Sur le chemin des bâtiments à énergie quasi nulle
Neobuild a organisé le 28 septembre dernier une conférence dédiée aux Nearly Zero Energy Buildings. Retour sur l’événement.
La conférence s’est ouverte sur la diffusion d’une courte vidéo présentant le projet européen innovant et fédérateur « E=0 », une méthode de rénovation innovante née aux Pays-Bas qui permet de transformer, en quelques jours à peine, une « passoire » énergétique en une maison passive Nearly Zero Energy, grâce à des éléments préfabriqués plaqués sur la toiture et la façade existantes qui forment une sorte de bouclier énergétique ; une véritable révolution quand on connaît le potentiel de réduction de la consommation énergétique qui réside dans le bâti existant. L’objectif de cette vidéo était d’annoncer une bonne nouvelle : celle d’un partenariat entre Neobuild et le Fonds du Logement pour la réalisation d’un projet pilote Interreg de ce type au Luxembourg.
Tom Eischen, commissaire du Gouvernement à l’Énergie au ministère de l’Économie, a posé le contexte. Il a commencé par rappeler le triple objectif de la politique gouvernementale qui est de réduire la production de CO2, mais aussi de gagner en indépendance et de faire émerger de nouvelles opportunités économiques. Les objectifs à l’horizon 2030 sont de diminuer de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre, d’utiliser au moins 27 % d’énergie provenant de sources renouvelables et d’améliorer notre efficacité énergétique de 27 %. Pour y parvenir, la réforme du cadre réglementaire s’avère nécessaire, a-t-il indiqué, car la méthodologie élaborée en 2007 avec les connaissances de l’époque est aujourd’hui obsolète. Par ailleurs, la stratégie nationale de rénovation des bâtiments sera concrétisée en concertation avec le secteur et certaines barrières non financières, notamment administratives, seront traitées dans ce nouveau document.
On est ensuite entré dans le vif du sujet, à savoir la réforme du règlement grand-ducal sur la performance énergétique des bâtiments d’habitation publiée au Mémorial le 1er août 2016 et d’application à partir du 1er octobre 2016.
Daniel Flies de la direction des Énergies durables du ministère de l’Économie a mis en avant le changement majeur de cette réforme, à savoir le bâtiment de référence. Il est lié à une nouvelle méthodologie, plus équitable en ce sens que chaque bâtiment devra désormais fournir le même effort pour remplir le même objectif, indépendamment de facteurs externes. Autrement dit, le fait que le bâtiment soit soumis à plus ou moins d’ombrage ou qu’il soit plus ou moins exposé au vent, par exemple, n’entrera désormais plus en considération dans le calcul de sa classe énergétique. Le besoin en énergie calculé est aligné sur la consommation mesurée, l’objectif étant de comparer les bâtiments entre eux avec une méthode standardisée.
La 2de grande modification apportée au règlement est la possibilité de comptabiliser dans le bilan énergétique l’électricité produite par les installations photovoltaïques et destinée au chauffage et à la ventilation, ce qui représente environ un tiers de la consommation totale, voire la moitié si une batterie domestique est installée.
À noter également quelques autres petits changements : la clarification de certains points comme la définition de la surface de référence énergétique et l’isolation des conduites de distribution, ainsi que le calcul des exigences minimales pour la protection thermique d’été qui seront définies avec la même méthode que celle qui est appliquée pour les bâtiments fonctionnels. Concernant le logiciel, il permet désormais d’intégrer les données des installations techniques qui peuvent dévier par rapport à la réglementation et de prendre en compte les valeurs d’étanchéité mesurées.
Un point très important est que les valeurs U indiquées ne sont pas des exigences minimales. Au cas où elles ne seraient pas atteintes, elles peuvent être compensées à un autre endroit.
La réforme a également pour vocation de définir le NZEB. Il ne s’agit pas d’un nouveau label mais du standard de construction qui s’applique à partir de janvier 2017. Il est défini par la directive européenne y relative comme un bâtiment à haute performance énergétique dont le besoin énergétique résiduel est couvert par de l’énergie provenant de sources renouvelables. Il en existe autant de définitions que de pays européens et le Luxembourg a choisi de marier cette terminologie avec le standard AAA.
