Votre achat : le premier champ d’action. Dans une société de consommation, consommer est un acte revendicatif et le choix local, la plus juste des revendications.
Bien que le Luxembourg soit majoritairement accroc à ses importations, chaque jour, des talents travaillent sur son territoire au respect du goût, du consommateur et du pays.
Le bon produit d’ici est toujours le récit d’une vie. Une existence consacrée à lui donner de la saveur et du sens. Il faut la partager, donner la parole à ces producteurs engagés et audacieux, ces passeurs de culture, ces amoureux du terroir et des paysages luxembourgeois, ces contributeurs directs au tissu économique.
Au mépris de la facilité, la même qui nous pousse à acheter sans réfléchir, ils nous proposent le produit d’un bon sens salutaire pour la société.
La production locale nourrit aussi bien l’estomac que l’esprit, les racines que les ailes, la tradition que le progrès, l’identité que le cosmopolitisme. Elle rassemble au-delà des habituelles mises en scènes manichéennes.
Est-ce que la production locale est vraiment meilleure ? Oui, quand elle est conforme à son biotope et à son climat, elle fait converger le meilleur rapport qualité/prix et de nombreux objectifs de développement durable.
Carlo Hein, fondateur et directeur de Ramborn Cider Co à Born, en est convaincu : « en créant un produit local avec des impacts positifs, on crée un produit durable ».
La pandémie de Covid puis l’invasion en Ukraine ont révélé aux yeux des pouvoirs publics et des opinions la dangerosité de la servitude aux marchés extérieurs.
Le Luxembourg comme l’Europe a la nécessité de diminuer ses perfusions aux importations. Comment ? Par exemple, en investissant dans la production locale, en relocalisant, en innovant et en soutenant une agriculture épanouie et pérenne.
La plupart d’entre nous ne savent plus ce qu’ils doivent à l’agriculture. Notre nourriture passe des rayons à l’assiette. Notre caddie est en mode pilote automatique. Nous n’avons pas le temps. Nous payons une addition au restaurant. C’est normal, c’est l’habitude. Nous avons rompu le lien viscéral avec le travail de la terre. Cette déconnexion nous éloigne d’une réflexion et d’une vision d’ensemble, nous empêchant de saisir la valeur d’un produit au-delà de son prix.
Pourtant, l’agriculture est en première ligne face au dérèglement climatique et centralise les défis futurs autour d’une population nationale et mondiale croissante. L’agriculture est synonyme d’une souveraineté alimentaire tant désirée. Remettons-la au cœur des débats, favorisons son adéquation avec son milieu naturel et sa transition sans culpabilisation, loin des standards intensifs dopés aux pesticides, glyphosates et autres herbicides ou intrants chimiques.
Dans une région privilégiée par son pouvoir d’achat, le coût ne peut être le seul critère. Comparons toutes les retombées positives et négatives d’une marchandise.
Soyez-en sûrs, vous payez toujours le produit à son juste prix. S’il est moins cher, c’est seulement en raison de sa médiocrité, parce qu’il est pauvre, pauvre en goût, pauvre en quantité, pauvre en valeur nutritive, parce qu’il rend pauvre ouvriers et producteurs. Parfois pire.
Sur ce dernier aspect, Jérôme Colson, directeur des Ateliers du Tricentenaire à Bissen et leurs Chocolats du Cœur ont trouvé le mot juste et la bonne formule : « des produits artisanaux de qualité supérieure fabriqués dans le respect des travailleurs d’ici et d’ailleurs ».
Nous savons quelles géographies et quelles chaînes de production ne respectent pas le travailleur. Nous savons que dans certains cas extrêmes, le travail forcé tel celui des Ouïghours ou l’esclavage moderne profitent aux processus de fabrication. Quel étrange sortilège nous téléguide tout de même comme des somnambules vers ces mauvais produits de masse ? Le marketing cynique. Il n’est pas près de faiblir.
Le big data et l’intelligence artificielle donnent au marketing prédictif (anticiper vos besoins) des ressources infinies et des perspectives inimaginables. Un « consommateur nu » dépossédé de ses données et de son libre arbitre face à l’appétit des vendeurs pyromanes.
Rhabillons ce consommateur. Opposons un marketing de conviction et des initiatives positives, c’est notre tentative. Passons de la consommation compulsive à la consommation consciente. Ce « consumérisme de raison » ne résoudrait pas tous les problèmes mais il aurait au moins le mérite d’enrayer la surconsommation. Chaque pas en avant est précieux.
Il est donc l’heure d’entrer dans le circuit court, de la ferme à la fourchette, et de court-circuiter les circuits longs, des modèles qui ne voient dans votre achat qu’un moyen supplémentaire de satisfaire leurs propres intérêts.
On peut se faire plaisir ou faire plaisir en achetant un excellent produit et simultanément préserver sa santé, celle de ses enfants et de son entourage, créer des emplois et des dynamiques économiques, réduire ses impacts négatifs comme les déchets, maintenir les traditions vivantes, améliorer son cadre de vie, agir pour l’environnement et le climat. Mais comment tout cela est possible ? En faisant le choix du voisin, votre « producteur du coin » et de la Grande Région.
Achetez bon, achetez bien. C’est le pouvoir de votre achat.
Par Sébastien MICHEL
Photo : Fanny Krackenberger