Une conception architecturale influencée par des choix rationnels
Interview de Philippe Poncé et Georges Lamesch, architectes-associés chez ARCO - architecture company.
Le concept Basler donne des lignes directrices en matière de technique, de volume et d’orientation pour des bâtiments construits de manière durable et où les installations techniques sont réduites au strict minimum. ARCO l’a appliqué il y a déjà plus de 10 ans au projet du campus scolaire de Mersch (Lycée Ermesinde - LEM et Lycée Technique des Professions Éducatives et Sociales - LTPES), mais aussi à son premier grand lycée, l’Atert Lycée à Redange-sur-Attert. Retour d’expérience.
En quoi consiste le concept Basler ?
Le concept, initié par l’administration des Bâtiments publics, est basé sur la combinaison intelligente d’une construction de qualité et durable avec des installations techniques réduites au minimum nécessaire. Il fait appel à une concertation poussée entre les différents acteurs du projet car tous sont concernés - architectes, ingénieurs en génie civil et ingénieurs techniques. Une relation fondamentale entre l’architecture, la statique et la technique est à mener.
Le concept est caractérisé par un respect de directives telles que :
- une enveloppe énergétique très performante et une mise en œuvre réfléchie des isolants,
- une construction qui a une grande inertie thermique avec un noyau très lourd permettant d’emmagasiner le chaud ou le froid,
- une simplification maximale de la technique - absence de ventilation mécanique, un seul radiateur par salle, mise à profit de la chaleur dégagée par les élèves, plafonds en béton vu pour un meilleur transfert des calories, vantaux motorisés pour assurer le refroidissement nocturne -,
- la mise en œuvre de matériaux sains,
- une attention à garantir de basses consommations énergétiques et la rentabilité,
- une attention à garantir le confort des occupants - création de volumes généreux qui bénéficient tant à l’architecture qu’au bien-être -,
- l’utilisation des énergies renouvelables...
Quelle influence ce concept a-t-il sur la conception architecturale ?
Oui, il y en a une, mais celle-ci est justifiée par des choix rationnels et, comme toute contrainte, nous pouvons en saisir les opportunités.
À une grande échelle, l’implantation est dictée par des considérations liées à l’orientation Est-Ouest des salles de classe, ce qui peut être une contrainte que nous avons contournée en disposant les salles de classe en peigne à Redange et en noyau à Mersch. D’un autre côté, pour tout ce qui est fonctions accessoires, nous disposons de suffisamment de liberté pour pouvoir nous exprimer.
Les espaces intérieurs sont, comme décrit ci-avant, généreux et bien dimensionnés, donc agréables ; leurs ouvertures vers l’extérieur sont réfléchies. Le concept Basler préconise, en effet, jusqu’aux dimensions des baies, leur superficie et la forme des ouvrants. Cette réflexion vise à optimiser l’apport en lumière naturelle de manière à n’utiliser l’éclairage artificiel qu’en cas de nécessité.
Nous devons, par exemple, avoir en tête de ne pas couvrir les surfaces qui assurent les échanges calorifiques. Dans ce cas, les faux-plafonds sont évités et l’acoustique est traitée au moyen de baffles isolés. Il s’agit pour nous dans ce cas d’un avantage pour une bonne lecture des espaces intérieurs.
L’architecture doit également avoir un concept de base très poussé et bien planifié. Vu l’exigence de massifier le bâtiment, l’attention est à apporter pour affiner certains détails constructifs ou alléger les façades.
Ce concept change-t-il certaines pratiques de mise en œuvre pour les entreprises ?
Les prescriptions dictées par le concept Basler ont été précurseurs de certaines mises en œuvre standards actuelles. La mise en œuvre correcte de membranes d’étanchéité à l’air, par exemple, a été appliquée pour la première fois lors de la construction de l’Atert Lycée par toutes les entreprises, y compris celles spécialisées dans les techniques spéciales.
La présence de grandes surfaces de béton vu implique une attention permanente lors du chantier pour ne pas les endommager. La technique, dans ce cas, doit être bien planifiée au préalable car aucun second œuvre ne peut la dissimuler.
Les utilisateurs et la maintenance en ont-ils bien compris les particularités ? Et sont-ils satisfaits à votre connaissance ?
Nous n’avons reçu aucune réclamation de la part des utilisateurs ou des services de maintenance de l’Atert Lycée comme de ceux du Campus scolaire de Mersch. Dans ce dernier cas particulier, comme il s’agissait d’un PPP tant pour la construction que pour l’exploitation, le facility management a été intégré lors de la planification. Il n’a donc pu qu’être mieux suivi par la suite et les consommations énergétiques se situent d’ailleurs sous les estimations initiales.
En été, nous avons pu nous-mêmes constater un climat intérieur agréable en période de canicule grâce au système de vantaux. L’écart de température avec l’extérieur lorsque nous sommes entrés dans le hall aurait laissé supposer qu’une climatisation était en fonction, mais en réalité, le bâtiment n’en dispose d’aucune.
Cette expérience a-t-elle changé quelque chose dans vos pratiques sur d’autres projets ?
Ce concept s’applique aux établissements scolaires, projets dans lesquels notre bureau dispose d’une expérience importante. Nous avons pu réaliser et nous réalisons actuellement des écoles primaires, des maisons relais tant pour les villes et communes que des établissements privés comme l’International School Luxembourg ou Saint George’s International School. D’ailleurs, actuellement, nous planifions le Lycée Nordstad à Erpeldange où le concept Basler est appliqué en considérant les nouvelles réglementations en matière d’énergie et d’autres thématiques comme la qualité de l’air.
Ces ouvrages sont tous empreints de certains principes éprouvés et expérimentés du concept, pas toujours dans leur globalité, mais sur des thèmes importants comme le confort, l’acoustique et la lumière.
Extrait du NEOMAG#51
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
© NEOMAG - Toute reproduction interdite sans autorisation préalable de l’éditeur