Gilles Weimerskirch, président de la Fédération des Conseillers et Certificateurs énergétiques, a ensuite donné son retour d’expérience sur le sujet. Cette réforme n’impactant pas directement l’établissement des CPE et allant vers plus de clarté et de transparence, les professionnels qu’il représente sont positifs « à 95 % » vis-à-vis de cette réforme.
Pascal Worré, CEO de l’energieagence, et Alexis Sikora, chef du département Construction durable à l’IFSB, ont ensuite présenté conjointement l’offre de formation de leurs organismes respectifs dans les domaines précédemment évoqués. Avec l’arrivée du label luxembourgeois Lenoz, la refonte du système Primehouse et l’introduction du CPE+, la réglementation mise en œuvre à partir de janvier 2017 ne se concentrera plus seulement sur l’aspect purement énergétique, mais adoptera une approche globalement plus durable. Pour répondre efficacement et sans redondance aux besoins des acteurs du secteur de la construction, les instituts de formation - l’energieagence et l’IFSB-, se sont mis au diapason pour améliorer la visibilité et la complémentarité des formations proposées, comme l’a expliqué Alexis Sikora.
Au programme, à partir de novembre, des formations qui permettront de présenter Lenoz, d’en décrypter le fonctionnement et de l’expliquer aux utilisateurs. Lenoz est une certification non obligatoire pour les maisons d’habitation, dont certains critères correspondent aux critères d’éligibilité aux subventions étatiques. Il balaie 6 catégories (implantation, société, économie, écologie, bâtiment et installations techniques, fonctionnalité) réparties en 37 thèmes, eux-mêmes subdivisés en 143 critères. « Lenoz constituera le socle sur lequel s’appuieront l’ensemble des acteurs en matière de durabilité des bâtiments », a indiqué Pascal Worré.
Toute une série d’autres formations dédiées aux salariés manuels et aux cadres sont déjà disponibles : BIM coordinator, Smart Building, Hygrométrie, fonctionnalité et confort des usagers, Construire avec des matériaux naturels (bois), Confort thermique en été, Autoconsommation, Construction zéro énergie et énergie +, … Alexis Sikora a rappelé que l’IFSB met à disposition son bâtiment didactique passif pour permettre aux salariés manuels de s’exercer à la mise en œuvre de matériaux et d’installations techniques en conditions réelles.
Cette dernière présentation s’est achevée par une remise des diplômes sanctionnant la formation de 88 heures « conseiller en construction durable ».
Questions à Tom Eischen, Commissaire du Gouvernement à l’Énergie au ministère de l’Économie
Francis Schwall, directeur de Neobuild : Après le NZEB, à quand le ZEB (Zero Energy Building) ?
Le concept du Zero Energy Building est principalement lié à l’autonomie énergétique des bâtiments. Nos bâtiments d’aujourd’hui sont toujours reliés à des infrastructures d’approvisionnement énergétique, tels que les réseaux d’électricité et/ou de gaz naturel. Il faut discuter du rôle des infrastructures. Est-ce que nous visons l’autonomie totale et entière de nos bâtiments ou est-ce que notre vision de partager l’énergie et les flexibilités via des réseaux, et plus particulièrement les réseaux électriques ? Est-ce que nous voulons appliquer le principe de l’autonomie énergétique des bâtiments ou aller vers une économie de partage ? On ne connaît pas encore la réponse définitive, mais je crois personnellement que la production de plus en plus volatile des énergies renouvelables et la nécessité d’organiser des flexibilités supplémentaires pour garantir un approvisionnement stable d’électricité ne pourra se faire de façon économique avec une infrastructure énergétique intelligente, liée de façon intrinsèque aux réseaux de communication.
Joël Schons, administrateur chez Stugalux et président de Neobuild : Que doit-on dire aux gens qui souhaitent stocker leur production électrique au moyen d’une batterie domestique ?
