Une meilleure vie pour les indigènes grâce à l’agroécologie !
La Fondation Partage.lu s’entretient avec le responsable du projet de la Fondation Fray Domingo de Vico au Guatemala, Christoph Gempp.
Comment est née l’école paysanne secondaire Instituto Fray Domingo de Vico (IFDV) ?
Dans les années ‘90, les jeunes de la campagne autour de Santa María de Cahabón (Guatemala) ont commencé à s’organiser dans un processus dynamique : ils organisaient des réunions dans les communautés villageoises sur des sujets sociaux, culturels ou religieux. La plupart des jeunes ne savaient ni lire ni écrire. À cette époque, les Dominicains en charge de la paroisse, envisageaient d’initier un processus de formation plus intensif avec les membres de la direction du mouvement de jeunesse. Les jeunes rêvaient d’un internat classique. Mais cette forme ne toucherait qu’une partie très limitée de la population. On s’est donc décidé en faveur d’une formation théorique et pratique dans le secteur agricole. Comme à Santa María de Cahabón toute la vie tourne autour de l’agriculture, il semblait logique de concentrer la formation sur des méthodes agroécologiques durables.
Qu’est-ce qui distingue cette école des autres ?
Les jeunes mettent d’abord en pratique leurs connaissances dans les champs de l’école afin de se former aux méthodes alternatives agroécologiques. Le travail des étudiants contribue également à compléter les besoins alimentaires de l’Institut. Ce processus de formation pratique et théorique est conçu afin de permettre d’intérioriser l’idéologie et les objectifs de l’agriculture durable. Chaque mois, les étudiants rentrent chez eux pendant une semaine pour effectuer des travaux spécifiques sur les parcelles de leur famille : cultiver des aliments de base tels que le maïs et les haricots, pratiquer la diversification des parcelles, promouvoir la culture d’épices et de légumes locaux. Nous appelons ceci le « système d’alternance ». Quant aux parents, ils viennent à l’école trois fois par an pour participer à des cours pratiques et théoriques, ainsi que pour se familiariser avec les nouvelles techniques afin de soutenir leurs enfants avec la transformation de la parcelle.
Il y a un autre projet de la Fondation Fray Domingo de Vico : l’école professionnelle agricole pour les petits agriculteurs en milieu tropical Rax K’iche
Nous nous trouvons entre les fronts de l’agro-industrie et de l’agriculture familiale. D’une part, il y a la technologie industrielle pour répondre à la demande mondiale croissante de pétrole, de viande et de sucre ; d’autre part, il y a les sols tropicaux qui sont très fragiles et les méthodes de production traditionnelles qui les détruisent de plus en plus. Le plus grand défi est de proposer un accompagnement aux agriculteurs permettant de régénérer ces sols et produire de manière diversifiée. Après 5 ans où nous avons piloté une école d’agronomie « classique », nous avons réalisé que ce cursus ne nous rapprocherait pas de notre objectif. Afin de pratiquer une agriculture familiale agroécologique, nous avons cherché notre propre voie : une véritable école paysanne. L’agriculture durable et l’agroécologie doivent être acceptées et pratiquées.
Il faut créer de nouvelles habitudes dans les rapports avec la Terre Mère
Il s’agit de bien plus que de la simple acquisition de savoir : le changement devient culture. L’étudiant doit pouvoir constater par lui-même que l’agroécologie fonctionne et qu’il peut en vivre.
Quels sont actuellement les plus grands défis ?
L’agriculture familiale sur les pentes tropicales escarpées est un travail extrêmement dur et peu lucratif. Tout au long de l’histoire, les êtres humains du monde entier ont cherché des moyens afin d’améliorer leurs conditions de vie. Depuis 10 ans, le monde de la consommation et du plaisir apparemment illimités, séduisants et soi-disant accessible à tout un chacun, a ouvert une fenêtre virtuelle par le biais des réseaux sociaux. Il est compréhensible que d’innombrables jeunes rêvent d’une vie comme celle qui leur est présentée sur Internet. Mais nous savons que ce monde restera un rêve pour la plupart d’entre eux. L’agriculture familiale doit se faire par conviction et notre plus grand défi est d’être si convaincant par la parole et par l’action que beaucoup suivront cette voie.
Comment voyez-vous l’avenir de la FFDV et des deux écoles ?
La pression augmente énormément. Même si les jeunes familles d’aujourd’hui ont moins d’enfants, la population ne cesse d’augmenter. On ne compte plus les jeunes qui ont terminé une formation d’enseignant, de comptable, etc. et qui ne trouvent pas d’emploi. Cette tendance continue à s’accentuer. Les parents et les jeunes sont de plus en plus conscients que l’éducation pour laquelle ils ont lutté ne portera pas les fruits espérés. Il y a 20 ans, les jeunes s’inscrivaient dans notre école parce qu’elle était bon marché et qu’il y avait peu d’alternatives. Cela a changé définitivement : ceux qui frappent à notre porte savent qu’ils apprennent à travailler leur sol d’une manière totalement nouvelle. Ils sont conscients qu’ils sont pris au sérieux dans leur identité de Q’eqchi’, et ils choisissent consciemment notre école et l’engagement dans lequel toute la famille s’implique.
Pour plus d’informations : https://partage.lu/fr/projets/amerique-latine/cahabon
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Article tiré du dossier du mois « De la Terre à la terre »