Aider la nature à regagner du terrain

Aider la nature à regagner du terrain

Interview de Joëlle Welfring, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable.

Conscient que la biodiversité se dégrade au Luxembourg, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable a mis en place divers instruments et mesures pour soutenir les maîtres d’ouvrage dans leurs efforts en faveur de la protection de la nature et des ressources.

Quel est l’état de la biodiversité au Luxembourg ?

La dégradation des écosystèmes ainsi que la perte de services écosystémiques constituent des menaces directes et existentielles pour la vie et le bien-être de notre population et mettent en péril les fondements de notre société et de notre économie. Les défis pour conserver la nature au Luxembourg sont importants et nécessitent des mesures immédiates sur le terrain, en face d’un état de la nature alarmant :

  • L’occupation des sols au Luxembourg est nettement supérieure à la moyenne européenne.
  • Le Luxembourg est le pays le plus fragmenté d’Europe.
  • Les papillons et les oiseaux des milieux ouverts sont en forte régression.
  • 2/3 des habitats protégés d’importance européenne sont dans un état de conservation défavorable.
  • 4/5 des espèces protégées d’importance européenne sont dans un état de conservation défavorable.
  • 50 % des habitats sont dans un état de conservation mauvais, 18 % dans un état défavorable.
  • 1,5 % des espèces d’oiseaux nicheurs sont éteintes, 27 % sont en déclin à court terme, 36 % à long terme. Presque la moitié de ces chiffres sont liés aux habitats en milieux ouverts.

D’après l’Environmental Implementation Review, « Les pertes de biodiversité et l’artificialisation du sol restent élevées, mettant en évidence le besoin urgent de mieux intégrer ces aspects aux autres politiques et surtout à l’agriculture ».

Qu’en est-il de l’érosion des sols ?

Rappelons que les sols font partie intégrante des écosystèmes terrestres. Ils abritent une diversité d’organismes qui régulent et contrôlent des services écosystémiques essentiels tels que le stockage de carbone, le cycle des nutriments et la régulation du climat. Ils sont une ressource non renouvelable, essentielle à la santé humaine et à celle de l’économie, ainsi qu’à la production de denrées alimentaires et de matériaux.

Au Luxembourg, leur dégradation a des conséquences importantes aux niveaux environnemental et économique. La mauvaise gestion des terres – qui passe notamment par l’urbanisation, les activités de construction, l’imperméabilisation des sols, ou encore les pratiques agricoles et sylvicoles non durables – figure parmi les principales causes de cette dégradation.

Il est donc essentiel de redoubler d’efforts pour protéger les fonctions écologiques des sols et réduire l’érosion, de plus en plus importante, notamment à cause d’évènements météorologiques de plus en plus fréquents et extrêmes, provoquant des coulées boueuses et des transferts de particules et de nutriments vers les eaux.

Cela sera assuré par l’adoption de pratiques durables en matière de gestion des sols telles que l’installation de bandes anti-érosion, notamment dans le cadre de l’exploitation sylvicole ou agricole, mais également dans l’urbanisation et l’aménagement du territoire. Il s’agit de maintenir, voire de renforcer la séquestration de carbone dans les sols – en vue de la neutralité climatique à l’horizon 2050 – et de limiter les coupes rases en sylviculture, de promouvoir la conservation d’une couverture végétale dans les labours et d’interdire de labourer, retourner ou réensemencer les prairies permanentes dans les zones protégées et zones inondables, et notamment des herbages sensibles.

Des progrès importants sont également nécessaires dans l’identification des sites contaminés, la restauration des sols dégradés, la définition des conditions du bon état écologique des sols, l’introduction d’objectifs de restauration et l’amélioration de la surveillance de la qualité des sols et de la biodiversité qui y est présente.

À cette fin, le Luxembourg s’est engagé dans un processus de révision de la législation sur la protection des sols et la gestion des sites pollués qui couvre deux volets principaux : un volet préventif axé sur la protection des sols au sens strict et un volet curatif qui décrit les principes de gestion des sites potentiellement pollués ou pollués.

Comment le Ministère encourage-t-il les concepteurs et les maîtres d’ouvrage à intégrer la biodiversité dans la planification des projets de construction et de rénovation de demain ?

