Plus qu’une crèche, un projet pilote
La commune de Betzdorf va construire une nouvelle crèche à Roodt-sur-Syre. Le projet, exemplaire, accompagné par le ministère, rencontre économie circulaire, ressources locales, construction saine et durable… Rencontre avec des partenaires enthousiastes, maître d’ouvrage, architecte et ingénieur.
Tout commence par un besoin local : « Il y a 3 ans, le collège échevinal a commencé à réfléchir à la construction d’une nouvelle crèche rendue nécessaire par l’augmentation de la population, et venant en complément de réalisations précédentes… », explique le bourgmestre de Betzdorf, Jean-François Wirtz. « Non seulement on manquait de place pour les jeunes enfants, mais on ne voulait pas, avec le futur bâtiment, refaire les erreurs du passé. On voulait un lieu facile à vivre, du fonctionnel plutôt qu’un condensé de technologies ».
Survient ensuite un vrai déclic. Les préoccupations écologiques et circulaires, puis les premières idées de conception avec le bureau d’architecture Valente, mènent à un exposé en commune du bureau allemand ZRS, pionnier de la construction durable. « On a été scotchés », admet le bourgmestre. « On avait des propositions compréhensibles et ça coulait de source, dans une logique de matériaux durables, de réflexion sur l’économie des ressources… » Une façon de penser loin, en regardant ce qui existe sous ses pieds, matérialisée par la phrase de l’expert berlinois Eike Roswag-Klinge : « On ne construit plus pour 50 ans, on pense à 500 ans ».
Avoir un effet démultiplicateur
La philosophie s’est développée, en collaboration étroite avec les bureaux ZRS de Berlin et IB Hausladen de Munich, le bureau d’architecture Valente et les bureaux d’ingénieurs conseils Schroeder & Associés et Goblet Lavandier & Associés. « Ce projet a tout pour séduire. Il a été retenu comme projet-pilote, accompagné par le Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable », note Martine Schummer, ingénieure-associée chez Schroeder&Associés. « Nous sommes heureux d’avoir pu convaincre, parce que ce projet est vraiment novateur dans son approche… Il peut vraiment devenir un exemple, avoir un effet démultiplicateur et montrer que l’on peut construire autrement ».
« C’est un bouillonnement d’idée et c’est passionnant, même si cela représente un vrai challenge d’intégrer l’ensemble des paramètres », témoigne l’architecte Filipe Valente. « En fait, la base est simple. On part des besoins, on apporte les solutions ».
Et ces solutions sont durables, locales, circulaires. La commune a pu acquérir un terrain adjacent au campus scolaire actuel à Roodt-sur-Syre, l’endroit idéal. L’économie circulaire s’est imposée naturellement : matériaux réutilisables à d’autres fins plus tard, éléments fixés de manière mécanique pour pouvoir démonter le bâtiment en fin de vie. Les ressources locales y ont la part belle.
D’argile et de bois
Une partie des murs non porteurs seront d’argile. « Les blocs de terre crue sont fabriqués à Differdange, en utilisant l’argile trouvé à 800 m de la future crèche, sur le chantier d’excavation de la nouvelle caserne de pompiers à Mensdorf ». En fin de vie, l’argile, matériau naturel et sain compacté sans traitement, pourra même retourner le plus simplement du monde à la terre…
Autre matériau phare du projet : le bois. « Il provient de la région et en partie même de nos forêts communales. D’autres éléments en bois utilisées pour le nouveau bâtiment ont été récupérés dans le cadre de plusieurs projets de déconstruction sélective sur le territoire », souligne le bourgmestre. « On est allés sur place, faire un inventaire précis, avec des artisans, pour récupérer un maximum d’éléments à démonter dans ces anciens bâtiments et les réutiliser dans le nouveau », précise l’architecte.
« L’utilisation des déblais de terrassement et la déconstruction sélective permettent de valoriser ce qui aurait été considéré comme déchets en nouvelles ressources, de donner une nouvelle vie à ces matériaux, en lien direct avec la conception d’un lieu de vie, une construction saine », poursuit l’ingénieure.
Les usagers au cœur du projet
C’est d’ailleurs un des multiples enjeux du projet pour Schroeder&Associés : « Ici, il s’agit encore d’avoir le courage d’assumer des coûts de départ qui dépassent les standards actuels (le conseil communal a validé à l’unanimité un budget global de 16 millions d’euros). Mais on veut aussi démontrer que, à terme, l’investissement est intéressant. On peut même penser que l’effet démultiplicateur escompté ramènera les coûts vers de nouveaux standards. La construction saine, si elle se développe comme un label, promet de belles perspectives ».
Dans le cas de la future crèche de Betzdorf, le rôle exemplaire, voire symbolique, va de soi. « On parle d’un espace pour une centaine d’enfants et leurs encadrants. Ensemble, nous avons voulu tenir compte des besoins réels et des desiderata des utilisateurs. Nous leur avons demandé de dessiner la crèche idéale ». Cette base participative a poussé le projet vers le robuste, le low-tech, mais vers un maximum de fonctionnalités pour faciliter le quotidien : salle polyvalente modulable, couloir et cours où s’ébattre, façades ombragées d’arbustes, gestion des eaux de pluie en toiture par rétention et végétalisation, espaces de stockage adaptés…
Les concepteurs de la crèche prévoient aussi le suivi, avec les enfants et les adultes, par des ateliers de fabrication de blocs d’argile par exemple, et d’autres projets participatifs appelés à faire vivre l’ensemble… « C’est un projet de cœur et de raison, qui apporte des solutions simples, durables, localement », résume Martine Schummer. « Nous sommes tous impliqués dans cette belle aventure et nous sommes convaincus que l’on va réussir à faire partager notre enthousiasme. »
Le parcours ne s’arrêtera pas à la remise des clés, prévue en 2023. Derrière, il y aura un lieu à vivre. Et un exemple à porter.
Alain Ducat
Images : © Bureau d’architecture Valente
Photo : MSDesign
Article tiré du dossier du mois « Lieux de vie 3.0 »