De la production au recyclage, la filière textile soulève de multiples problématiques tant environnementales que sociales, et elle reste très opaque. Sont en cause des prix sans cesse tirés vers le bas, un secteur globalisé qui échappe aux règles et un nombre d’intermédiaires qui rend toute traçabilité quasi impossible.
Les vêtements, un sujet ô combien délicat ! Car on ne s’habille pas seulement pour se couvrir, mais aussi pour montrer qui on est. A fortiori dans les pays riches, très portés sur l’image, où il est aujourd’hui inconcevable de ne pas exhiber une grande variété de pièces, de porter plusieurs saisons de suite le même manteau, plusieurs jours la même robe, ou encore d’envoyer ses enfants à l’école avec un sweat-shirt tâché (la tâche fût-elle propre). Les marques l’ont bien compris et encouragent allègrement notre propension à (sur)consommer.
L’envers du décor est moins reluisant. Ce sont les marques qui contrôlent l’accès au marché, imposent leurs conditions à leurs fournisseurs et empochent le magot. Conséquences : d’un bout à l’autre de la chaîne, les vêtements qui nous mettent en valeur sont fabriqués dans des conditions déplorables. Les êtres humains, les animaux (si on parle de cuir ou de fourrure) et la planète sont malmenés. Cela peut aller très loin… jusqu’à des catastrophes comme l’effondrement du Rana Plaza qui a secoué l’opinion publique en 2013.
Les cadences de travail sont infernales, on exploite des enfants, on paie très mal voire pas du tout. Selon une étude menée par AchACT, sur un t-shirt vendu 29 euros, le salaire de la couturière ne représente que 0,18 euro, alors que plus de 20 euros reviennent à la marque ! 60 millions de travailleurs sont concernés dans le monde, dont 80 % sont des femmes.
Les normes de sécurité ne sont pas respectées et la santé est négligée. Que ce soit dans les champs de coton ou dans les usines lors des procédés de blanchiment, de teinture ou d’impression, les ouvriers sont fortement exposés à des substances toxiques qui, en plus de représenter un danger pour leur santé (et celle des personnes qui, plus tard, enfileront ces tissus à même leur peau) en sont aussi un pour la planète.
L’eau et les sols sont pollués, la biodiversité en prend un sérieux coup. Des litres d’eau sont gaspillés pour faire pousser les fibres végétales et les transformer en fil puis en tissu. Les montagnes de déchets issus de cette industrie et les kilomètres parcourus chaque jour par ces tonnes de matière première et de marchandise des points de production vers les points de transformation, puis vers les points de confection et enfin, vers les points de vente, constituent un double défi environnemental.
Les vêtements une fois achetés, leur entretien et leur lavage requièrent encore de l’eau et des produits chimiques en quantités excessives. De plus, leur usure génère des fibres qui se dégradent difficilement, souillent les océans et se retrouvent ensuite dans nos assiettes avec l’impact qu’on connaît sur notre santé.
Dans ce noir tableau, la bonne nouvelle, c’est qu’en tant que consommateur, chacun de nous a la possibilité d’enrayer la machine. D’abord en achetant selon ses besoins (et pas plus), ensuite en prolongeant autant que faire se peut la durée de vie de ses vêtements (en les transformant quand ils sont délavés, usés, tâchés ou troués et en les faisant circuler au sein de sa communauté quand ils sont encore portables), enfin en achetant bio et équitable.
L’autre bonne nouvelle, c’est qu’au niveau législatif, les choses commencent à bouger aussi. La France a fait un premier pas en publiant, en mars 2017, une loi qui impose un « devoir de vigilance » aux sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre, les obligeant à vérifier que toutes les filiales, sous-traitants et fournisseurs respectent « les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ». Ne sont concernées pour l’instant que les entreprises de plus de 5.000 employés en France ou 10.000 salariés si le siège social est à l’étranger, mais c’est déjà un premier pas...
Mélanie Trélat
Photo d’illustration Unsplash
Schéma cycle de la filière textile (Fairtrade)