Densifier durablement et diversifier l’énergie
Paul Wurth Geprolux est actif dans la construction de bâtiments d’excellence intégrant les principes de développement durable. Infogreen a invité la société à partager sa vision de la ville de demain.
Elisa Ragazzoni, Head of Project Development, nous confie son approche organisationnelle des futures villes :
« Selon le rapport de l’ONU, en 2050, 66 % de la population vivra dans les villes. Le défi auquel elles devront faire face est celui d’une densification importante. Cette dernière devra se faire de manière rationnelle et en créant des espaces de vie agréables tout en utilisant le moins de surface possible et en générant des espaces publics de qualité pour que les habitants disposent d’air, de lumière et d’espaces verts.
Les espaces publics devront être intégrés dans une approche globale, et non être simplement des espaces résiduels pour faire renaître en ville une ambiance de voisinage et amener les gens dans les rues. Cela passe par le développement des interconnexions, en favorisant la mobilité douce (vélos, piétons), les transports en commun et en limitant les transports privés. Les espaces verts et les aires de récréation devront être pensés en tant que parts d’un réseau traversant la ville permettant d’amplifier aussi la valeur écologique, qui est fondamentale.
Revenir à une certaine mixité et utiliser plus efficacement les surfaces est un des objectifs. Aux États-Unis, la sectorisation des fonctions a vu naître des quartiers où l’on vit, d’autres pour le travail, d’autres encore destinés aux achats et aux loisirs, ce qui a mené à une importante congestion du trafic et à un appauvrissement des contacts sociaux.
En Europe, en termes de mixité, les centres fonctionnent encore bien et il faudra veiller à ce que le saut d’échelle des interventions de densification soit approprié. Dans les années 70, la crise du logement a provoqué la construction de cités périphériques dans lesquelles les composantes sociales et qualitatives n’ont pas été bien pensées. En Angleterre, et ailleurs en Europe, on assiste à la démolition et à la reconstruction de certaines de ces cités pour revoir leur organisation.
À Luxembourg, certaines friches sont déjà réutilisées pour optimiser la densification de la ville et éviter d’aller construire à l’extérieur, loin du centre. À cet effet, Belval, Differdange, mais aussi le nouveau quartier Paul Wurth-Landewyck à Hollerich-Gare peuvent être cités comme exemples. »
Samuel Majerus, Project Manager, détaille le volet énergétique des smart cities et aborde le recours à l’économie circulaire :
« À l’avenir, les sources d’énergie seront diversifiées. Actuellement, on parle beaucoup de l’électrification absolue, mais celle-ci entraînera de nombreux problèmes : congestion, stockage, réseau électrique sous-dimensionné, prix croissant, etc. Une solution est d’investir dans le gaz ‘vert’. Par exemple, le recyclage des déchets organiques (résidentiels, agricoles, eaux d’épuration) permettra la production de biométhane qui sera ensuite injecté dans le réseau de gaz actuel (ici on peut citer Morges en Suisse, ville de référence championne du triage). La technologie de ‘Power to Gas’, c’est-à-dire d’utiliser l’électricité renouvelable pour créer du gaz naturel vert à travers divers procédés chimiques, permettrait de résoudre de nombreux problèmes, surtout au niveau du stockage.
En ce qui concerne la consommation, les bâtiments vont devenir hautement intelligents et seront capables de la contrôler et de l’optimiser à distance. Les producteurs et les utilisateurs seront connectés pour que la demande et la consommation soient en symbiose. C’est ce qu’on appelle le ‘smart grid‘. Paul Wurth Geprolux, en collaboration avec le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust de l’Université de Luxembourg, NDLR), installe actuellement des capteurs dans des bâtiments existants permettant le monitoring et le management de leur consommation.
Un autre point est la tarification de l’énergie en mode bi-horaire qui est encore très primitive et qui va devenir bien plus flexible, avec des tarifs changeants par heure ou demi-heure. Les équipements seront programmés pour se mettre en route lorsque l’énergie est au meilleur prix. La puissance électrique disponible sera aussi limitée pour éviter les pics de consommation (copiant le modèle ‘flat-rate’ Internet). En optimisant sa consommation, l’utilisateur économisera sur sa facture finale et allégera le réseau.
Enfin, dans le futur, une approche beaucoup plus pragmatique est attendue dans la conception et la construction des bâtiments. La réflexion portera sur le cycle entier d’un élément dans une optique d’économie circulaire. Aujourd’hui, nous travaillons sur la conception de deux bâtiments selon ce principe. S’ils doivent être démontés dans 30 ou 50 ans, nous saurons exactement les matériaux qui s’y trouvent, combien coûterait le démontage, et chaque élément – brique, fenêtre, etc. – pourra être réutilisé, reconditionné ou recyclé. »
Marie-Astrid Heyde
Photo : Fanny Krackenberger