Une serre sur un toit pour chauffer l’eau d’un immeuble
Le 13 juin dernier, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), en collaboration avec l’Institut technique de l’horticulture ASTREDHOR et le Conseil pour le Développement Économique de la Construction au Luxembourg (CDEC), a choisi de réunir les professionnels du bâtiment et ceux de l’agriculture pour une conférence inédite sur les perspectives socio-environnementales de la ville de Nantes et ses projets d’urbanisme, notamment d’agriculture urbaine. L’occasion donc de découvrir des initiatives et des projets originaux à l’échelle locale mais aussi européenne.
Inscrite dans le cadre du programme européen Interreg NWE, la conférence a débuté par la présentation du projet européen « GROOF – Greenhouses to reduce CO2 on rooftops », projet emblématique de ce que l’urban farming peut apporter à nos villes. Il intègre une approche innovante intersectorielle visant à réduire les émissions de CO2 des secteurs de la construction et agricole en combinant partage de l’énergie et production locale d’aliments, installant des serres urbaines sur les toits des bâtiments exploitables. Ainsi installées, les serres permettent de récupérer la chaleur produite et non consommée par les bâtiments support de manière active et passive dans une production de plantes, de recueillir le CO2 produit par les personnes et les activités du bâtiment pour nourrir les plantes, mais aussi de réduire les émissions de CO2 des transports en produisant des végétaux localement.
Un autre temps fort de la conférence a été la présentation de Symbiose, qui consiste en l’installation d’une serre chauffante sur le toit d’un immeuble de 24 logements construit dans les années 70. Ce projet, porté par Nantes Métropole Habitat, a pour ambition de répondre à trois questions que se posent les bailleurs sociaux :
- Énergétique – Quelle alternative offrir à l’installation de panneaux photovoltaïques pour valoriser les toitures ?
- Usage – Comment offrir aux habitants et au quartier des espaces partagés et protégés ?
- Architecturale – Comment redonner une esthétique aux bâtiments des années 70 et redonner de la valeur à un quartier en difficulté ?
Sans être la solution la plus performante sur chacun de ces trois axes, le projet Symbiose créé une valeur nouvelle en les combinant, en relevant un défi scientifique et social au service des locataires.
Le principe est simple : récupérer la chaleur de la serre pour chauffer l’eau chaude sanitaire.
Il s’agit d’adapter le fonctionnement d’une pompe à chaleur pilotée par un modèle prédictif croisant le besoin de préchauffage de l’eau chaude sanitaire avec le maintien d’une température confortable dans la serre en fonction des apports solaires. L’objectif est de couvrir 50 % des besoins énergétiques liés à la production d’eau chaude sur l’année et donc d’économiser d’autant l’apport en chaleur extérieure.
Techniquement, la serre comprend un système de pilotage classique c’est-à-dire un ensemble d’éléments motorisés (vérins d’ouverture des lucarnes, stores) relié à un ordinateur de commande incluant le logiciel de pilotage. Ce logiciel construit à partir d’algorithme par la start-up Ecotropy, recherche l’optimum entre la chaleur produite par la serre, les besoins du bâtiment en eau chaude sanitaire et la stabilisation d’une température ambiante pour les usages de la serre.
L’air chaud est extrait par une pompe à chaleur et stockée dans un ballon situé au rez-de-chaussée puis envoyé dans le circuit intérieur de l’immeuble. L’apport complémentaire est effectué par le réseau de chaleur du quartier.
Cet espace de 400 m2, construit en verre et polycarbonate, permet d’offrir aux locataires et aux riverains un nouveau volume à investir dans des usages à élaborer en commun. La serre reste un lieu de production détourné de son usage initial par l’adaptation à des pratiques urbaines. Les locataires ont suggéré des activités de type potager, espace de loisirs et de réception pour les repas de famille, greniers, etc. Ce projet intéresse également le milieu de la recherche en agriculture urbaine. Le travail en cours va permettre de définir un programme d’usages et une structure porteuse d’un projet amorcé par le bailleur.
Symbiose s’érige comme un signal qui annonce la transformation du principal quartier d’habitat social de Nantes. Cet objet, original sur un bâtiment existant depuis 45 ans, rompt la monotonie des grands ensembles, institue un nouveau rapport d’échelle entre les bâtiments et dessine une nouvelle silhouette urbaine du quartier.
Pour mener ce projet, Nantes Métropole Habitat s’est entouré de compétences multiples : architecte, bureau d’études thermiques, entreprise générale, serriste, et une start-up – Ecotropy qui porte l’ingénierie thermique – issue de l’Institut Français des Sciences et Technologies des Transports de l’Aménagement et des Réseaux.
Le coût de la serre, estimé à 300 K€ pour 400 m2 doit être mis en regard de l’investissement global sur le quartier : NMH va investir 30,4 M€ sur Nantes Nord dans le cadre du projet de renouvellement urbain (ANRU 2). Les travaux (installation de la serre, réhabilitation thermique, installation d’un ascenseur) sont prévus fin 2019 pour une mise en service à l’été 2020.
Ce projet a été retenu par la Banque des territoires et de l’Union Sociale pour l’Habitat dans le cadre du Lab Architecture de la transformation 2018.
NEOMAG#24
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