Hollerich reconverti en éco-quartier
Avec Hollerich Village, premier éco-quartier luxembourgeois et l’un des huit quartiers estampillés One Planet Communities au monde, Schuler espère diviser par deux l’empreinte écologique du résident lambda tout en renforçant l’économie du pays.
« Nous préférons être acteurs aujourd’hui, que spectateurs demain des changements qui se profilent », les jalons sont posés par Xavier Delposen, managing director du groupe Schuler, qui est le détenteur du terrain de quatre hectares sur lequel se déploiera le quartier Hollerich Village. Ce dernier est le fruit d’une réflexion menée depuis quelques années par Schuler, qui a amené le promoteur à se spécialiser au fil du temps dans le développement de projets immobiliers à vocation durable, avec des étendards comme les ensembles Horizon à Strassen, premier bâtiment quasiment autonome en énergie au Luxembourg, et Solarwind à Windhof.
Pour imaginer Hollerich Village, Schuler est allé puiser l’inspiration du côté du quartier Vauban à Fribourg en Allemagne, d’EVA Lanxmeer à Cumlemborg aux Pays-Bas, mais également de BedZED et One Brighton au Royaume-Uni. Le parti pris de développer un quartier qui préfigure les lieux de vie du futur, en ce sens qu’il offre une qualité de vie élevée et un impact environnemental réduit, tout en renforçant l’économie luxembourgeoise et la compétitivité des entreprises du cru a déjà séduit plusieurs partenaires, qui ont su y voir une opportunité d’acquérir de nouvelles connaissances empiriques en matière de construction verte et de développement durable, et ont été inclus très tôt dans l’élaboration du plan d’action. Il s’agit notamment du bureau d’architectes Polaris, des ingénieurs-conseil Goblet Lavandier & associés, du centre de recherche public Henri Tudor, de la fondation natur&ëmwelt et de l’ONG anglaise BioRegional, qui est à l’origine du label One Planet Communities et dont le co-fondateur, Pooran Desai, a exposé les intentions. Le concept a donc d’ores et déjà été débattu avec ces partenaires économiques, et présenté aux acteurs politiques et administratifs sans qui la réussite du projet, qui s’inscrit dans le plan directeur ‘Porte de Hollerich’ supervisé par la Ville de Luxembourg, ne sera pas assurée, ainsi que le rappelle Xavier Delposen lors de son intervention. Il ajoute que, s’il ne bénéficie pas encore officiellement de l’aval des autorités publiques, le projet a déjà suscité des réactions positives de leur part. Seront également impliqués les futurs riverains et autres personnes de la société civile intéressées, car « il est indispensable, pour que la vision d’éco-quartier devienne une réalité, de générer des énergies autour du projet et de susciter l’enthousiasme des participants en les intégrant suffisamment tôt », indique Xavier Delposen qui souligne ainsi l’importance accordée à la dimension sociale et culturelle, au même titre que les dimensions économique, stratégique et environnementale.
Après avoir rappelé quelques tendances structurantes pour notre avenir -comme le fait que nous ayons atteint le pic de pétrole et la fin de l’énergie bon marché- qui auront une incidence sur les formes de logement, les jeunes se déclarant d’ores et déjà à la recherche de modes de vie plus collaboratifs et flexibles, Jürgen Stoldt, directeur de Stoldt associés, a présenté les résultats d’une enquête menée auprès d’une vingtaine de personnalités d’horizons variés et visant à cerner leurs attentes par rapport à un éco-quartier. Il en ressort notamment que les villes devront être, à l’avenir, à la fois des lieux d’animation et de repos, qui respectent la notion de vie privée, sont pensées autour des enfants et des personnes vulnérables et proposent une mobilité écologique et flexible. En découlent quelques idées qui alimenteront le projet Hollerich Village, mais qui sont, bien sûr, encore sujettes à évoluer en fonction des besoins qui émergeront au fil des discussions avec les différentes parties prenantes : des chemins attractifs vers la Pétrusse et le centre ville, une minimisation des routes et de leur trafic, des transports en commun développés, ou encore une mixité générationnelle et culturelle de la population, pour n’en citer que quelques-unes. Jürgen Stoldt a également mis l’accent sur le manque d’ambition du Luxembourg par rapport à son voisin direct : en effet, si le Grand-Duché affiche son objectif d’atteindre 11% d’énergies renouvelables d’ici 2020 (dont 4% produites sur place), l’Allemagne, elle, vise les 100% d’ici 2050 ! Là encore, selon lui, « le succès dépend largement de la volonté des partenaires publics ».
