Résultats agricoles à surveiller de près
Après une chute de 10% en 2021, les résultats du secteur repartent à la hausse. Mais la volatilité des marchés rend les perspectives 2023 incertaines.
Claude Haagen, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, prend régulièrement le pouls du secteur. Et il n’a pas tous ses apaisements sur une année 2022 qui s’ annonce certes meilleure que la précédente mais qui laisse planer des doutes liés à la volatilité des marchés mondiaux.
Suite à une réunion tenue il y a quelques jours avec des représentants des filières agricoles et de la transformation agro-alimentaire – c’est la 4e réunion de concertation depuis le début de la guerre en Ukraine -, on a pu faire l’analyse des résultats du secteur et refaire le point sur l’évolution actuelle des marchés agricoles.
-10% en 2021
Dans un communiqué, le ministère donne des éléments chiffrés. Ainsi, sur base des données du réseau de comptabilité agricole national, le Service d’économie rurale (SER) a présenté les résultats définitifs de l’année 2021.
Il apparaît que le résultat d’exploitation des entreprises agricoles luxembourgeoises a baissé de 10% en 2021 par rapport à l’année 2020, toutes filières agricoles confondues. Il faut y voir l’effet des premières envolées des prix de l’énergie, mais aussi des semences, des engrais et de l’alimentation du bétail lors du dernier trimestre 2021.
Précision statistique fournie par le ministère : « les chiffres se basent sur les résultats de production agricole de 521 exploitations qui participent au réseau de comptabilité agricole du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et sont extrapolés aux 1.316 entreprises agricoles principales du Grand-Duché de Luxembourg ».
Cela s’annonce beaucoup mieux, mais…
L’analyse à la même source apporte également une prévision pour 2022. Une année mouvementée, entre conflit ukrainien et menaces sur la sécurité, flambée des cours des produits agricoles, crises à multiples entrées, avec grosse augmentation des coûts de l’énergie et des intrants. « Une année exceptionnelle pour le secteur de l’agriculture qui a bien géré cette année de crise », résume prudemment le ministre Haagen.
En effet, le SER prévoit une hausse des résultats d’exploitation moyens de 67%, toutes filières confondues. Une situation elle aussi exceptionnelle qui s’explique, voire se relativise.
Selon le SER et le ministère de tutelle après concertation avec le secteur, ces valeurs s’expliquent notamment par la hausse des prix des produits agricoles (et donc du chiffre d’affaires), en particulier du lait, « véritable locomotive de l’agriculture luxembourgeoise, qui génère plus de 40% de la valeur totale de production agricole du pays ».
Les analystes évoquent aussi « une gestion parcimonieuse des stocks existants de fourrages et d’engrais organiques en combinaison avec une utilisation d’intrants extrêmement raisonnée » ainsi que, globalement, une bonne gestion de crise, « à la fois du côté des exploitants agricoles et du gouvernement ».
On notera le bémol pour la viticulture, « qui a subi une baisse de la quantité de production suite à la sécheresse prolongée et souffre d’une diminution de 15% du résultat d’exploitation prévisionnel ».
On peut également rappeler aussi que selon l’ASTA (service du ministère notamment chargé des suivis météorologiques), au Luxembourg, le développement de certaines cultures a été plus ou moins impacté au fil des saisons 2022 : blé d’hiver, céréales d’été, pommes de terre et cultures fourragères comme le maïs ainsi que les prairies et les pâturages ont fortement souffert. Les cultures maraîchères ont certes bénéficié d’une longue saison, mais au prix d’une irrigation continue et onéreuse. Dans la fruiticulture, les récoltes étaient bonnes pour les cerises, mirabelles et prunes, mais mitigées pour les pommes et les poires. Quant à la récolte de maïs, elle a été très précoce.
… il faut rester vigilant face à une situation fragile
Pour le ministre, si le résultat global 2022 s’annonce positif, il faut se garder d’émettre des conclusions hâtives, peut-être trompeuses même, car la situation est fragile : « La hausse des résultats attendue pour 2022 est marquée par l’augmentation des prix des produits agricoles (lait, céréales, viande bovine et porcine) d’un côté, mais d’un autre côté, le secteur reste sous pression face à la volatilité et l’envolée des prix de l’énergie, de l’engrais, et de l’alimentation du bétail. Les disparités s’annoncent aussi marquées entre les filières et les types d’exploitations. »
Claude Haagen rappelle que l’agriculture est soumise aux cours des marchés mondiaux, tributaires du moindre changement de donne géopolitique, ainsi qu’aux aléas climatiques renforcés par le dérèglement manifeste. « Comme en 2022, le résultat de chaque exploitation dépendra aussi en 2023 de la date d’achat des intrants et de la situation du marché lors de la vente de son produit. L’imprévisibilité persistera. Voilà pourquoi une gestion de crise prudente reste d’actualité. Nous comptons rester en échange permanent avec le secteur agricole et avec celui de la transformation agroalimentaire pour pouvoir réagir rapidement le cas échéant ».
Alain Ducat
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