Vers une approche intégrée des questions environnementales dans la planification

Vers une approche intégrée des questions environnementales dans la planification

Interview de Sarah Bouillon (chef d’unité Études environnementales), Soraya Meftah (architecte paysagiste en chef), Florence Denolf (ingénieure senior), Joël Bouard (architecte paysagiste) et Philippe Genot (chef d’unité Ressources durables et biodiversité) chez Schroeder & Associés.

Le bureau d’études Schroeder & Associés intègre, dans le cadre de son approche durable, les défis en lien avec la biodiversité dans l’ensemble de ses services avec la mise en place d’une équipe d’experts pluridisciplinaire et transversale.

Commençons par planter le décor… Quelle place la biodiversité a-t-elle aujourd’hui dans les projets de construction et d’urbanisation ?

Soraya Meftah : Tout ce qu’on voit est paysage et, dans chaque paysage, la nature est présente. Ses bienfaits ne sont plus à démontrer que ce soit en ce qui concerne le rafraîchissement des villes ou le bien-être physique et psychique de l’être humain. Pourtant, la biodiversité est en déclin et de nombreuses espèces animales et végétales sont menacées. D’où l’intérêt de prendre en compte cette dimension à plusieurs échelles.

À l’échelle mondiale, la COP15 pour la biodiversité s’est clôturée en décembre 2022 sur un accord historique de protection de 30 % des terres des zones côtières et des eaux souterraines d’ici la fin de la décennie. Au niveau européen, les stratégies pour la protection et la restauration de la biodiversité se déclinent dans tous les pays membres. Au niveau national, le programme national pour la protection de la nature (PNPN3) vient d’être présenté et les pactes « nature », « logement » et « climat » permettent aux communes adhérentes d’être conseillées et soutenues dans leurs démarches en faveur de la nature. Les projets de construction et d’urbanisation ont bien évidemment un impact important sur la biodiversité d’où notre volonté d’intégrer cette approche de façon intégrée dans nos différents services.

Comment cette volonté de prendre votre part de responsabilité dans un monde plus durable et plus respectueux de l’environnement s’incarne-t-elle dans votre façon d’aborder les projets ?

Philippe Genot : Notre stratégie « Schroeder 2030 » s’articule autour de trois volets principaux que sont l’excellence et la qualité, une approche intégrée, et la durabilité. La protection de la biodiversité est bien évidemment essentielle dans le cadre des démarches de « durabilité ».

Comme vous le voyez, nous avons mis en place en interne une équipe pluridisciplinaire capable de trouver des solutions aux nombreux défis qui se posent dans le cadre de la durabilité. Nos experts « biodiversité » agissent en support à nos équipes en interne de façon très transversale et intégrée mais ils sont aussi directement en contact avec nos clients, qu’ils soient publics ou privés. Les questions en lien avec la biodiversité sont souvent complexes (réglementations, monitoring, compensations,…) et nous essayons de les intégrer comme un fil rouge et le plus tôt possible dans la planification.

Justement, vos clients sont-ils sensibles à ces préoccupations que sont la durabilité et, plus précisément, la biodiversité ?

Ph G : Oui, de nombreux clients s’intéressent de plus en plus aux questions environnementales au sens large. Au niveau des communes, le pacte nature, le pacte climat mais aussi le pacte logement intègrent de nombreuses mesures en lien avec la biodiversité. Les attentes des citoyens envers les autorités publiques ont changé au cours des dernières années et on observe une réelle prise de conscience pour des sujets liés à l’environnement (qualité de vie, espaces verts, qualité de l’air, …) Ces sujets sont ensuite thématisés, intégrés dans la planification et mis en œuvre de façon concrète au niveau de nouveaux projets d’urbanisme ou de construction.

Dans le privé, certains maîtres d’ouvrage sont convaincus et très motivés. Avec d’autres, nous devons adopter une approche plus proactive et leur proposer une sorte de « menu » avec différentes solutions, où ils peuvent choisir celles qu’ils souhaitent mettre en place ou non. Il s’agit de trouver le meilleur consensus en communiquant, en expliquant, en conseillant bien.

Mais, de manière générale, nous avons de plus en plus de demandes dans ce sens. On avance !

Dans les projets d’infrastructures, que peut-on faire pour maintenir, et peut-être même favoriser, la biodiversité ?

Joël Bouard : Nous intervenons dans les projets d’urbanisation en améliorant l’habitat naturel existant afin de favoriser la multiplication des espèces rares, mais aussi en planifiant des bassins de rétention d’eau plus naturels ou des toitures végétalisées qui permettent de recréer un habitat pour la faune locale tout en réduisant l’effet d’îlots de chaleur urbains.

