Construction durable au Luxembourg : une réponse essentielle à la crise
Face à la crise, la construction durable se présente comme une réponse incontournable. Au Luxembourg, où les prix de l’immobilier restent élevés malgré une baisse récente, la pression est forte pour privilégier des solutions rapides et moins coûteuses. Sébastien Jungen, directeur général de Bamolux, nous apporte sa vision éclairée.
Dans le contexte actuel de crise, la construction durable semble être une réponse évidente. Toutefois, est-ce réellement au cœur des préoccupations du secteur, en particulier au Luxembourg ? La réalité du marché immobilier luxembourgeois est spécifique, marquée par une demande faible et des prix élevés. Cette situation pousse bon nombre de promoteurs et constructeurs à choisir la rapidité et les coûts réduits au détriment de solutions durables ; un choix compréhensible compte tenu des contraintes économiques actuelles.
Les acheteurs, quant à eux, se concentrent avant tout sur le prix, influencés par la pression des taux d’intérêts. Dans ce contexte, vendeurs et acheteurs partagent un même objectif : réduire le coût immédiat de la transaction. La question de la durabilité, pourtant essentielle, est souvent reléguée au second plan.
Une transition inévitable
Malgré ce contexte difficile, il est clair que la transition vers des pratiques de construction plus respectueuses de l’environnement est désormais indispensable. Néanmoins, cette transition se heurte à plusieurs obstacles.
Le premier est d’ordre économique. Les matériaux et technologies durables ont un coût initial plus élevé. Bien que ces investissements puissent générer des économies substantielles à long terme, ils nécessitent un financement de départ souvent difficile à justifier, surtout dans un marché tendu. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur de la construction complique également l’adoption de nouvelles pratiques. La formation des équipes prend du temps et mobilise des ressources supplémentaires, que les entreprises ne sont pas toujours prêtes à allouer.
Ensuite, les aspects réglementaires freinent encore l’innovation. Les normes actuelles et les prescriptions techniques imposées dans les appels d’offres découragent les initiatives en faveur de la durabilité. Quant aux artisans, ils peinent à se positionner sur ce marché lorsque la demande en construction durable reste marginale. Sans demande forte de la part des clients, il est difficile pour eux de sortir des standards habituels.
Le coût de la durabilité
L’écart de coût entre une construction conventionnelle et une construction durable peut varier considérablement, selon les matériaux et les techniques employés. Les estimations placent souvent ce surcoût entre 5 % et 15 %.
Par exemple, les matériaux écologiques tels que le bois certifié, l’isolation naturelle ou les peintures sans COV peuvent majorer le coût global de 5 à 10 %. Les certifications environnementales comme BREEAM ajoutent un surcoût de 2 à 3 %, tandis que l’intégration de technologies durables – panneaux solaires, systèmes de récupération d’eau, etc. – peut augmenter les dépenses de 2 à 3 % supplémentaires.
Malgré le fait que ce ces coûts initiaux soient plus élevés, les avantages à long terme sont indéniables. Les bâtiments durables offrent une meilleure efficacité énergétique, des coûts de maintenance réduits et une valorisation accrue des actifs immobiliers. Ces économies compensent souvent les surcoûts initiaux dans les années qui suivent. Toutefois, cela n’élimine pas la nécessité d’un financement plus important au départ, ce qui constitue un frein pour bon nombre de promoteurs et d’acheteurs.
Un rôle crucial pour les entreprises
Face à ces défis, les entreprises du secteur de la construction ont un rôle crucial à jouer. Adopter la construction durable dès maintenant, c’est préparer l’avenir. Cela permet non seulement de se différencier dans un marché concurrentiel, mais aussi d’anticiper les réglementations environnementales de plus en plus strictes qui se profilent.
Les aides et subventions disponibles pour les projets durables, ainsi que les incitations fiscales, sont autant d’opportunités à saisir pour alléger les coûts et attirer de nouveaux financements. Toutefois, il est nécessaire de lever certains freins pour maximiser ces opportunités. Cela passe par la formation des équipes, l’adaptation des prescriptions réglementaires et, surtout, la sensibilisation des acheteurs à l’importance de la durabilité.
Il est essentiel que toutes les parties prenantes – clients, législateurs, entreprises, fabricants, installateurs, bureaux d’architectes et d’ingénieurs – collaborent pour transformer cette contrainte en opportunité. La construction durable ne doit pas être perçue comme un simple coût supplémentaire, mais comme un investissement dans l’avenir, tant sur le plan environnemental qu’économique.
Pour moi, la construction durable n’est pas une tendance passagère, mais une nécessité. Les entreprises qui s’engagent dans cette voie aujourd’hui seront les leaders de demain. En adoptant des pratiques éco-responsable elles garantissent non seulement leur compétitivité, mais aussi leur pérennité.
Il est temps de reconnaître que pour une entreprise, devenir durable, c’est s’assurer de rester durable à long terme.
Carte blanche de Sébastien Jungen, directeur général de Bamolux
Article tiré du dossier du mois « Fondations solides »