La prochaine révolution énergétique viendrait-elle du fond des mers ?
Tapies depuis 3,5 milliards d’années dans les océans, les lacs et les cours d’eau, les micro-algues pourraient bien représenter les carburants du futur.
Ces algues microscopiques invisibles à l’œil nu sont à la source de la chaîne alimentaire et à l’origine de notre atmosphère respirable grâce à la photosynthèse. Consommés au Mexique depuis le temps des Aztèques pour leur forte teneur en protéines, ces petits êtres unicellulaires ont vu leur culture se développer dans les années 40 pour faire face aux pénuries alimentaires pendant la guerre. Par la suite, en vertu de leurs innombrables bienfaits, les micro-algues sont devenues une filière en croissance exponentielle dans les marchés de l’alimentation, de la santé et de la cosmétique. Aujourd’hui, elles suscitent un intérêt croissant auprès d’un nouveau secteur industriel, celui de l’énergie.
Les micro-algues, biocarburants de troisième génération
Pour beaucoup et même si des voix discordantes commencent à se faire entendre, les micro-algues seraient en passe de devenir les biocarburants de troisième génération. Elles offrent des rendements supérieurs, nécessitent des surfaces de culture plus faibles et non fertiles, utilisent l’eau de mer et non de l’eau douce et peuvent accumuler entre 60 et 80% de leur poids en acides gras.
Une centaine de projets sont déjà élaborés aux États-Unis, en Australie, en Europe, en Chine et en Israël mais une commercialisation à grande échelle n’est pas envisageable avant 5 ans au moins. Les 200.000 à un million d’espèces existantes de micro-algues n’ont pas les mêmes propriétés et personne n’est encore parvenu jusqu’à présent à trier les variétés qui ont la croissance la plus rapide et la capacité de stocker le plus de lipides. Et puis subsiste un problème de taille : la méthode actuelle pour extraire l’huile stockée par ces plantes microscopiques est encore trop coûteuse en énergie.
D’autres pistes sont également développées. Outre le biodiesel, les micro-algues peuvent en effet fournir de l’énergie, entièrement renouvelable et stockable, sous de multiples formes : kérosène, méthane, alcools, etc.
Des biofaçades pour faire respirer la ville
Plus près de nous, en France, un bureau d’architectes, sur base de travaux de recherche, a trouvé une autre manière d’utiliser les micro-algues : les biofaçades. Le concept met en œuvre des photobioréacteurs, des systèmes de culture de micro-algues, composés d’un double vitrage rempli d’eau et de plancton. Ces aquariums plats et verticaux captent la lumière du soleil et permettent la reproduction des micro-algues à vive allure qui peuvent par la suite être récoltées via des travaux d’évacuation pour d’autres usages.
Ces murs vivants ont également une fonction bioclimatique. L’hiver, les biofaçades agissent comme une serre accumulant l’énergie solaire et créent un tampon thermique qui améliore l’isolation du bâtiment. Ouvertes l’été, elles ventilent et rafraîchissent la structure. D’après ses concepteurs, ce système permet une économie de 50% sur les besoins thermiques du bâtiment et de 80% sur ceux de l’algoculture par rapport à une culture en bassins.
Autre avantage et non des moindres : les algues consomment le dioxyde de carbone (CO2) – le principal gaz à effet de serre – et produisent de l’oxygène. Elles peuvent donc absorber le CO2 produit par le bâtiment et contribuer à dépolluer la ville.
Un dispositif industriel pilote a été mis en œuvre en 2016 au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment à Champs-sur-Marne et trois grands projets de biofaçades sont appelés à voir le jour dans les années à venir, le premier dans le 13e arrondissement de Paris et les deux autres à San Francisco (USA) et Hangzhou (Chine).
Des bâtiments verts dans tous les sens du terme ?
Un projet-pilote similaire mais à plus petite échelle a été lancé trois ans plus tôt par un bureau d’ingénierie et un cabinet d’architecture sur une maison de 4 étages à Hambourg en Allemagne. Retenues dans des panneaux de verre, les algues produisent de la biomasse qui est injectée dans le bâtiment et transformée en chaleur, stockée, puis utilisée pour le chauffage des locataires. Grâce à l’énergie produite par ces micro-plantes, ceux-ci économiseraient jusqu’à 1.000 euros par an.
Les bâtiments de demain seront-ils vraiment verts dans tous les sens du terme ? On peut le penser sans compter que le procédé est également de plus en plus utilisé dans le mobilier urbain. Une centaine de colonnes Morris (1) pourvues de micro-algues devraient être déployées dans un futur proche un peu partout dans Paris. À Genève, la rampe du pont Buttin a été complètement modifiée pour laisser la place à un photobioréacteur à base de micro-algues couplé à des panneaux solaires. Dans les deux cas, l’objectif est d’améliorer la qualité de l’air tout en offrant un nouveau levier énergétique par la transformation des algues en fin de vie en biogaz.
(1) Il s’agit d’un format de mobilier urbain généralement destiné à l’affiche publicitaire des événements culturels (concert, film, pièce de théâtre, etc.).