Pouvez-vous nous raconter en quelques mots qui se cache derrière le fondateur du chocolat Millésime ?
Jean-Christophe Hubert : Derrière Millésime, vous avez un historien de l’art à la base. J’ai commencé ma carrière comme chercheur en sociologie au Fonds National pour la Recherche Scientifique (FNRS) et comme assistant à l’Université de Liège. J’ai ensuite travaillé dans la culture comme directeur artistique et puis j’ai fondé, il y a 20 ans, ma société d’organisation d’expositions (dont celles se tenant à la gare des Guillemins à Liège, NDLR). C’est vraiment par pure passion que j’ai développé Millésime Chocolat début 2017.
L’entrepreneuriat, ça vous a toujours parlé ?
JCH : Disons que j’ai toujours eu ça en moi, le désir de créer, de bouger et de faire bouger les choses. Ma passion pour le chocolat, j’ai décidé d’en faire un projet concret en me lançant comme chocolatier.
N’est-ce pas un peu « fou » de se lancer comme indépendant-chocolatier au pays… du chocolat ?
JCH : En fait, pas vraiment. Mis à part les éternelles mêmes difficultés que rencontrent tous les entrepreneurs en Belgique, le vrai chocolatier artisanal n’est pas si fréquent en Belgique.
Ah bon ? Pourtant on trouve des chocolatiers à (presque) tous les coins de rues en Belgique… Ou c’est l’estomac qui nous joue des tours ?
JCH : Qu’appelez-vous exactement chocolatier ? Il faut savoir qu’en Belgique, plus de 90% des chocolatiers utilisent du chocolat industriel. Tout le monde utilise la même matière première, uniforme, au goût standardisé, et dont on ne sait pas grand-chose, de sa provenance, de sa traçabilité…. Les chocolatiers utilisent cette matière première pour faire leurs propres créations, mais sur le fond, ils proposent tous la même chose : du chocolat industriel.
Vous cassez un peu le mythe du « chocolat belge »…
JCH : Il faut savoir qu’on a un problème en Belgique : nous sommes « THE » pays du chocolat, mais du mauvais chocolat. La notion « chocolat belge » veut tout et rien dire à la fois. En Belgique on est à la traîne à ce niveau-là. On doit chercher pour retrouver du vrai en Belgique. On a cette image traditionnelle qui nous porte, mais on en fait un peu n’importe quoi.
Donc votre passion pour le chocolat vous a conduit à vous intéresser à sa qualité : provenance, composition, goût… ?
JCH : Tout à fait, après une formation indispensable suivie au centre Epicuris, pour devenir confiseur/chocolatier, j’ai tout de suite cherché à devenir expert en cacao et à m’approprier la matière première. J’ai eu envie de faire des essais avec les fèves de cacao, les torréfier chez moi. En m’appropriant le process de création, je peux être tout à fait transparent avec mes clients. Ils savent ce qu’ils mangent et peuvent faire leurs choix, pas seulement gustatifs, mais aussi en fonction de leurs affinités.
Peut-on faire un parallèle avec le vin ?
JCH : Oui, j’applique une lecture du vin mais avec du chocolat : pays, terroir, année, cépage (il en existe 3 : Forestaro, Triniario et Criolo). Le chocolat est un des produits alimentaires le moins transparent. Quand vous achetez les créations d’un chocolatier, en fin de compte, vous ne savez toujours pas d’où provient la matière première. Pourtant, le cacao change en fonction du climat, de la composition du sol, de l’année… même si le goût ne varie pas autant que pour le vin. Mon but, ce n’est pas de dire une telle année est meilleure que l’autre, mais d’être transparent avec le client. À priori personne n’achètera une bouteille avec une étiquette mentionnant seulement ‘vin rouge’. Pour le chocolat, un nombre croissant de clients commence à aller dans ce sens.
Intégrer le développement durable dans la conception de votre produit, ça a toujours fait partie de votre projet ?
Oui, c’est le fondement même de Millésime, un produit transparent, respectueux des valeurs de durabilité que nous portons. Les fèves que nous achetons sont d’origine biologique et nous négocions les prix directement avec les producteurs. Nous achetons leurs fèves à un prix plus élevé que ceux négociés par les groupes classiques, mais nous pouvons garantir à nos clients que les producteurs perçoivent un salaire décent, respectueux de leur travail.
N’est-ce pas une contrainte supplémentaire que vous vous êtes imposée ?
Ça l’est, dans la mesure où les cahiers de charge sont plus exigeants, les indispensables certificats et labels sont longs à obtenir, mais en bout de course, ils nous permettent de nous distinguer clairement de la concurrence et de justifier auprès des clients notre positionnement haut de gamme. À moyen terme c’est un choix gagnant, d’autant plus que, comme je vous l’ai dit, les chocolatiers ‘bean to bar’ sont peu nombreux, donc il y a encore des marchés à explorer.
Et pensez-vous que le public soit réceptif à votre démarche ?
JCH : Oui, les attentes du public ont bien évolué ; il est demandeur de transparence et de qualité. Pour le moment nous ne vendons encore qu’aux épiceries fines, aux magasins bios, à certains distributeurs de niche, mais la demande est bien là. Nous sommes toujours dans une phase de croissance du chiffre d’affaires, multiplié par 3 chaque année. Grâce à l’AWEX, nous avons pu prospecter différents marchés et nous avons à présent des clients en France, aux USA et au Japon. C’est la preuve qu’au-delà de nos propres produits, il y a un public international sensible à la qualité et aux valeurs portées par leur alimentation.
Comment vous projetteriez Millésime dans le futur ?
JCH : C’est très dur d’y répondre quand on ne sait même pas ce qu’il se passera dans 15 jours, surtout avec la crise actuelle. D’une manière générale, j’aimerais que le chocolat belge retrouve ses lettres de noblesse et, chez nous, nous aimerions trouver davantage de distributeurs sérieux qui partagent notre philosophie, notre volonté de transparence et d’authenticité pour la confection de chocolat.
(encadré)
L’AWEX et le développement durable
Convaincue que les entreprises wallonnes de toutes les tailles peuvent contribuer à changer le monde à leur niveau, qu’elles peuvent allier déploiement économique, protection de la ressource et ambition sociale, l’AWEX s’engage sur le long terme dans sa Responsabilité Sociétale des Organisations(RSO) au travers de la mise en pratique des 17 Objectifs du Développement Durable (Sustainable Development Goals ou « SDG ») auprès de ses collaborateurs, mais aussi au sein des entreprises exportatrices.
Concilier développement durable et performances économiques à l’international, c’est possible ! Pour les entreprises, c’est devenu une source d’opportunités, une transition nécessaire pour s’adapter aux attentes des clients et partenaires du monde entier.
À travers ses projets de développement durable, l’AWEX propose aux entreprises soucieuses d’inscrire leur action commerciale pour un monde plus soutenable et équitable, de les guider dans leurs premiers pas vers un (re)développement durable de leurs démarches exportatrices (et importatrices), de les tenir informées des opportunités existantes en matière d’aides ou d’appels à projet et bien entendu de promouvoir leur savoir-faire en matière de bonnes pratiques et de technologies durables.
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