Outre le secteur des transports qui représente presque la moitié de la consommation d’énergie et environ 65% des émissions de gaz à effet de serre, la construction est également un gros consommateur d’énergie et devra donc être partie prenante dans cette transformation, comme nous l’explique Gilles Christnach, Managing Director du bureau d’Ingénieurs-Conseils Betic.
Quelles seront selon vous les actions stratégiques qui permettront au monde de la construction d’être un secteur clé pour l’atteinte de ces objectifs ?
À notre niveau, nous travaillons sur plusieurs axes depuis de nombreuses années, qu’il s’agisse d’efficacité énergétique des bâtiments, de déploiement de l’électromobilité ou de promotion des énergies renouvelables, et nous avons déjà atteint une connaissance technique pointue dans ces domaines. C’est pourquoi nous nous concentrons aujourd’hui sur de nouvelles pistes, davantage tournées sur la R&D, comme la préfabrication ou la construction 3D, qui offrent de nouvelles perspectives pour tout le secteur.
Maîtrise des techniques concernant l’efficacité énergétique, l’électromobilité ou encore les énergies renouvelables… Un sujet clos à vos yeux ?
Sujet clos, non. Nous avons atteint une architecture et une technique fantastiques en matière d’efficacité énergétique. Les mesures pour rendre les bâtiments plus efficaces sur le plan énergétique sont bien maîtrisées, en neuf comme en rénovation. Il s’agit maintenant de les appliquer sur tous les projets de rénovation. Avec encore de nombreux bâtiments existants à rénover, il y une vraie carte à jouer pour diminuer notre consommation énergétique de façon significative.
Depuis toujours, notre bureau réalise des transformations de bâtiments de plusieurs décennies, comme la Maison d’Enfants de l’État à Schifflange par exemple, transformée en bâtiment à énergie positive et réalisée avec Niklas Architectes et Mycon pour l’Administration des bâtiments publics.
Et côté électromobilité, on est opérationnel ?
Côté technique, oui. Les outils sont disponibles pour accompagner la planification des bornes de recharge électrique et encourager l’autoconsommation d’énergie produite à partir de sources renouvelables. Myenergy a d’ailleurs lancé un guide pratico-pratique, auquel notre bureau a collaboré, pour accompagner les professionnels sur ces sujets. Maintenant, il faut développer ces bornes sur tout le territoire pour que cela marche et nous comptons donc sur les exploitants des réseaux pour impulser leur déploiement dans une véritable dynamique !
C’est le même procédé pour toute nouveauté. Il faut une idée, des personnes courageuses pour la lancer et des gens osant en prendre possession. Regardez le début du photovoltaïque où les installations étaient très onéreuses et dont le bilan en CO2 était négatif… Désormais, la technologie est abordable, son bilan carbone est bon, son recyclage optimisé et c’est une évidence pour tous qu’il faut la déployer.
Les énergies renouvelables sont-elles bien ancrées dans les mœurs ?
Il y aura toujours des détracteurs avec des arguments subjectifs : les éoliennes sont bruyantes, peu esthétiques, les hydroliennes perturbent les courants marins, la géothermie a un impact sur l’activité sismique… Mais il faut essayer une technologie pour pouvoir l’améliorer et pour que, à terme, elle n’ait plus d’impact négatif. En tant qu’Ingénieur-Conseil, notre rôle de concepteur indépendant est bien là et il faut l’assumer pleinement, avec cette obligation de résultat qui en découle.
Le Lycée pour Professions de Santé d’Ettelbrück réalisé avec le bureau Fabeck Architectes et Daedalus Engineering pour l’Administration des bâtiments publics est un exemple en la matière. Il a su se démarquer face à des bâtiments internationaux prestigieux en remportant de nombreux prix : Grand Prix Construction durable pour les Green Solutions Awards 2019, Prix solaire luxembourgeois 2019, Prix solaire européen 2019, Holzbaupreis Eifel 2020 et tout récemment Architekturpreis Gebäudeintegrierte Solartechnik 2020. Sa toiture de 1550 m2 est entièrement couverte de panneaux solaires pour une production de 211.500kWh/an et des collecteurs solaires verticaux en façade chauffent son réservoir saisonnier, le plus grand du genre installé au Luxembourg… Ce projet est une véritable vitrine du savoir-faire luxembourgeois et de la maîtrise du sujet.
