L’agriculture, partenaire de l’énergie durable
Un appel à projets pour des centrales agri-photovoltaïques veut encourager les synergies entre production d’électricité renouvelable et production agricole, en appui du développement durable et de la biodiversité.
L’agriculture est souvent pointée comme responsable d’une partie de la perte en biodiversité, et sa relation ancestrale avec le développement a souvent été plus proche de l’extensivité et de la production téléguidée par l’agro-industrie que de la durabilité. Et pourtant, les surfaces agricoles et leurs exploitants peuvent jouer un rôle déterminant dans l’accompagnement de la transition écologique et le développent rural durable au service de l’intérêt général.
C’est évidemment vrai pour les modes et les choix de culture ou d’élevage, ainsi que pour l’utilisation des sols par exemple.
Mais il y a aussi de belles synergies économiques et sociétales à mettre en place, pour la production électrique en autonomie et dans l’esprit de la transition. On pense à la biométhanisation. Mais on peut aussi favoriser l’agri-PV, l’intelligente combinaison du photovoltaïque et des surfaces agricoles.
Au cœur de la stratégie solaire nationale
Trois ministres viennent de lancer un appel d’offres au nom du gouvernement. Claude Turmes pour l’Énergie et l’Aménagement du Territoire, Claude Haagen pour l’Agriculture, la Viticulture et le Développement rural, et Joëlle Welfring, pour l’Environnement, le Climat et le Développement durable. Trois piliers qui peuvent soutenir de beaux projets porteurs. Il s’agit de susciter des « projets pilotes dédiés à la réalisation et à l’exploitation de centrales agri-PV, qui permettent de concilier production d’électricité renouvelable et production agricole, tout en favorisant le développement de la biodiversité ».
Pour le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, à l’initiative de la démarche, le développement de l’énergie solaire sur les toits ainsi que sur les surfaces imperméabilisées, reste toujours au cœur de la stratégie solaire du gouvernement. « D’autres installations seront nécessaires à l’avenir pour atteindre les objectifs ambitieux du Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC). Ce projet-pilote ciblant de nouvelles centrales agrivoltaïques sert à préparer cet avenir de façon cohérente. C’est un projet précurseur, qui permettra aux agriculteurs de devenir des acteurs à part entière dans cette transition vers une production d’énergie propre et produite localement. Et nous permettra de renforcer notre indépendance par rapport aux pays exportateurs d’énergies fossiles. »
Développement rural et durable
Claude Haagen salue la démarche d’une agriculture qui joue de plus en plus la carte du développement rural et durable. Il est pour lui primordial que cet appel d’offres ait prévu une collaboration étroite avec des agriculteurs actifs, parmi lesquels beaucoup possèdent déjà des installations photovoltaïques sur leurs bâtiments. « Ces terres agricoles devront néanmoins rester primordialement vouées à la production durable de denrées alimentaires, et continueront donc à être éligibles aux aides à la surface prévues dans le cadre de la politique agricole commune. »
Joëlle Welfring se réjouit aussi : « Ce projet-pilote vise à démontrer à quel point des synergies et intérêts peuvent être trouvés entre le développement de l’énergie renouvelable, la protection de la nature et la pratique agricole au Luxembourg. Il est intéressant d’un point de vue écologique du fait que nous poursuivons la transition énergétique tout en promouvant la biodiversité au Grand-Duché. Comme tous les projets seront soumis à un suivi écologique et à un monitoring rigoureux, et plus particulièrement vis-à-vis de la flore, je suis curieuse et impatiente de lire attentivement les propositions qui viendront du terrain. »
Le cahier des charges pour cet appel d’offres et les documents d’accompagnement ont été rédigés en concertation entre les trois ministères et leurs services, et sur consultation d’experts en matière d’installations de ce type en milieu agricole. Par ailleurs, une panoplie d’acteurs concernés et engagés, dont des ONG, ont été rassemblés lors d’un workshop pour collecter leurs réactions sur le sujet.
Champ d’action et champ libre
L’appel d’offres pilote prévoit différentes catégories selon l’usage agricole et le type d’installation PV.
Par exemple, pour les centrales au sol, à panneaux bifaciaux verticaux ou « tracker » (aussi appelé « suiveur solaire » ou « traceur solaire », c’est un dispositif sur pied motorisé qui s’oriente en fonction de la position du soleil), les catégories distinguent les prairies fourragères, les prés d’élevage ou les terres arables pour les cultures, y compris le maraichage, la viticulture ou l’arboriculture fruitière par exemple.
Il prévoit aussi des projets d’ombrières, structure surélevée de support aux panneaux PV fixes ou mobiles, ouverte sur les côtés, et laissant le « champ libre » en dessous pour l’exploitation agricole.
Les centrales pourront avoir une puissance entre 100 kW et 5 MW, avec une disposition spéciale pour terrains faisant l’objet d’une reconversion après travaux de remblai de décharges.
Objectif + 50 MW
L’attribution se fait au meilleur prix, avec au moins deux projets par catégorie et prioritairement aux installations de 2 MW maximum. Ce qui doit permettre de multiplier et de répartir les petites centrales locales, et d’éviter les mégastructures dans l’esprit de ce projet. « Un des objectifs est d’attribuer des projets dans les différentes catégories pour obtenir une diversité de projets et assurer leur suivi et évolution. À cette fin, un monitoring régulier sera mis en place », confirme le ministère.
Bien entendu, les facteurs écologiques et agricoles sont des critères majeurs ; si le projet pilote n’y est pas conforme, l’offre est éliminée. De même, le développeur d’un projet « doit présenter un concept permettant une amélioration de la qualité écologique de la surface. À cet effet, une boîte à outils a été élaborée afin de guider les développeurs ». Quant aux critères agricoles, ils visent d’abord une continuation de l’exploitation des surfaces par un agriculteur actif, associé au projet.
Le délai pour la remise des projets est fixé au 1er août 2023.
Le volume total visé par cet appel d’offres est de 50 MW de puissance, ce qui permettrait une nouvelle hausse, de quasi 20%, de la capacité totale installée.
Fin 2021, presque 10.000 centrales photovoltaïques avec une puissance installée de 277 MW étaient raccordées au réseau, pouvant couvrir les besoins en électricité d’environ 180.000 personnes.
Alain Ducat
Photos/Illustrations : MEA, Enovos/CLT