Entretien avec Gilles Reding, directeur conseils et services sur la manière dont s’organise et fonctionne la machine à apprendre, sur ses labels et sur son récent instrument de rénovation énergétique, le Heat Pump Ready Check.
Quels sont les objectifs des formations de la décarbonation ? Que vous apportent-elles ? Pourquoi les enseignements de la Chambres des Métiers permettent aux professionnels de se démarquer et d’inspirer plus de confiance à la clientèle ?
Vous allez être surpris par le prix, les avantages et les bénéfices de nombreuses formations de la Chambre des Métiers Luxembourg. Compétitivité vertueuse à la clé.
« Nohalteg an d’Zukunft + » – construire durablement pour l’avenir
« Le programme affiche 10 ans d’expérience. Il se nommait au préalable Energie fir d’Zukunft+ » rappelle Gilles Reding. « L’année dernière les équipes de la Chambre des Métiers ont entrepris une réforme de ce programme et l’ont rebaptisé à cette occasion : Nohalteg an d’Zukunft + (un avenir durable). »
Cette refonte fait suite aux cadres légaux évolutifs et aux diverses stratégies de rénovation et d’utilisation de matériaux plus durables. La CDM Formation a élaboré un cycle de formations en collaboration avec L’Energieagence pour y répondre et a délivré le label Nohalteg an d’Zukunft+.
Quel est le public cible des formations « Nohalteg an d’Zukunft + » ?
Les entreprises de la construction et tous les artisans concernés par la décarbonation du secteur du bâtiment.
À quoi sert le label « Nohalteg an d’Zukunft + » ?
Le label est un véritable outil de confiance client et donc de compétitivité. Il apporte :
- Un gage de qualité pour le client ;
- Un gage de compétence vis-à-vis des architectes et des ingénieurs ;
- Une opportunité pour développer de nouveaux domaines d’activité ;
- La possibilité d’utiliser le label à des fins publicitaires ;
- La Chambre des métiers fait elle-même de la publicité pour les entreprises détentrices.
Comment obtenir le label « Nohalteg an d’Zukunft + » ?
Les artisans obtiennent la certification en participant à l’un des cours « Artisan maison passive » ou « Artisan rénovation énergétique » et en réussissant l’examen final.
Les artisans peuvent demander les aides à la rénovation énergétique au Luxembourg pour leurs clients
La formation « Artisan rénovation énergétique » prépare aussi pour l’examen « Klima-Agence certified Artisan » de la Klima-Agence. Cet examen est primordial pour une entreprise artisanale puisqu’il permet au professionnel certifié de faire la demande de subsides Klimabonus en lieu et place de ses clients.
Autrefois, il fallait toujours passer par l’intermédiaire d’un conseiller en énergie. Mais, désormais, pour des mesures isolées de rénovation énergétique – fenêtres, façade, isolation des combles, isolation du grenier (isolation thermique par l’extérieur, ITE ou isolation thermique pour l’intérieur, ITI) – un artisan certifié peut soumettre une demande aux instances publiques
Les formations spécifiques du « Nohalteg an d’Zukunft + »
Des formations supplémentaires complètent le programme, plus courtes, sans examen. Elles forment les artisans aux nouvelles technologies et innovations.
- Gestion technologie SMART des systèmes d’énergie dans le bâtiment
- Les matériaux sains pour l’aménagement intérieur
- Les matériaux durables dans la construction de l’enveloppe du bâtiment
Gilles Reding cible le but de ces formations spécifiques comme de tout le programme : « faire sortir la construction luxembourgeoise des énergies fossiles et des matériaux d’isolation tels le polystyrène ou le polyuréthane et orienter les artisans sur des matériaux à base durable. »
Dans le même ordre d’idée et pour promouvoir les méthodes de l’économie circulaire, un cycle de 8 heures sur la déconstruction sélective est disponible.
« Les sujets de l’économie circulaire avancent et la déconstruction sélective doit gagner en importance dans les années à venir », estime Gilles Reding.
Quand on le questionne sur la manière dont la Chambre des Métiers planifie et choisit ses formations, il fait appel au pragmatisme : « nous avons une veille réglementaire sur ce qui est annoncé, soit au niveau national, soit au niveau européen. Ensuite, nous cherchons des partenaires pour développer des formations adaptées aux nouvelles lois. »
La plupart du temps, les formations servent à se conformer à la réglementation. Elles sont indispensables pour tracer son sillon dans la concurrence grand-ducale.
Mais le directeur Conseils et Services précise que « la formation continue de la CDM, axée sur la théorie, est complémentaire des centres de compétences et de l’IFSB (Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment à Bettembourg) qui se chargent d’un aspect plus pratique ». Il ajoute que ces organismes « travaillent sur de nombreuses formations communes ».
