L’hydrogène prendra-t-il bientôt son envol ?
Principal constituant du Soleil et de la plupart des étoiles, l’hydrogène pourrait bien devenir dans les prochaines années un des piliers de la transition énergétique, surtout s’il est produit sans émission de CO2 par électrolyse de l’eau. Le secteur aéronautique en est en tout cas persuadé et parie sur cette molécule riche en énergie. Du drone à l’avion de ligne à hydrogène, les projets ne manquent pas.
Ce n’est pas la première fois que l’aéronautique s’intéresse à l’hydrogène. Le premier vol d’un ballon à l’hydrogène date de 1783. Les techniques se développent et le point culminant est atteint avec la construction du dirigeable Hindenburg construit par la firme allemande Zeppelin. Plus grand dirigeable commercial jamais réalisé, il est détruit par les flammes le 6 mai 1937, sa réserve d’hydrogène ayant pris feu à son atterrissage aux États-Unis. Après ce désastre humain – 36 personnes périssent dans l’accident -, l’utilisation de l’hydrogène dans les airs est abandonnée jusqu’à ce qu’elle connaisse un regain d’intérêt à l’aube des années 2000.
Des drones longue durée et écologiques
Ainsi, les initiatives autour des drones à hydrogène se sont multipliées depuis quelques années. Des chercheurs de l’Université technologique de Delft se sont associés à la Marine royale et aux garde-côtes des Pays-Bas pour mettre au point un drone à décollage et atterrissage vertical (VTOL) à propulsion par hydrogène. Soulevé et propulsé par douze moteurs qui présentent autant de dispositifs de sécurité en cas de défaillance, l’aéronef est équipé d’une bouteille cylindrique de 6,8 litres d’hydrogène. Celui-ci est amené, à basse pression, vers une pile à combustible de 800 watts qui va convertir l’énergie émise en électricité pour les moteurs. Mis à l’épreuve en pleine mer, l’engin a pu démontrer qu’il était capable de décoller d’un bateau en mouvement, voler au-dessus des flots pendant environ trois heures et demie et revenir se poser sans accroc à bord.
En France, un projet baptisé Mermoz[1] veut poser les jalons de l’aviation bas-carbone de demain. Il consiste en la conception et la fabrication d’un drone qui traversera en 2023 l’océan Atlantique du Sénégal au Brésil, soit 3.500 kilomètres à parcourir en plus de 30 heures sans escale. Plutôt que d’être alimenté par de l’hydrogène gazeux qui a besoin d’être stocké dans un réservoir à haute pression (300 bars), cet avion miniature transportera de l’hydrogène liquide. Celui-ci, stocké à une pression moindre, permettra de fournir 6 fois plus d’énergie par unité de masse qu’une propulsion électrique à batterie conventionnelle en ne rejetant que de la vapeur d’eau pendant le vol. L’avionneur Boeing s’est lui aussi lancé dans un prototype de drone à hydrogène liquide via une de ses filiales.
Les avions à hydrogène : chimère ou bientôt réalité ?
Les petits avions de transport de passagers ne sont pas en reste. De nombreuses compagnies, notamment aux États-Unis, en Allemagne et en France, se sont lancées dans des projets d’avions électriques alimentés grâce à une pile à hydrogène. Ainsi, la startup allemande Hy4 s’est associée à Deutsche Aircraft pour convertir un avion de transport commercial à l’hydrogène en 2025. Si le projet fonctionne, ce type d’avion pourrait assurer des déplacements régionaux neutres en carbone.
Quant aux avions de ligne, les premières applications seront principalement destinées aux opérations au sol. Ainsi, le groupe industriel et technologique Safran a développé le projet PIPPA (Pile à combustible Pour Applications Aéronautiques) qui vise à développer une pile à combustible pour l’alimentation électrique de systèmes pour avions. Elle sera notamment utilisée pour le taxiage – le trajet au sol que fait l’avion pour rejoindre ou quitter la piste d’atterrissage -, ce qui devrait réduire fortement les émissions polluantes sur les aéroports.
D’autres compagnies, comme Airbus ou même la NASA, planchent sur des projets d’avions court- et moyen-courriers. La première espère déployer son premier avion commercial d’ici 2035 – un avion de configuration classique avec un réservoir cylindrique d’hydrogène liquide logé à l’intérieur du fuselage dans la partie arrière de l’appareil. La deuxième soutient un projet de recherche baptisé CHEETA (Center for Cryogenic High-Efficiency Electrical Technologies for Aircraft). L’idée est de stocker l’hydrogène sous forme liquide et cryogénique, à très basse température. Celui-ci serait converti en vol en courant électrique grâce à plusieurs piles à combustible.
Pourtant, malgré tous les projets prometteurs évoqués ci-dessus, plusieurs spécialistes restent sceptiques quant à leur possibilité de trouver des débouchés commerciaux rapides, en particulier pour les avions de ligne. De nombreux problèmes techniques restent à résoudre. À commencer par le problème des réservoirs. L’hydrogène est certes trois plus léger que le kérosène, mais il est beaucoup plus volumineux. Sous sa forme la moins volumineuse – liquide -, il occupe quatre fois plus d’espace, ce qui nécessite d’immenses réservoirs impossibles à loger dans une architecture d’avion classique. De plus, pour garder l’hydrogène à l’état liquide, il faut que les réservoirs puissent maintenir une température constante de -250 degrés.
La fabrication de l’hydrogène vert et le remplissage des réservoirs d’hydrogène représentent un autre casse-tête, économique cette fois-ci. L’hydrogène vert par électrolyse de l’eau avec de l’électricité entièrement renouvelable coûte beaucoup plus cher. Il faut ensuite le liquéfier et le transporter jusqu’aux aéroports – deux opérations très coûteuses et énergivores. Du fait de son volume, un 38 tonnes ne pourra jamais transporter que 4 tonnes d’hydrogène liquide !
[1] Tiré du nom de l’aviateur français Jean Mermoz, qui fut le premier à réaliser la traversée aérienne commerciale de l’Atlantique Sud en 1930.