Sur le front, encore et toujours

Sur le front, encore et toujours

Bilan des actions menées sur le terrain en 2022 et perspectives 2023 avec Thomas Kauffmann, directeur général de MSF Luxembourg.

La vocation de l’association humanitaire Médecins Sans Frontières est d’apporter une aide médicale d’urgence. Fondée en France en 1971, MSF est aujourd’hui un mouvement composé de 25 sections, auquel appartient MSF Luxembourg depuis 1986.

Sur quels grands axes avez-vous travaillé en 2022 ? Et avec quels résultats ?

Sans surprise, la situation en Ukraine a pris une grande place. Nous y sommes présents depuis 1999, ce qui nous a permis d’être très réactifs. Actuellement, nous avons sur place un staff composé de 685 employés ukrainiens et 116 internationaux, principalement issus des secteurs logistique, médical et paramédical. Les infrastructures médicales de ce pays étant plutôt bonnes, nous n’avons pas dû, comme sur d’autres contextes de crise, créer des infrastructures médicales en urgence ou envoyer massivement du personnel médical. Au début du conflit, nous avons formé le personnel médical à la chirurgie de guerre et en santé mentale. Nous avons également renforcé les capacités des hôpitaux en les aidant à réorganiser leurs services d’urgence, tout en leur fournissant des équipements médicaux pour qu’ils apportent des soins adaptés. Ensuite, nous avons déployé des trains médicalisés afin de transporter les patients qui affluaient de la ligne de front vers des hôpitaux de l’ouest du pays. Entre le 31 mars et le 19 décembre 2022, 2 607 personnes ont été transportées.

En lien avec la situation ukrainienne, l’inflation des carburants et des denrées alimentaires ont aggravé les problèmes de malnutrition dans les pays du Sahel, alors que cette région du monde était particulièrement frappée par les conséquences du réchauffement climatique.

De manière globale, nous observons que le changement climatique a un impact négatif sur la santé des populations pour lesquelles nous travaillons. Au Pakistan, par exemple, des inondations d’une ampleur sans précédent ont touché 33 millions de personnes, et nous avons vu certaines maladies endémiques se développer. Il en va de même au Mozambique, en Somalie, au Cameroun, au Soudan et à Madagascar avec le paludisme, en Haïti qui a été touché par une épidémie de choléra affectant plus de 15 000 personnes. Cette maladie continue de tuer aujourd’hui encore et n’appartient pas au passé, contrairement à ce que l’on peut imaginer. Le Liban a lui aussi dû y faire face, c’est pourquoi nous avons participé à la campagne nationale de vaccination lancée par le ministère de la Santé publique pour administrer 600 000 vaccins.

Et puis, il y a des crises dites « oubliées » comme au Yémen, un pays qui est en guerre depuis des années où nous sommes toujours actifs.

Un autre sujet de préoccupation en 2022, c’est bien sûr la Méditerranée, qui est l’une des routes migratoires les plus dangereuses, et où MSF mène des opérations de recherche et de sauvetage. En tout, 81 000 migrants ont été secourus par nos équipes en 7 ans, mais nos opérations sont soumises à de plus en plus d’entraves de la part des États européens. En janvier dernier par exemple, l’Italie signait un décret qui a pour conséquence de réduire la capacité de sauvetage des navires de recherche et de sauvetage. Nous nous plions à ces exigences, mais nous ne pouvons pas rester silencieux et, tout en continuant à sauver des vies d’une noyade presque assurée, nous nous devons d’alerter l’opinion publique.

Parallèlement à ces actions sur le terrain, notre unité de recherche opérationnelle LuxOR, basée au Luxembourg poursuit ses travaux sur l’amélioration de la qualité des soins et de la logistique pour des projets à travers le monde.

Comment envisagez-vous 2023 ?

En tant qu’ONG humanitaire, nous ne pouvons pas vraiment prévoir de quoi sera fait 2023, si ce n’est que nous allons poursuivre nos projets d’urgence et ceux à plus long terme.

Nous voulons rester flexibles dans nos actions, notamment en Ukraine où la situation évolue très vite. L’année a également été marquée par le contexte en Afghanistan, où les autorités ont interdit le travail des femmes dans certaines ONG. En Afghanistan, 51 % de notre personnel médical est composé de femmes ; ce chiffre atteint même 90 % à la maternité de Khost. Sans elles, il nous serait pratiquement impossible de répondre aux besoins immenses de ce pays, et notamment des populations les plus fragiles. Par ailleurs, cela empêcherait les Afghanes, qui ne peuvent être prises en charge que par d’autres femmes, d’accéder à des soins de santé. Sur ce point, nous nous fixons des lignes rouges : si nous sommes empêchés d’employer des femmes, alors nous partirons.

Comment peut-on vous aider ?

MSF Luxembourg est financée à 99 % par des dons d’origine privée. Ce soutien est indispensable car c’est grâce à ces dons que nous pouvons agir. Mais ce n’est pas la seule façon de nous aider. L’un des autres rôles de MSF est de témoigner des situations que nous observons dans les différents contextes de crise. Au-delà du don, chacun peut se faire le relais de ces témoignages.

Propos recueillis par Mélanie Trélat
Photos : ©MSF

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Publié le jeudi 26 janvier 2023
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