Nous l’interrogeons sur la manière dont sont sélectionnés les formateurs. Réponse : « dans le cas précis du Nohalteg an d’Zukunft +, les formateurs sont désignés par l’Energieagence avec laquelle nous collaborons depuis 10 ans. Pour nous c’est la qualité qui prime. Ensuite, nous tenons compte des différents retours des participants. Notre expérience vaut pour critère ».
Les formations et outils du SCRB – Service de contrôle et de réception des bâtiments
Le rôle du SCRB de la Chambre des Métiers
Le SCRB (service de contrôle et de réception du bâtiment) est actif depuis plus de 40 ans. Il a déjà formé et contrôlé plus de 10.000 professionnels, essentiellement des chauffagistes. « Nous travaillons avec près de 400 installateurs de chauffage sanitaire au Grand-Duché de Luxembourg », détaille Gilles Reding.
Sa mission est de faire des réceptions obligatoires de chauffage, spécialement dans les logements résidentiels et permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) opérationnelles des bâtiments.
Si vous avez une maison au Luxembourg et que vous voulez changer votre chaudière à gaz, le SCRB procède à l’inspection de l’installation et s’assure que tout a été réalisé dans les règles de l’art.
Dans le même temps, le SCRB assure la formation continue de tous les chauffagistes intervenants sur les contrôles. La réglementation exige que les chauffages à mazout, à gaz ou à bois soient soumis à un contrôle périodique. Nous avons été mandatés par le ministère de l’Environnement et de l’Énergie pour délivrer ces formations.
Quels sont les objectifs du SCRB ?
Gilles Reding expose les chiffres du SCRB. Constat criant sur le travail qu’il reste à accomplir.
« Dans le parc immobilier existant, 83,2% des bâtiments sont chauffés via des chauffages à énergie fossile. Seulement 11,9% des chauffages sont issus de l’électricité, ce qui veut dire par des pompes à chaleur (PAC) en grande majorité. »
« Or les tendances politiques et les législations tendent vers une décarbonation de la construction et vers une rénovation énergétique du bâti existant.
Il faudra inverser cette échelle de valeur et massivement remplacer les énergies fossiles par des PAC. »
Qui peut participer aux formations du SCRB ?
Tout le monde peut y participer, de l’artisan à la PME ou la grande entreprise. Elle est également ouverte aux planificateurs, aux bureaux d’étude. Des ingénieurs participent régulièrement à ces formations.
Heat Pump Ready Check – Contrôle et paramétrage de la pompe à chaleur, évaluation de la capacité de chauffage
Pour se donner les moyens de ses ambitions, le SCRB a élaboré un guide des pompes à chaleur, assorti d’un cycle de courtes formations pour les installateurs et d’un outil, le Heat Pump Ready Check.
Le guide de planification PAC est à consulter sur le site web de la Klima-Agence et de la CDM Luxembourg. Il est gratuit, disponible en version allemande et version française.
C’est une soixantaine de pages élaborée en partenariat avec la Klima-Agence et le ministère de l’Énergie. « Il permet aux artisans de bien planifier pour effectuer le remplacement d’un système de chauffage, avec l’accent fort sur les bâtiments existants. Car c’est beaucoup plus critique qu’une construction neuve », note Gilles Reding.
Il poursuit : « nous avons développé le Heat Pump Ready Check. C’est un outil de formation informatique pour évaluer la capacité de chauffage des bâtiments avec des pompes à chaleur. Ce n’est pas un outil de planification mais c’est une orientation pour l’installateur au Luxembourg, pour qu’il prenne les bonnes décisions quand un particulier vient lui demander de changer sa chaudière. C’est un partenariat avec l’Institut fur Gebaüde-Energieforschung et le docteur Markus Lichtmeß, un grand spécialiste du domaine. »
Pourquoi avoir créé l’outil Heat Pump Ready Check ?
D’abord, pour en finir avec certains préjugés encore trop tenaces :
- Une pompe à chaleur fonctionne uniquement avec un chauffage au sol. C’est faux.
- Les PAC ne fonctionnent pas dans les bâtiments anciens. C’est faux.
- La construction ancienne doit d’abord être complètement isolée. Seulement dans certains cas, et le plus souvent ce n’est pas nécessaire.
- Actuellement, le chauffage gaz ou le chauffage mazout affiche une température de départ de 70 degrés. Cela ne fonctionnerait pas avec une PAC. C’est faux.
« Nous voulons mettre en évidence les véritables facteurs déterminants », tel est le souhait de Gilles Reding et de ses équipes.
