Construire différemment et durablement
La construction industrielle hors-site apporte une réponse innovante à un besoin urgent en logements, à travers des bâtiments de qualité, circulaires et en minimisant les nuisances liées au chantier. Le BIM est un outil indispensable pour accompagner les architectes dans l’apprentissage de la nouvelle grammaire qui articule de tels projets.
La construction modulaire, un concept novateur…
À l’origine d’OIKOS-concept, un constat : le manque de logements abordables au Luxembourg, et une expertise : celle de sa maison-mère, Polygone, en matière de solutions modulaires.
« La construction hors-site en tant que réponse rapide à un besoin en logements prend de l’ampleur, en particulier dans les pays anglo-saxons. Au cours de ces 18 derniers mois, nous avons fait le tour de l’Europe pour sélectionner des fabricants certifiés. Nous avons trouvé 4 partenaires qui ont chacun leurs spécificités que ce soit au niveau des produits qu’ils proposent, de leurs lignes de production ou de leurs savoir-faire », indique Benedict Sargent, business developper.
De ces recherches sont nées 4 familles de produits : des logements abordables, des logements touristiques - gîtes et résidences hôtelières -, des maisons pour seniors et personnes à mobilité réduite, et des cotes pour étudiants. Un projet pilote est prévu pour début 2022, en collaboration avec l’Agence Immobilière Sociale.
… qui souffre d’un problème de perception
Pour éviter toute standardisation et conserver une réelle qualité urbanistique, l’entreprise s’appuie sur des architectes locaux et sur l’expertise technique de son directeur, Xavier Mahy, ingénieur spécialisé dans le BIM, car « il ne s’agit pas seulement de prendre un module standard, de l’isoler, d’y installer une douche et d’y poser un joli bardage ».
En effet, la construction hors-site pour des logements se distingue clairement de la construction modulaire telle qu’on se la représente. Ce n’est pas un « container » amélioré, mais un bâtiment à part entière, soumis aux réglementations de la construction et comparable à un bâtiment traditionnel en termes de durée de vie, matériaux (souvent du bois, parfois avec une ossature métallique), équipements techniques, finitions et qualité du bâti. Même si la réplicabilité permet d’amortir les coûts, une construction modulaire n’est donc pas forcément moins chère qu’une construction traditionnelle. La plus-value se situe surtout dans la vitesse de construction (et qui dit construction rapide dit aussi retour sur investissement rapide), une qualité mieux certifiée et une flexibilité beaucoup plus grande : on peut agrandir facilement en fonction des circonstances de la vie.
La préfabrication, un procédé durable…
Seul l’assemblage des éléments se fait sur site. La sécurité et la santé des employés s’en trouvent renforcées (puisque la majeure partie du travail est réalisée dans un environnement sec, lumineux et chauffé). Et la phase de chantier ne dure que quelques jours, ce qui signifie moins de nuisances et de pollution pour les riverains, mais aussi moins de perte, vol ou dégradation de matériaux sur chantier (donc pas de gaspillage).
… et circulaire
Les bâtiments sont conçus pour pouvoir être démontés, réutilisés ou recyclés en un bloc ou par composant. « La construction modulaire permet de dissocier la fonction du logement, du terrain. C’est pourquoi nous veillons à ce que les produits de nos fournisseurs ne comportent ni soudure ni colle qui empêcherait le démontage », souligne Xavier Mahy. OIKOS-concept teste actuellement un système de fondations basé sur des pieux vissés dans le sol aux quatre coins de la structure, qui permettraient de limiter l’impact sur le terrain après démontage. « On peut imaginer installer des maisons modulaires sur un terrain dormant et les retirer au bout de 15 ou 20 ans pour les placer ailleurs ou les recycler, et récupérer ces terrains comme ils étaient avant », explique Benedict Sargent.
L’objectif est de préfabriquer 90 à 95 % du bâtiment en usine, avec un degré de précision telle qu’il ne resterait plus que les raccordements à faire sur site. Un véritable challenge qui fait que rien ne doit être laissé au hasard dans la conception. C’est là qu’intervient le BIM.
Le BIM, une méthodologie incontournable dans l’industrialisation de la construction
« Croire que la construction hors-site 3D est simple, que l’on peut plus ou moins s’arrêter à l’avant-projet sommaire, empiler des éléments et obtenir un formidable bâtiment est une fausse idée. Il s’agit de construire des espaces à vivre, ce qui exige, au contraire, une conception très précise, bien en amont, la mise en place d’un système de communication pour discuter autour d’un objet et la définition d’un langage commun entre des intervenants qui ont une culture différente », explique Xavier Mahy. « La première étape est d’écouter les besoins exprimés par l’architecte local et par l’urbaniste, puis de déterminer quel fournisseur est à même d’y répondre.
Ensuite, il faut fournir des outils de base de conception, ce que permet le BIM. Car, même si l’architecte conserve toute sa liberté de conception, ce type de construction a ses contraintes. C’est une nouvelle grammaire à apprendre et nous devons trouver ensemble des solutions originales pour optimiser le layout, en regroupant tous les tuyaux dans le même module, par exemple. Ceci n’est possible qu’à condition d’intervenir très tôt dans le projet, d’accompagner la conception tout du long et de poursuivre le dialogue commencé avec l’architecte en incluant les entreprises générales. On ne peut pas se passer d’un bon accompagnement », poursuit-il.
L’intérêt du BIM se situe également dans la planification du montage. Il permet d’effectuer un prémontage virtuel lors duquel on peut faire plusieurs essais, ce qui est indispensable pour anticiper de manière très précise et concrète la manipulation d’objets de 12 mètres de long et de plus de 20 tonnes, qu’on peut difficilement stocker de manière temporaire.
Enfin, le BIM peut présenter des avantages en termes de facility management et de gestion des ressources, en phase opérationnelle.
Rencontre avec Xavier Mahy, directeur, et Benedict Sargent, business developper chez OIKOS-concept
Mélanie Trélat
Article tiré du NEOMAG#42
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