Un monde réel plus durable grâce aux jumeaux virtuels ?
Aujourd’hui, les jumeaux virtuels ou numériques sont partout. De l’industrie à la santé en passant par l’architecture, les transports et la communication, ces doubles digitaux basés sur l’intelligence artificielle, les objets connectés et les big data sont de plus en plus utilisés pour simuler et prévoir les événements à l’échelle d’une ville, d’une région, voire d’un pays.
Grâce à ces copies virtuelles, le champ des possibles va s’élargir, notamment pour tout ce qui concerne les économies d’énergies, l’optimisation des réseaux et le développement durable.
Qu’entend-on précisément par jumeau numérique (digital twin) et à quoi sert-il ? Utilisée pour la première fois par l’Agence spatiale américaine NASA pour simuler les conditions à bord de la mission Apollo 13, la technologie du jumeau numérique consiste en une réplique virtuelle d’un produit, d’une industrie ou d’un écosystème. Elle en reproduit les constituants et le fonctionnement à l’aide d’un ensemble de modèles numériques et permet ensuite de simuler son comportement et son évolution en interaction avec son environnement et tout au long de son cycle de vie.
Cette mise en miroir peut tout aussi bien concerner des pièces que des appareils, des machines industrielles, des lignes de production, des bâtiments, des infrastructures urbaines et énergétiques, des organes humains, des organisations sociales et même notre planète. Pour faire le pont entre le monde virtuel et le monde réel, cette technologie s’appuie sur la collecte continue d’une combinaison de données, via notamment les capteurs et les objets connectés.
Des applications multiples
Grâce à leur capacité à simuler différents scénarios, les jumeaux numériques offrent de nombreuses possibilités d’application, principalement dans la gestion de l’énergie et le développement durable. Ils facilitent notamment le prototypage d’innovations moins énergivores et plus respectueuses de l’environnement. Il n’est plus nécessaire de créer un prototype et de le tester ensuite pour y apporter des améliorations. Tout peut se faire dorénavant de manière entièrement numérique. Ainsi, 85% des véhicules électriques produits dans le monde, 75% des infrastructures éoliennes et des projets révolutionnaires comme le premier avion solaire et les nouveaux biomatériaux sont développés grâce aux univers virtuels.
Et ce n’est là que la partie la plus visible de l’iceberg ! Une étude menée par Dassault Systèmes et Accenture en 2021[1] a démontré que 7,5 gigatonnes d’émissions de CO2 pourraient être évitées en seulement cinq cas d’usage.
- La construction et les villes : l’utilisation de jumeaux numériques permettrait de réduire de 30 à 80% la consommation d’énergie dans les immeubles.
- Les produits de grande consommation de la distribution : les outils de modélisation et de simulation pourraient concevoir des biens et des emballages plus durables et recyclables.
- Les transports et la mobilité : des applications métiers collaboratives pourraient diminuer les temps de développement, réduire en permanence le poids des véhicules et leurs émissions et augmenter leur taux de recyclabilité.
- Santé : les jumeaux virtuels pourraient optimiser la chaîne d’approvisionnement dans l’industrie pharmaceutique, diminuer le besoin d’énergie des procédés de production et augmenter la qualité des médicaments.
- L’électronique grand public : les jumeaux numériques pourraient aider les industriels à intégrer les principes de l’économie circulaire à chaque étape de la conception de leurs produits.
Les jumeaux numériques peuvent également aider à mieux gérer les réseaux de transport d’électricité. C’est notamment le cas pour RTE, le gestionnaire du réseau électrique français. Grâce à cette technologie, RTE peut tester l’impact de ses politiques de maintenance et d’investissement en tenant compte des contraintes techniques, financières et de ressources humaines, évaluer les évolutions possibles du réseau et optimiser sa robustesse face aux changements et aux effets de l’environnement (météo, corrosivité …).
Et au Luxembourg ?
À l’image de ce qui se fait à Singapour avec son projet « Virtual Singapore », un outil collaboratif de modélisation dynamique en trois dimensions de la cité-État, le Luxembourg ambitionne de créer à l’avenir un jumeau digital à l’image du pays. Cette copie numérique, formée à partir de la collecte à l’échelle nationale de toutes les données disponibles qui font du sens, permettra de comprendre un certain nombre de problématiques, principalement liées à l’énergie, la mobilité et l’urbanisme, de tester des solutions puis de les appliquer dans la réalité.
Un premier pas vers la création de ce jumeau digital devrait avoir lieu d’ici 2026 avec la mise sur pied d’une plateforme nationale des données énergétiques. L’objectif de cette plateforme, dont l’installation a été confiée à Creos en tant que TSO (Transmission System Operator), est de collecter toutes les données de consommation et de production de gaz et d’électricité du pays. Pour ce faire, elle s’appuiera sur le système central commun relatif au comptage intelligent (les smart meters) et les systèmes de comptage propres aux industriels et aux grands groupes.
[1] The critical role of virtual twins in accelerating sustainability