Crise dans le secteur de la construction : il est urgent de ne plus attendre
L’assemblée plénière de la Chambre des Métiers a, chiffres à l’appui, fait le point sur la situation économique difficile de la construction et ses perspectives préoccupantes.
Soulignant l’impact défavorable de la crise sur l’ensemble de la société luxembourgeoise, elle demande une nouvelle fois la mise en œuvre urgente de mesures de soutien supplémentaires.
L’assemblée plénière de la Chambre des Métiers[1] s’est une nouvelle fois penchée sur la situation économique très difficile du secteur de la construction[2]. Le ralentissement substantiel s’explique tout d’abord par la hausse rapide et importante des taux d’intérêt qui a conduit à une réduction des ventes au niveau de l’immobilier.
Force est par ailleurs de constater que le volume des marchés publics concernant les investissements publics nouveaux a connu un ralentissement en raison des élections communales, suivies des élections législatives.
Ces facteurs ont donné lieu à une baisse substantielle des marchés privés et publics.
Un état des lieux et des perspectives préoccupants
Les données les plus récentes renseignent une dégradation progressive de la situation. Selon le STATEC, le secteur fait face à une baisse de l’activité de 2,3% sur les 7 premiers mois de 2023, alors que dans la branche de la « construction de bâtiments et génie civil », elle atteint 6%[3].
Si une diminution de la demande est dans une première phase compensée par une réduction des heures supplémentaires et des heures prestées par les travailleurs intérimaires, la gravité de la crise dans le domaine du logement commence à toucher les effectifs des entreprises. Ainsi, le STATEC fait état d’une baisse de l’emploi de 0,7%.
Entre le 1er trimestre 2022 et le 2e trimestre 2023, la valeur ajoutée de la construction (en volume, désaisonnalisée) chute de 10%.[4]
En ce qui concerne les ventes d’appartements en construction au 2e trimestre 2023, leur nombre recule de 63% sur un an.[5]
La rentabilité gravitant autour de 5%[6], risque d’être laminée sous l’effet de la chute de la demande et de l’augmentation de coûts, tant en ce qui concerne les matériaux de construction que les frais de personnel.
Or, aussi longtemps qu’il n’y aura pas de soulagement du côté des taux d’intérêts hypothécaires, les perspectives du secteur demeurent moroses.
La crise du logement aura un impact sur l’ensemble de la société
S’il est évident que la crise a un impact direct sur le secteur de la construction au sens large pour toucher les concepteurs (architectes, bureaux d’études), les entreprises de construction, leurs fournisseurs et les établissements de crédit actifs dans le domaine du logement, elle a également un effet indirect sur d’autres secteurs, comme le commerce de détail et l’horeca.
Estimant le nombre de logements non construits à 1.500 unités, en concordance avec les prévisions des représentants des entreprises de construction, la Chambre des Métiers a évalué l’impact défavorable direct sur les finances publiques à près de 300 millions d’euros. Ceci en termes de baisse des rentrées fiscales (TVA, droits d’enregistrement) et de hausse des dépenses (indemnités de chômage). D’après ces estimations, 4.600 emplois dans le secteur de la construction seraient menacés.
Il faut constater que par le passé le Luxembourg n’a pas réussi à réaliser le nombre de logements que le STATEC estimait nécessaire pour répondre à une demande potentielle très dynamique[7]. Or, avec la crise actuelle l’écart entre la demande potentielle et l’offre se creusera davantage, ce qui mènera à moyen terme à une accentuation de la pénurie de logements abordables, détériorant de plus en plus l’attractivité de l’économie nationale.
Dans l’intérêt du pays, il faut agir … vite
Pour éviter le pire, la Chambre des Métiers a, déjà à plusieurs reprises, proposé la médecine à prescrire qui consiste à stimuler temporairement la demande de logements.
Dans ce contexte, elle préconise, entre autres, le report en avant de marchés publics pour compenser en partie une demande privée défaillante. Par ailleurs, il faudrait introduire des incitatifs fiscaux comme l’abolition des frais d’enregistrement sur la quote-part de la construction déjà réalisée ou encore reconsidérer la baisse de l’amortissement accéléré et introduire un nouveau taux réduit de TVA de 5% pour relancer le logement locatif.
En parallèle, le nouveau gouvernement devrait préparer une offensive « logement » ambitieuse pour stimuler l’offre de logements. Par exemple, en simplifiant radicalement les procédures d’autorisation.
Sur ce sujet, comme sur les autres défis socio-économiques à relever, la Chambre des Métiers attend de pouvoir entrer en dialogue avec le futur formateur et les partis qui formeront la prochaine coalition.
Communiqué par la Chambre des Métiers
Photo d’illustration : Comité et suppléants / Chambre des Métiers
[1] Chambre professionnelle à base élective regroupant tout l’Artisanat (20% des entreprises et 21% de l’emploi)
[2] Le secteur de la construction regroupe le gros œuvre & génie civil, l’équipement technique et le parachèvement
[3] https://statistiques.public.lu/fr/themes/entreprises.html#construction [Activité dans la construction B2]
[4] https://statistiques.public.lu/fr/themes/economie-finances.html#comptes-nationaux [Comptes nationaux et finances publiques : principaux agrégats, agrégats par branches et comptes de secteurs institutionnels]
[5] Le Logement en chiffres N°14 ; septembre 2023
[7] « Entre 2018 et 2060, la demande potentielle totale en logement varierait de 243 000 à 324 000 selon le scénario retenu, ce qui donne une moyenne annuelle variant de 5 600 (« PIB 0% ») à 7 500 (« PIB 4.5% »). » [STATEC ; Projections des ménages et de la demande potentielle en logements : 2018-2060 ; Avril 2019]