D’abord par la loi modifiée du 18 juillet 2018 relative à la protection de la nature et des ressources naturelles et par le Plan National concernant la Protection de la Nature (PNPN3). Et au-delà, en :

  • encourageant les maîtres d’ouvrage à concevoir la préservation de la biodiversité à un stade précoce de la planification ;
  • opérant selon le principe « éviter, réduire, compenser » qui préconise d’éviter de détruire la nature, de planifier de manière à éviter des impacts et de ne compenser les impacts réels qu’en dernière instance ;
  • concevant la nature comme un élément à part entière d’un projet de développement en favorisant l’épanouissement des services écologiques (rétention naturelle des eaux de pluie, captage carbone, réduction des effets de forte chaleur, amélioration de la qualité de vie) ;
  • préférant les espèces indigènes par rapport aux plantations d’espèces exotiques ;
  • évitant l’artificialisation excessive des sols ;
  • favorisant un développement spontané de la végétation ;
  • réduisant l’entretien et les intrants (pesticides, fertilisants) sur les espaces verts ;
  • construisant avec la biodiversité en tête (briques « nids d’oiseaux » ou « insectes »), verdissement des toitures et façades, refuges chauves-souris sous les toits, nichoirs, …

Au cours des dernières années, de nombreuses mesures ont été prises pour verdir l’espace urbain. Ceci aussi bien dans le cadre du PNPN, qui prévoit une plus grande intégration des infrastructures vertes dans tous les domaines, ainsi que dans le cadre de la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique.

Des documents d’aide et des manuels de planification ont été élaborés par l’État et les communes, comme « nature et construction » (disponible sur www.environnement.public.lu).

L’Administration de la nature a soutenu de nombreuses communes dans la planification et la mise en œuvre de projets en faveur de la nature dans l’espace urbain (zone industrielle Wandhaff, ronds-points/Strassengrün, espaces libres autour de bâtiments publics, comme au Home pour les personnes âgées à Mersch, ...).

Le ministère de l’Environnement soutient financièrement depuis longtemps les communes par le biais des stations biologiques, afin qu’elles puissent gérer l’espace urbain de manière plus naturelle. Les syndicats sont en outre des partenaires importants pour aider à la mise en œuvre des différents pactes.

Un certain nombre de campagnes ont été soutenues par le ministère de l’Environnement, par exemple récemment « Méi Gréngs an eise Stied an Dierfer » du mouvement écologique. Dans ce contexte, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable a lancé un appel à projets auprès des communes ayant adhéré au Pacte Nature ou au Pacte Climat pour les soutenir dans la mise en place de mesures de verdissement du tissu urbain et de déminéralisation des surfaces scellées. Les meilleurs projets bénéficient d’une subvention à hauteur de 90 % des coûts de la part du Fonds énergie et climat.

Des formations continues de l’Administration de la nature sur le thème de la nature dans l’espace urbain sont régulièrement proposées aux services techniques des communes. Il est en effet très important que les personnes qui doivent garantir l’entretien de ces espaces sur le terrain soient bien formées.

Sans oublier le Pacte Nature qui est un instrument important pour soutenir les communes dans leurs efforts pour rendre les écosystèmes plus diversifiés et plus résilients, y compris l’espace urbain. 86 communes s’y sont engagées jusqu’à présent. Il propose un cadre de référence législatif, financier, technique et consultatif pour les aider à contribuer à la mise en œuvre des objectifs du/de la :

  • plan national concernant la protection de la nature
  • plan de gestion des districts hydrographiques (volet écologique)
  • stratégie d’adaptation aux effets du changement climatique (volet écologique)

Une commune peut obtenir des points par exemple si elle :

  • préserve des biotopes précieux,
  • aménage des surfaces à caractère naturel et les gère dans l’esprit de la biodiversité,
  • encourage la plantation d’arbres et de haies,
  • met à disposition des possibilités de nidification pour les oiseaux, les chauves-souris, les insectes et autres animaux,
  • végétalise les façades et les toits des bâtiments communaux, ce qui a un effet climatisant à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments,
  • planifie systématiquement des bâtiments communaux écologiques dans les PAP,
  • limite le scellement des surfaces,
  • réduit la pollution lumineuse,
  • incite les citoyens à aménager des jardins et des pelouses proches de la nature.

Extrait du NEOMAG#53
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Publié le mercredi 5 avril 2023
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