sociétés valorisées à une vingtaine de millions d’euros - dont Bauer Energie au Luxembourg. La jeune serial entrepreneur se trace une carrière sur mesure, depuis le Luxembourg et à l’international. Portrait.
Ambition
Issue d’un milieu modeste, Viviane Rannou a grandi en France au sein d’une famille qui peinait à joindre les deux bouts. Rapidement, elle décide d’opter pour un parcours qui lui assurera une stabilité financière – « Cela donne une force, car quand on a toujours galéré, on a envie de s’en sortir ».
Durant ses études de management international à l’Université de Bretagne occidentale (Brest), elle approfondit ses connaissances en langues – anglais, italien, chinois, en plus du français et du polonais qu’elle parle déjà. « À l’époque, je savais qu’il fallait que je connaisse plusieurs langues, mais je ne savais pas encore bien pourquoi. »
À l’issue de son cursus académique au cours duquel elle passe quelques mois en Chine, elle réalise quelques stages en Pologne et au Luxembourg, où elle décide de rester. Peu après, elle rencontre Amine en Belgique, avec qui elle partage depuis lors sa vie tant privée que professionnelle. Ensemble, ils ouvrent une première entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, dans le plat pays, qu’ils ont récemment vendue. Puis une autre au Luxembourg, dans le même domaine. « On a beaucoup appris avec ces premières expériences. »
Le côté entrepreneurial, elle le tient probablement de sa maman, l’artiste-peintre Margaretha Koper Rannou.
« C’est grâce à l’influence remarquable de ma mère que j’ai trouvé la force et le courage d’embrasser l’indépendance et de cultiver la confiance en soi nécessaire pour entreprendre. »
Aujourd’hui, elle travaille – notamment – avec son papa, directeur technique de Bauer Energie, entreprise d’installation de panneaux photovoltaïques et pompes à chaleur à Dippach.
« Grâce à l’inestimable enseignement de mon père, j’ai acquis la capacité de rester sereine et de gérer le stress dans n’importe quelle situation. Ses conseils et son exemple m’ont permis de développer une approche calme et réfléchie face aux défis, renforçant ainsi ma résilience dans le monde professionnel et personnel. »
Passion
Durant ces stages et premières expériences, Viviane ne trouve pas forcément sa place. « J’avais beaucoup de compétences, mais n’en utilisais qu’une partie. Le jour où je me suis lancée, c’est comme si j’avais explosé. Je pouvais enfin solliciter toutes mes compétences, j’avais créé l’emploi qui me convenait. »
Bien que Bauer Energie représente sa principale charge de travail, l’entrepreneuse ne s’est pas arrêtée là. Elle est cofondatrice et Chief Marketing Officer de deux autres sociétés.
Il y a d’abord XDaysWeb, basée à Dubaï et active dans l’événementiel. « Trois à quatre fois par an, XDaysWeb réunit des spécialistes internationaux du digital durant deux semaines autour de conférences, événements de networking, voyages, etc. Actuellement, nous sommes en Thaïlande. Les prochaines sessions sont prévues au Maroc, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite. Nous avons créé cela par passion du digital. C’est toujours positif de rencontrer plus de personnes, de créer un réseau. »
Il y a finalement la société de logistique COD Power Group basée au Luxembourg, en France et en Belgique et qui opère dans plusieurs pays d’Europe. Avec des partenaires notamment en Chine, en Afrique, au Moyen Orient, cette plateforme de e-commerce gère tous les aspects opérationnels liés à la vente en ligne. « On doit constamment se déplacer, pour aller sur place voir les entrepôts, discuter avec les partenaires, etc. »
« Parfois, on me dit que j’ai trop de chance. Mais quelle chance ? C’est du travail, des nuits blanches, des défis. Ça demande beaucoup de sacrifices. On ne peut pas se permettre de terminer à 16h ou 17h, pas en ayant trois entreprises en tout cas. Je travaille tous les jours jusque 22h, je voyage toutes les trois semaines environ. Je ne déconnecte jamais réellement. Il faut être motivée, il faut voir le chemin. Et surtout, il faut aimer ce qu’on fait. Si c’est une passion, alors on ne compte pas ses heures. »
Challenges
Trois entreprises et donc trois sources de stress. « Des problèmes, il y en a absolument tous les jours. À la longue, on développe comme une carapace, quelque chose qui nous permet de faire face aux soucis quotidiens. Ma philosophie, c’est qu’il ne faut pas stresser parce que chaque problème a sa solution. »
Viviane et son compagnon étant impliqués ensemble professionnellement, il y a une compréhension mutuelle qui les soude. « Heureusement, nous sommes complémentaires. Nous avons tous les deux des compétences bien distinctes, et de ce fait, on ne se mêle pas de ce que fait l’autre. Sinon, je pense qu’il y aurait beaucoup de disputes ! »
Être femme et entrepreneuse, c’est toujours compatible ?
« Je n’ai pas l’impression d’avoir été freinée parce que j’étais une femme. Il y a certains pays avec lesquels j’ai traités, dans lesquels les femmes ne sont pas perçues à leur juste valeur, c’est une question de regard et de culture. Il faut savoir s’adapter à l’autre, essayer de comprendre la personne, parler quelques mots de sa langue aide beaucoup aussi. »
Et pour la suite ? « Pour moi, le futur, c’est développer Bauer qui est déjà bien ancrée au Luxembourg, et COD Power Group. Mais aussi un jour fonder une famille. Évidemment, à ce moment-là, il faudra réduire. Gérer tout ne sera pas possible, il faudra s’entourer des bonnes personnes. »
Marie-Astrid Heyde
Photos : XDaysWeb / Bauer Energie
Article tiré du dossier du mois « Regards de femmes »