Secteur en reconstruction

Secteur en reconstruction

Après les transports, le bâtiment est l’un des principaux émetteurs de gaz à effets de serre au Luxembourg. Un impact qui est partagé entre d’un côté la construction (60% de l’empreinte carbone), et l’utilisation et la démolition de l’autre (40%).

Dans le cadre du Green Deal visant à faire baisser de 55% les émissions européennes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et à atteindre la neutralité climatique en 2050, le Luxembourg (comme les autres pays) devrait parvenir à 90% de réduction nette d’émissions d’ici à 2040 par rapport aux niveaux de 1990. Cette mission de décarbonation a déjà été entamée par le Luxembourg, qui a su faire diminuer ses émissions de GES de 30% entre 2005 et 2020, en (petite) partie en imposant aux nouvelles constructions de viser le NZEB – Nearly Zero Energy Building – en 2017. Depuis 2023, les énergies fossiles y sont également proscrites, ce qui encourage fortement l’installation de pompes à chaleur et panneaux photovoltaïques, couplés à une isolation efficace, pour obtenir des bâtiments peu énergivores.


Le Luxembourg doit construire vite, et en oublie parfois de construire bien. Les besoins en logement laissent peu de temps à la réflexion, mais l’urgence climatique rappelle au secteur que tout bétonner n’est pas la solution.

Le patrimoine bâti et à rénover est souvent laissé de côté, et l’intérêt pour les matériaux biosourcés est encore trop faible. Heureusement, divers projets nationaux ou Interreg en font leur cheval de bataille. Les green tech feront partie de la solution, pour faciliter le recours à des matières abondamment disponibles et aux qualités constructives ou isolantes élevées, telles que le bois, l’argile, la laine et la paille.

Certains architectes et ingénieurs se donnent la peine de se pencher, non seulement sur ces matériaux, mais aussi sur des modes de conception plus durables, et même circulaires. Les bâtiments ont jusqu’à présent été pensés pour un usage unique et immédiat, avec comme destin final une démolition et la mise au rebut des matériaux employés. Ce schéma n’est plus tenable, puisqu’il nécessite de disposer de ressources presque épuisées, et qu’il génère une quantité de déchets devenue ingérable et tout simplement inacceptable.


« Dans une construction traditionnelle en béton, l’enveloppe thermique génère 296 tonnes de CO₂. Nous sommes descendus à 39 tonnes avec cette ossature en bois et cellulose. »

Dave Lefèvre, architecte, au sujet d’un bâtiment à usage mixte conçu pour l’administration communale de Lintgen

Récemment, des bâtiments ont été construits avec en ligne de mire la modularité - de parking à immeuble de bureaux, par exemple  -, ou un démontage complet - un hall polyvalent pouvant être déplacé d’un site à l’autre, ou, en cours de construction à Osaka, un pavillon temporaire pour l’Exposition universelle dont les éléments pourront être désassemblés et réintégrés dans de nouveaux projets. C’est ce pavillon – dans son état actuel à 6 mois de l’Expo - qui illustre notre dossier thématique.

Ces tournants que le Luxembourg est en train de prendre – à son rythme –, sont d’autant plus intéressants qu’ils contribuent à rendre le secteur luxembourgeois de la construction plus résilient et plus autonome, en comptant principalement sur ses propres ressources. Les nouvelles technologies (robotique, intelligence artificielle, BIM, etc.) accélèrent la durée des chantiers grâce à la proximité de la (pré)fabrication et de l’approvisionnement des matières, et soutiennent toujours davantage la main-d’œuvre dans l’exécution de travaux lourds et encore trop dangereux (10 accidents mortels en 2023 au Luxembourg).

On le sait, l’innovation a un prix. Et c’est bien là où le bât blesse. Mais tout comme le mulet souffrait des bâts qu’on lui imposait de transporter sur son dos, le climat pâtit aujourd’hui d’une activité humaine trop polluante. Le premier problème a depuis bien longtemps été résolu (avec des innovations plus ou moins durables) ; ce dossier montre que tout espoir n’est pas perdu pour le second.

Marie-Astrid Heyde

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Publié le jeudi 17 octobre 2024
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