Quels sont les véritables critères à prendre en compte avant l’installation d’une pompe à chaleur ?
- La température de départ nécessaire
- La réserve de puissance des radiateurs présents dans le logement
- L’identification de la pièce critique du bâtiment
- L’identification des mesures à prendre. Par exemple, il suffit souvent de seulement remplacer les radiateurs qui ne sont pas assez puissants.
- L’évaluation de l’hydraulique pour faire un équilibrage hydraulique. C’est très important pour les PAC, pour fournir la bonne quantité d’eau à la bonne température au bon endroit.
Le « Heat Pump Ready Check » donne alors les réponses aux questions posées
- Quelle est la charge thermique du bâtiment et de chacune de ses pièces ?
- Est-ce que les radiateurs existants suffisent ?
- Est-il nécessaire de remplacer certains radiateurs ?
- Et si oui, à quel endroit précis de la maison ?
Les 3 cycles de formations PAC du SCRB
- Planification du chauffage par PAC dans le secteur résidentiel. Le dimensionnement de l’installation.
- Explication du Heat Pump Ready Check, avec calcul de charge du chauffage et de l’équilibrage hydraulique. « Sans cette formation, nous ne mettons pas à disposition le Heat Pump Ready Check. Il est important que les installateurs comprennent exactement comme l’utiliser. »
- Maintenance d’une pompe à chaleur. Simulation des pannes et entraînement des installateurs à les dépanner.
Quel est le prix des formations PAC du SCRB ?
La réponse de Gilles Reding a de quoi étonner : « tout le cycle est subventionné par l’Union européenne, par le ministère de l’Environnement et le ministère du Travail. Il est non seulement gratuit mais nous accordons également une prime de compétence climatique de 135 euros par participant.
Si un patron envoie les gens en formation, il reçoit une indemnité de 135 euros par personne. C’était une revendication de longue date de la Chambre des Métiers. Pour motiver, inciter.
C’est important non seulement pour les enjeux de rénovation énergétique et de décarbonation et pour les enjeux politiques. Si on veut vraiment atteindre les objectifs du PNEC. »
La formation conseiller en économie circulaire et bas carbone
Le directeur Conseils & Services tient à mentionner une formation du catalogue créée par l’IFSB : la formation conseiller en économie circulaire et bas carbone. « Nous essayons de trouver des synergies pour la réalisation des bilans carbone. Cela devient de plus en plus important avec la nouvelle réglementation du développement durable.
La reporting directive (CSRD directive - Corporate Sustainability Reporting Directive) aura aussi un impact sur les petites entreprises parce que les grandes entreprises leur demanderont des comptes. Si une entreprise veut un crédit avantageux, il faudra qu’elle puisse démontrer qu’elle mène des actions au niveau du développement durable. »
L’offre actuelle de formations est-elle suffisamment adaptée pour répondre à ces futurs défis ? Gilles Reding projette une vision globale : « pour ce qui est de notre offre aux entreprises, pour les préparer à la transition carbone, je pense que la CDM est très bien située.
Maintenant, pour toutes les formations à destination de l’artisanat luxembourgeois, pour réduire les émissions CO2 de son activité, nous devons encore étoffer l’offre.
Nous élaborons des workshops que nous allons traduire en formations, car il y aura des besoins sur la mobilité électrique, sur l’efficacité énergétique ou sur les énergies renouvelables. Il y a beaucoup de questions concernant les subsides auxquelles nous devons répondre. C’est un peu la jungle dans ce domaine. »
Pour conclure, une dernière question : la pratique de la formation continue est-elle suffisamment développée au sein des entreprises luxembourgeoises ?
« Cela dépend de la taille de l’entreprise. Les grandes entreprises ont plus de capacité pour libérer leurs collaborateurs, au contraire du tissu artisanal dont la moyenne est de 13 salariés par entreprise. C’est à nous de tailler la formation de manière à ce que ces entreprises puissent libérer leur personnel. C’est aussi pour cette raison que nous proposons des formations de courte durée.
L’autre piste, ce serait d’aller former directement sur site, sur chantier ou en entreprise. Nous pourrions l’envisager par la suite, mais il nous faut des ressources en interne.
Nous travaillons aussi avec le Klimapakt fir Betriber et avons notamment participé à leurs roadshows. Le nouveau gouvernement doit vraiment développer ce Klimapakt fir Betriber et donner plus de moyens afin de renforcer l’offre aux petites entreprises. » L’appel est lancé.
Par Sébastien MICHEL
Photo d’illustration : Gilles Reding, directeur conseils et services, Chambre des Métiers Luxembourg - Fanny Krackenberger