Valoriser le bois feuillu et régionaliser le marché

Considéré comme l’un des matériaux biosourcés les plus aptes à permettre la décarbonation (ou décarbonisation) du secteur de la construction, le bois est « à la mode ». Nous avons posé quelques questions sur l’exploitation du bois feuillu au Luxembourg à Ralf Koehler, Manager du Cluster Bois chez Luxinnovation GIE.

Le bois de construction, le bois lamellé-collé et le bois lamellé collé croisé (CLT - cross laminated timber) sont essentiellement représentés par des essences de bois tendre (résineux) qui occupent une position hégémonique, mais pourquoi ?

Le bois résineux domine le marché du bois au Luxembourg, d’une part parce que la sylviculture a été historiquement orientée vers les espèces de bois résineux, et d’autre part en raison de l’orientation de l’industrie du sciage vers le bois produit en masse. À l’avenir, tant la sylviculture que l’utilisation régionale du bois devront se diversifier. La forêt ne peut être rendue plus résistante au climat que si un large éventail d’essences d’arbres, en particulier les feuillus, est utilisé de manière durable dans l’ensemble de l’industrie du bois et fourni aux marchés régionaux/locaux. Le bois feuillu possède d’excellentes propriétés, tant pour la construction de structures que pour une utilisation non structurelle. Dans des pays comme l’Allemagne et la Suisse, la production et l’utilisation de bois de construction feuillu ont déjà gagné du terrain depuis un certain temps. La préfabrication est de plus en plus courante sur le marché du bois, notamment en raison de sa grande efficience. La production d’éléments de construction en CLT s’inscrit dans la tendance croissante à l’utilisation d’essences de bois durs. Par exemple, des producteurs de CLT innovants de la Grande Région utilisent déjà du bois de hêtre dans la couche intermédiaire. Le Luxembourg Wood Cluster promeut le développement du CLT à base de bois de feuillus par le biais d’un Hub d’innovation qui est actuellement composé de développeurs, producteurs, ingénieurs et entrepreneurs.

Il semble que le Luxembourg utilise peu ses ressources forestières, si ce n’est pour le bois de chauffage. Quelle en est la raison ?

Le Luxembourg est en effet un importateur net de bois, principalement en raison de la forte spécialisation de son industrie et de la demande correspondante de types spécifiques de bois brut. En raison de la crise énergétique actuelle, la demande de bois de chauffage est particulièrement élevée en ce moment. Parallèlement, les périodes continues de sécheresse des derniers étés ont affecté la forêt, et la nécessité de protéger cette ressource précieuse a entraîné une réduction des volumes de production. À l’avenir, il sera nécessaire de discuter, tant au niveau public que dans le secteur forestier, de la manière d’utiliser au mieux la ressource forestière luxembourgeoise. Le Wood Cluster encourage l’utilisation du bois « en cascade », c’est-à-dire sa combustion à des fins énergétiques uniquement après qu’il ait été utilisé comme matériau de construction ou autre. Cela permettrait d’augmenter la valeur des ressources en bois.

Le hêtre, le frêne et le chêne sont abondants au Luxembourg. Des entreprises étrangères développent des bois « technologiques » à partir de ces essences. Qu’en pensez-vous ?

La valorisation du bois feuillu sur le marché luxembourgeois est l’un des objectifs majeurs du Wood Cluster. Les entreprises de toute la chaîne de valeur adoptent de plus en plus l’utilisation du bois feuillu de différentes manières, notamment dans la construction durable. Cependant, des efforts supplémentaires de marketing sont nécessaires pour rendre l’utilisation du bois feuillu plus attrayante pour les clients.

Chez Neobuild, plutôt que d’importer massivement du bois, nous pensons qu’il faut stimuler la filière du bois en réindustrialisant d’une certaine manière le pays - étant entendu qu’il s’agit d’une industrie très propre. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Il sera crucial à l’avenir de gérer les flux de bois au niveau régional et de créer des boucles fermées, notamment pour ralentir le changement climatique. La régionalisation du marché du bois a déjà été renforcée par l’adoption d’un nouveau système d’approvisionnement en bois permettant le lancement d’appels d’offres à petite échelle et le lancement de la plateforme de marché numérique du bois e-Holzhaff. Le Cluster Bois vise à stimuler le marché régional, non seulement pour les produits en bois brut, mais aussi pour le bois de construction.

Certaines instances décisionnelles sont réticentes face à l’utilisation du bois, précisément en usage structurel. Ailleurs, on voit des gratte-ciels se construire...

La position du Luxembourg en matière de construction durable est claire et ambitieuse. Afin d’atteindre les objectifs climatiques, la construction en bois sera de plus en plus utilisée à l’avenir. Cependant, de nouvelles politiques d’incitation financière et de promotion sont nécessaires pour réussir. Le processus de planification et d’approbation doit être standardisé afin d’encourager davantage la construction en bois. Une certification de l’origine du bois produit localement permettrait également de dynamiser le marché régional. De telles mesures pourraient également nous aider à atteindre les futurs objectifs de protection du climat.

Propos recueillis par Régis Bigot, architecte & Innovation Project Manager chez Neobuild GIE
Extrait du NEOMAG#52
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Photo 1 et 2
Maison de l’Ordre des Avocats à Paris, Architecte Renzo Piano Building Workshop. Photos © poutres en lamellé-collé de chêne avec marquage CE structurel, produit VIGAM de Grupo Gámiz.
Photo 3 et 4
Maison Buesa à Vitoria-Gasteiz, Architecte Bárcena y Zufiaur Arquitectos. Photos © carrelets lamellés-collé en chêne, produit PERFIGAM de Grupo Gámiz.
Photo 5, demander à Ralf Koehler une photo personnelle pour alimenter l’article