La méthodologie luxembourgeoise d’établissement des certificats de performance énergétiques prend désormais en considération l’électricité photovoltaïque utilisée par les installations qui conditionnent le bâtiment. Le CPE est une certification de la performance énergétique d’un bâtiment qui a comme but principal de créer de la transparence supplémentaire dans le marché immobilier. C’est ainsi que le CPE ne peut que considérer des effets d’autoproduction et de stockage de façon standardisée afin de garantir la comparabilité d’un bâtiment envers un autre.
L’autoconsommation et le stockage nécessitent, au niveau national et européen, un cadre clair qui est, pour ce qui est du volet national, en cours d’analyse et d’élaboration.
Bruno Renders, directeur du CDEC : Est-ce que d’autres technologies que le solaire pourraient être identifiées pour permettre aux constructeurs de se diriger vers le Smart Building ?
Le CPE est un outil qui permet de calculer de manière standardisée la performance énergétique des bâtiments. Il a recours à des méthodes elles aussi standard. Il est dans notre intention de ne pas créer des barrières pour de nouvelles innovations. C’est ainsi que nous cherchons, avec les acteurs du secteur, des échanges afin de pouvoir intégrer des installations innovantes.
Questions à Gilles Weimerskirch, administrateur délégué de 1NERGIE et président de la Fédération des Conseillers et certificateurs énergétiques.
Qu’est-ce qui va changer dans la pratique pour les certificateurs avec cette réforme réglementaire ?
Concernant l’introduction du bâtiment de référence, seule la méthode pour déterminer les exigences à respecter pour une nouvelle construction ou une extension change, mais elle s’opère en arrière-plan du logiciel de manière entièrement automatique. Ce changement n’implique donc pas de travail supplémentaire. Pour ce qui est des autres points du nouveau règlement, ils ne font que faciliter la construction de maisons passives. À remarquer encore que la certification de la protection estivale est devenue obligatoire. La protection estivale est un point très important lors de la conception de maisons passives.
« La FCCE est à 95 % en accord avec les modifications apportées à la réglementation », avez-vous dit lors de votre présentation. Qu’est-ce qui fait précisément que vous approuvez cette évolution ?
Le point essentiel - et le grand avantage - de cette réforme, non seulement pour nous, certificateurs, mais aussi pour tous les maîtres d’ouvrage, est que le calibrage pour les exigences à respecter est mieux ajusté. La nouvelle méthode ne pénalise plus les bâtiments de petite taille, d’architecture peu compacte ou fortement ombragés lors de la certification du respect des exigences pour une autorisation de bâtir. En ce qui concerne les points qui facilitent la construction de maisons passives, il s’agit de la possibilité qui a été introduite de comptabiliser une partie de la production des installations photovoltaïques dans le bilan énergétique, ainsi que de la clarification de la prise en compte de la surface de référence énergétique. Auparavant, nous nous heurtions à des problèmes d’interprétation.
Et pour ce qui est des 5 % restants ?
Ce sont des points de détail. Il s’agit, à nouveau, de problèmes d’interprétation ou d’application pratique. Nous voudrions avoir la certitude que nous ne devons pas nous concentrer sur des interprétations d’un texte de règlement. C’est en fait notre seule revendication que de pouvoir travailler sans devoir nous soucier de problèmes d’interprétation. D’ailleurs, le ministère de l’Économie s’est montré prêt à clarifier ces points à travers une foire aux questions.
Avez-vous été impliqués dans les réflexions qui ont mené à cette nouvelle réglementation ?
Oui et non. Nous n’étions pas impliqués dès le début, mais nous l’avons tout de même été dans la mesure où nous avions rédigé un avis qui a servi de base à la Chambre des Métiers dans la rédaction de son propre avis. Un détail technique posait problème au niveau du bâtiment de référence dans le 1er avant-projet. Par conséquent l’avant-projet a dû être revu et ainsi la majeure partie des questions que nous avions soulevées ont été intégrées dans la mise à jour de l’amendement. Il s’agit de détails comme, par exemple l’affichage du type de certificat de performance énergétique (« planifié » / « as-built ») ou la considération de l’étanchéité à l’air pour les extensions, en général non mesurable.
Mélanie Trélat
Source : NEOMAG
Consultez en ligne NEOMAG #02 novembre 2016
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