Toujours pour les bâtiments publics, nous travaillons au déploiement sur le site du Laboratoire National de Santé de 24 trackers intelligents qui comprendront 600 panneaux solaires pour une puissance de production installée de 201 kW crête. Ces trackers, sorte d’arbres technologiques munis de panneaux photovoltaïques qui suivent la course du soleil, permettront d’optimiser la production en énergie renouvelable par le positionnement contrôlé des panneaux par rapport à l’azimut et l’intensité lumineuse.
Les possibilités sont donc immenses et comme nous aimons à le dire en plaisantant, chez nous tout le monde doit se plaire à être réaliste en envisageant l’impossible !
Vous avez évoqué de nouvelles pistes, préfabrication ou 3D : le sujet avance ?
Nous travaillons par exemple avec LEKO Labs sur une dizaine de logements nouvelle génération, ici à Luxembourg. LEKO Labs a développé un moyen hautement automatisé de préfabrication qui révolutionne la manière d’appréhender la construction bas carbone. Grâce à un logiciel, ils traduisent en quelques minutes les plans d’un architecte en une « Superstructure LEKO ». Chaque mur du modèle numérique est représenté par un package de données qui est alors transmis à une chaîne de production automatisée, au cœur de laquelle les pièces seront façonnées puis assemblées par des robots pour constituer les murs. Il ne reste plus qu’à les assembler sur chantier. Maisons plus écologiques, recyclables, bilan carbone positif, réalisées dans des délais très réduits, cette innovation ouvre clairement les champs du possible. Et par notre métier, nous ne pouvons qu’appuyer ce type d’initiative.
C’est pourquoi, nous travaillons avec LEKO Labs pour que les techniques spéciales soient également intégrées dans le processus. Percements, passages, encombrements, seront à terme automatiquement calculés sur base de nos plans techniques, pour être intégrés dans la fabrication. Cette approche nous ouvre de nouvelles voies pour agir encore plus positivement sur l’environnement : micro-usines couvrant le territoire voire micro-usines mobiles directement sur le chantier pour limiter le transport des matériaux… Il est certain que cette technologie a un bel avenir devant elle.
Mais cette digitalisation croissante du secteur de la construction soulève aussi des inquiétudes quant aux emplois…
Oui, mais ça a toujours été le cas. Et pourtant, en restant agile, en s’adaptant, les emplois ne sont pas amenés à disparaître mais à évoluer. Il y a dix ans, l’informatique ne quittait pas le bureau des ingénieurs et peu de baraquements de chantier étaient équipés de connexion wifi. Aujourd’hui, de plus en plus d’outils digitaux sont sur chantier et cela permet aux professionnels de pouvoir se concentrer sur d’autres vecteurs de qualité et de durabilité notamment. J’y vois une évolution positive à condition évidemment de ne pas perdre nos atouts techniques, notre bon sens et notre flair. Nous aurons toujours une plus-value dans nos métiers même si ceux-ci évoluent.
Une contribution de BETIC Ingénieurs-Conseils, partenaire Infogreen
Légende photos :
Photo principale : Gilles Christnach, Managing Director du bureau d’Ingénieurs-Conseils Betic - Photo Marie De Decker
Photos Ettelbrück Marie De Decker : Réservoir saisonnier du lycée pour Professions de Santé d’Ettelbrück - Ettelbrück solaire : Collecteurs solaires verticaux en façade du lycée pour Professions de Santé d’Ettelbrück.
Photo maison d’enfants de l’État à Schifflange : Eike Dubois