Ministère de l’Agriculture et "Plan de développement rural" : une conception problématique des processus de participation
Le Conseil de gouvernement a donné, depuis le 18 juillet dernier, son "accord de principe" pour le projet relatif au "Plan de Développement Rural PDR 2014-2020" alors que celui-ci n’est, selon le Mouvement Ecologique « ni conforme du point de vue juridique, ni recevable en sa forme actuelle » par la Commission européenne.
Le 18 juillet dernier, le Conseil de gouvernement, présidé par le Premier ministre Xavier Bettel, a donné son accord de principe pour le projet relatif au Plan de Développement Rural PDR 2014-2020, qui prévoit un financement de l’agriculture de l’ordre de 760 millions d’euros pour la période 2014-2020. La part luxembourgeoise du cofinancement sera de 267,56 millions d’euros, auxquels s’ajouteront environ 120 millions en subventions couverts sous forme de mesures nationales à mettre en oeuvre pendant la période donnée.
Le Mouvement Ecologique s’étonne de cette démarche : la Commission européenne ne pourra en effet pas valider ce document sous la forme actuelle puisque ce dernier n’est autre qu’un document de travail incomplet. En effet, les points suivants n’ont pas été considérés et pris en compte jusqu’ici :
- Les résultats et propositions de l’ « Evaluation environnementale stratégique SEA » –prévue par le droit européen et élaborée par non moins de trois bureaux d’études – ainsi que les résultats des consultations de plusieurs mois avec le Ministère du Développement durable ;
- Les résultats et propositions découlant de l’évaluation „ ex ante “, cette dernière revêtant également un caractère contraignant ;
- Les propositions avancées lors de la procédure obligatoire dans les prises de positions du Conseil Supérieur du Développement Durable (CSDD), de „Meng Landwirtschaft“, de l’IBLA et du Mouvement Ecologique ;
- Les recours, qui ont été introduits dans le cadre de la procédure de consultation publique jusqu’au 18 juillet 2014 ...
Le Mouvement Ecologique reste perplexe face au fait que les représentants du Ministère de l’Agriculture (et du gouvernement) adressent donc – avec l’aval du Conseil de Gouvernement - à la Commission européenne à Bruxelles un projet de plan de développement rural PDR 2014-2020 qui est ni conforme du point de vue juridique, ni recevable en sa forme actuelle.
Les deux hauts fonctionnaires de la Commission Européenne en charge de l’Agriculture et du Développement rural ayant assisté à la réunion du Comité de suivi du PDR en date du 14 juillet dernier, ont d’ailleurs adressé des recommandations urgentes au ministère de l’Agriculture luxembourgeois, recommandations que ce dernier ignore pourtant à ce jour :
- Les normes dictées par l’UE portant sur le conseil, le transfert de connaissances et l’innovation (priorité No 1 du cadre européen) sont insuffisamment ancrées dans le nouveau plan de développement rural ;
- Un aperçu de la complémentarité et de l’éventuel recoupement entre les mesures encouragées par l’UE et celles qui sont purement nationales fait défaut ;
- Les paiements compensatoires, qui sont versés au Luxembourg sur la base d’une reconnaissance en tant que territoire désavantagé, ne sont pas suffisamment liés à des critères environnementaux (alors qu’il s’agit de 111,3 millions d’euros, soit près de 30% du budget total) ;
- Il existe des chevauchements entre la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et d’autres mesures agro-environnementales ;
- Toute évaluation des mesures agro-environnementales actuelles fait défaut.
Les représentants de l’UE ont par ailleurs souligné explicitement l’importance cruciale de l’audition publique et du respect de la procédure imposée.
Au cours des trois mois à venir, la Commission européenne lancera une phase de consultation interne et soumettra le texte notamment à l’avis de la DG Agriculture et du Département juridique. Au bout de ces trois mois, la Commission formulera ses observations et les soumettra au gouvernement luxembourgeois pour lui permettre d’amender son texte. La procédure d’approbation restera suspendue jusqu’au moment où le Luxembourg aura tenu compte des propositions d’amélioration, ce qui signifie que la transposition en droit national du nouveau PDR 2014-2020 risque d’être retardée considérablement au vu des manquements évidents opérés à ce stade.
Que faut-il en retenir par ailleurs ? La conception de processus de participation au niveau du Ministère de l’Agriculture, qui concède à envoyer un document sous forme de projet à Bruxelles ne tenant ni compte des résultats de l’étude d’incidence sur l’environnement, ni des objections (pourtant très fondées) de la procédure publique, est fort problématique !
Apparemment le ministère de l’Agriculture n’a pas encore fait sienne la règle d’or qu’a adoptée le nouveau gouvernement « Même argent – mieux géré »...
Communiqué par le Mouvement Ecologique / Photo © geraldford sur Flickr