Nous intervenons aussi dans la conception de projets de voiries avec un conseil de haut niveau pour le choix de matériaux qui permettent d’augmenter la perméabilisation des sols ou la mise en place de passages à faunes intégrant des espaces végétalisés.

Nous instituons l’intégration d’espaces verts dans les projets de réaménagement à l’intérieur des agglomérations. Nous contribuons à la création d’espaces harmonieux et agréables pour les utilisateurs tout en favorisant la renaturation et en installant une biodiversité dans nos villages.

Notre apport, à travers nos projets, est de créer des espaces de qualité, durables, bénéfiques pour l’environnement et la biodiversité, accessibles à tous pour une meilleure qualité de vie, pour le bien-être pour les utilisateurs.

Et pour la partie bâtiments ?

Florence Denolf : Un bâtiment peut aujourd’hui être vu comme un support complémentaire pour la biodiversité en milieu urbain, notamment avec la végétalisation des façades et de la toiture. La biodiversité peut apporter de la valeur au bâtiment ainsi qu’une meilleure qualité de vie pour l’usager. Il n’y a pas de solutions uniques, elles doivent être identifiées au cas par cas selon le contexte et en concertation avec les différents acteurs du projet. Prenons l’exemple d’une toiture verte, qui fonctionne bien et que l’on pourrait répliquer sur une multitude de projets. Il est nécessaire d’étudier le biotope propre à chaque projet pour répondre aux besoins des espèces présentes dans l’environnement dans lequel le projet se place.
Nous pouvons adapter une toiture verte via le type de substrat utilisé, la hauteur et l’épaisseur de ce substrat, le choix des espèces qui seront installées, etc. Les effets bénéfiques d’une telle installation sont multiples, depuis la gestion des eaux pluviales, la qualité de l’air jusqu’à la lutte contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain.

La végétalisation passe également par des projets d’agriculture urbaine (urban farming), dont les aménagements sont possibles également en toiture du bâti (jardins partagés, serre urbaine, etc.).

Lorsque ces aménagements sont prévus, l’agriculture urbaine permet de réunir une multitude de bénéfices, qui rentrent dans les trois piliers du développement durable : social (p.ex. reconnexion à la nature, créer du lien social, favoriser l’intégration et améliorer le bien-être des citoyens), écologique (p.ex. utilisation de l’eau de pluie, préservation de la biodiversité) et économique (p.ex. création d’emplois, développement de circuits courts).

Comment évaluez l’impact d’un projet sur la biodiversité ?

Sarah Bouillon : Les projets d’infrastructures et de construction de bâtiments ont bien évidemment un impact sur leur environnement et il est important d’évaluer et de mesurer cet impact de façon concrète.

Nous parlions tout à l’heure des outils dont nous disposons pour conseiller le client. Les études d’évaluation des incidences sur l’environnement (études EIE) sont une obligation légale pour des projets d’une certaine envergure. Leur but est notamment de recenser tous les impacts du projet sur l’environnement : sur la faune et la flore, mais aussi sur l’air, le climat, les sols, les eaux souterraines et de surface, etc.

Nous cherchons à développer un projet dont l’impact soit le plus réduit possible sur ces différents paramètres. Dans le passé, les ingénieurs et les architectes avaient pour objectif de créer un projet ou une structure innovante, résistante et esthétique.
Ensuite ce « bloc projet » était positionné dans le paysage, le reste de l’environnement devait s’adapter en quelque sorte à ce nouveau projet. Le paradigme doit maintenant changer et évoluer. Les nouveaux projets doivent être pensés et conçus pour s’intégrer dans le paysage et respecter les différents aspects de l’environnement. Nous proposons différentes variantes du projet, dont certaines vont être plus bénéfiques sur certains points et moins sur d’autres. Le client est conscient de ces obligations et cherche cette réflexion multifactorielle avec une équipe diversifiée qui permet d’éviter ou de réduire les impacts sur l’environnement.

Une conclusion ?

SM : Toutes les clés sont entre nos mains pour aménager et planifier dans le plus grand respect de la nature, en laissant la place aux espèces animales et végétales, et trouver un nouvel équilibre. Chez Schroeder & Associés, nous sommes évidemment soucieux du devenir de notre planète, ce qui nous conduit à prendre en compte de manière sérieuse et concrète la biodiversité dans nos projets. Nous considérons que nous avons, en tant que planificateurs, une responsabilité envers nos générations futures et notre environnement, c’est pourquoi nous actons notre implication de manière dynamique à travers une démarche responsable, sensible aux paysages, durable et inclusive.

Mélanie Trélat
Légende photo
Soraya Meftah, Joël Bouard, Sarah Bouillon, Florence Denolf, Philippe Genot

Extrait du NEOMAG#53
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Publié le lundi 17 avril 2023
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