MEET&BUILD#1 : construction préfabriquée hors site
Meet&Build est une série d’events sectoriels, orientés construction, portés par l’IFSB et Picto Communication Partner. Au programme du 1er opus, le 4 mai : retours d’expériences et échanges sur le thème « Les implications de la construction préfabriquée hors site pour la conception architecturale et pour l’assemblage sur chantier ».
La vision de l’architecte
Le 1er orateur de cette conférence était Bogdan Banice, architecte et owning director chez BANICE ARCHITECTS. Sa présentation était intitulée « les enseignements de nos réalisations au Grand-Duché ».
« La construction est une entreprise industrielle qui continue à être exécutée de façon artisanale », a-t-il dit en préambule, faisant le parallèle avec l’industrie automobile et comparant un bâtiment construit de manière traditionnelle à une voiture qui serait livrée en pièces détachées.
Son bureau a plusieurs projets de construction hors site en cours : un lotissement, une crèche, des logements sociaux, ou encore des bureaux déplaçables. Créés dans le cadre d’un projet d’habitat participatif intergénérationnel à Kautenbach, la logique est de permettre aux concepteurs de travailler sur place avec les futurs acquéreurs le temps des travaux. Le bâtiment a donc été édifié sur des fondations provisoires, il a été conçu pour être déplacé plusieurs fois et recevoir différents types de finitions au cours de sa vie. L’opération de démontage, transport et réassemblage est prévue pour ne durer que 8 h et les interventions sur site pour se limiter à quelques finitions et raccordements.
Il a souligné le fait qu’en matière de préfabrication hors site, une bonne planification est essentielle : tout doit être soigneusement pensé et réfléchi dès le départ pour garantir une bonne exécution par un personnel qualifié et contrôlé, dans un environnement qui offre des conditions de travail plus confortables et sûres qu’un chantier. La gestion des déchets s’en trouve également améliorée : un haut degré de précision, c’est moins de gaspillage de matériaux, et l’aspect modulaire et démontable de ces bâtiments garantit une utilisation optimale de chaque élément qui le compose.
Il y a néanmoins encore des défis à relever, et ils sont de plusieurs ordres. Psychologique d’abord : le modulaire souffre encore, à tort, d’une image négative, il est souvent associé à une qualité moindre que celle de la construction traditionnelle, aux containers ou aux tiny houses. Ils sont aussi d’ordre administratif : Bogdan Banice pointe le flou juridique autour des autorisations qui ne facilite pas l’intégration de telles constructions. Enfin, le challenge est technique : il s’agit d’inclure l’urbanisme dans la conception car le transport des modules et le montage sur site peuvent générer des contraintes dans l’espace urbain, mais aussi d’adopter un esprit « design & build » en instaurant une véritable collaboration entre concepteurs, producteurs et techniciens. Pour finir, construction hors site va de pair avec digitalisation, et notamment avec la maîtrise d’outils comme le BIM.
La vision du constructeur
Ce sont ensuite Omar Maatar, directeur Innovation chez CLE, Alexandre Finetto, chef de projet chez CLE et Philippe Courtoy, Wood Specialist chez Wood Shapers/ CFE / LTS, qui sont intervenus sur le thème : « Repenser nos organisations », à travers les exemples de trois projets qui reflètent trois approches de la préfabrication.
Premier projet : l’ensemble Gravity à Differdange qui se compose d’une tour de 80 logements, d’un bâtiment administratif et d’un autre qui regroupe 125 chambres de coliving strictement identiques. Avec le recul, Omar Maatar regrette que les garde-corps de la tour n’aient pas pu être intégrés à la structure préfabriquée des balcons, ce qui aurait permis de renforcer la sécurité et de réaliser des économies sur la location de matériel notamment. Pour ce qui est du bâtiment de coliving, il a souligné que le fait d’avoir reçu de façon très tardive dans le processus certains éléments qui définissent l’esthétisme a pu avoir un impact négatif sur l’organisation, donc sur les délais. « Travailler dans l’anticipation permet d’avoir moins de surprises dans l’organisation, de gagner en qualité et en sécurité ».
Alexandre Finetto a ensuite présenté un projet de 36 maisons en bois sur socle béton à Esch-sur-Alzette, entièrement développé en interne avec LTS (pour Laminated Timber Solutions), l’usine de préfabrication du groupe CFE. La période COVID a été mise à profit pour remettre à plat le concept initialement imaginé par les auteurs et améliorer certains points : intégration des châssis de portes et et de fenêtres, création d’ouvertures supplémentaires dans les parois pour l’insufflation de l’isolant (ouate de cellulose), modification des panneaux intérieurs pour qu’ils puissent faire office de pare-vapeur, mais aussi optimisation logistique avec un calibrage plus précis des camions pour un stockage et un déchargement dans les meilleures conditions - ce sont 66 palettes par maison qui doivent être mobilisées et amenées à pied d’œuvre. « Je suis persuadé que l’on pourrait aller encore plus loin pour améliorer les conditions de mise en œuvre et de sécurité sur le chantier, ainsi que l’efficacité. »
Enfin, Philippe Courtoy a parlé de l’emblématique Wooden à Leudelange. CLE a été intégré au projet dès les 1res esquisses de ce projet dont l’objectif était d’aller le plus loin possible dans la préfabrication et l’optimisation de l’exécution. Le bâtiment a été construit en bois, avec un système de poteaux-poutres - où était déjà prévu le passage des techniques -, des colonnes, un plancher CLT de 6,75 m de portée et des voiles béton pleins préfabriqués. Les façades ont été réalisées avec des fermes treillis de 16,5 m de long préfabriquées. Le tout s’articule autour d’un noyau en béton monté en parallèle pour gagner du temps. Le modèle a été validé par un mock-up de la structure à l’échelle 1 qui reprend l’enveloppe complète et le passage des techniques. Tous les usinages sont extraits de la maquette BIM et envoyés directement en production. « Si l’entreprise de construction est impliquée très tôt dans le projet, on constate que le résultat sur site se rapproche très fortement de la maquette de l’architecte et du mock-up en usine. Il n’y a pas d’approximation sur chantier. La préfabrication impose ce mode de collaboration ». Entre sa conception et sa livraison, ce projet n’aura pris que 2,5 ans pour une surface hors-sol de 9 500 m2 sur 3 niveaux.
Les présentations ont été suivies d’une session d’échanges et de débats, animée par Guillaume Karmann, Project Manager à l’IFSB, puis d’un cocktail qui a permis aux participants de networker.
Cinq autres événements Meet&Build sont programmés cette année. Le prochain sera placé sous la thématique de l’eau et aura lieu le 6 juin, toujours à Bettembourg. Ne le manquez pas !
Mélanie Trélat