François Thiry, architecte-urbaniste associé chez Polaris Architects, est ensuite revenu sur les dix principes essentiels déclinés dans le label One Planet Communities. En plus de considérer l’empreinte énergétique (zéro carbone) ou environnementale (zéro déchets) de façon plus ambitieuse que ses homologues DGNB, BREEAM et BBC Effinergie, ce label prend en compte la santé et le bien-être des habitants. Il a dévoilé quelques-unes des pistes de réflexion qui s’articulent autour de ces thématiques. Il est question, par exemple, de s’approvisionner en grande partie de matériaux locaux et de réutiliser un maximum de l’existant, de renaturer les deux ruisseaux traversant le site en laissant l’eau visible pour inciter les habitants à une utilisation parcimonieuse de cette ressource, de profiter des talus ferroviaires, du cimetière, des cités jardinières et des ruisseaux qui abritent de nombreux écosystèmes naturels et sont porteurs d’une grande biodiversité, de fixer des objectifs mesurés dans le temps en matière de gestion des déchets, avec éventuellement un système d’intéressement des habitants. On peut encore citer l’idée de créer des parkings provisoires en périphérie qui pourront être démontés au fur et à mesure que les transports en commun se développeront (Hollerich aura bientôt sa propre gare et sera desservi par le tram), ou encore celle d’instaurer un marché fermier hebdomadaire. Le soutien à l’économie luxembourgeoise, qui est un pilier essentiel de ce type de projet, passera, notamment, par la création d’un incubateur sur le site visant à favoriser l’éclosion d’entreprises ‘green’, par le développement d’une certaine forme de tourisme puisque ce projet, en tant que ‘premier du genre’, pourra être visité par des personnes du métier ou de la société civile intéressées, par des investissements dans les énergies renouvelables, sources d’emploi local, par le développement de solutions de mobilité ou la création de nouvelles opportunités d’affaires selon les avancées du projet. Enfin, le développement de ce quartier en soi permettra d’élever le niveau de compétences des entreprises luxembourgeoises en matière de développement durable.
En cas d’évolution favorable du plan directeur dont la dernière version devrait sortir dans les prochains mois, une modification du PAG serait possible et les premiers bâtiments pourraient voir le jour dès 2017-2018. Le quartier sera complètement opérationnel lors de l’arrivée du tram prévue pour 2030. Schuler souhaite dès à présent faire vivre ce terrain et commencer la transition. Dans un premier temps, un centre didactique et pédagogique, présentant le label One Planet Communities -ou ‘Maison de la transition’- sera monté dans un ancien hall de stockage. Du fait de son histoire économique, énergétique, environnementale et sociale riche, le quartier de Hollerich, qui a abrité tour à tour un moulin, une brasserie, une raffinerie de sel, une briqueterie, une fonderie de cloches et une usine à gaz, est l’endroit idéal pour la création d’un tel lieu. Des ruches seront installées sur place par une association à vocation écologique et des interventions artistiques programmées. Enfin, le site www.hollerichvillage.lu servira de plateforme d’information et d’échange afin que chacun puisse apporter sa contribution à l’évolution du projet.
Finalement, à quoi ressemblera ce nouveau quartier ? Les premiers dessins resteront encore quelque temps secrets, mais une chose est sûre, l’habitat de demain sera plus dense, pour répondre à une demande grandissante de logement et à des exigences énergétiques plus sévères. Ces éco-quartiers n’en conserveront pas moins une dimension humaine, avec cinq ou six étages à l’image des bâtiments du quartier gare tout proche ou une dizaine d’étages comme dans le quartier Vauban de Fribourg, si la végétation peut habiller en partie les façades, explique François Thiry.
Source photo : Marlene Soares pour LG Magazine