Préparer l’avenir
Poeckes est l’exemple même d’une entreprise familiale qui, au cours de près d’un siècle d’existence, a toujours su s’adapter aux évolutions du marché. La 4e génération de dirigeants, en la personne de Paul Nathan, est bien décidée à poursuivre sur cette lancée sans renier les acquis du passé. Ce dernier nous livre sa vision d’entrepreneur sur l’innovation et Jacques Cordeiro, responsable du personnel, nous parle de l’implication des équipes.
Pouvez-vous nous rappeler l’histoire de l’entreprise Poeckes ?
PN : C’est mon arrière-grand-père, Jos Poeckes, qui a créé cette société en 1924, dont l’activité principale était alors l’exploitation minière. Le début des années 60 a marqué un changement de cap : les activités ont été réorientées vers les métiers du génie civil et du gros-œuvre et l’entreprise a été reprise par cinq enfants du fondateur, qui ont mis leur jeunesse et leurs forces à son service. Elle a alors connu une croissance constante jusqu’à devenir la société qu’elle est encore aujourd’hui. J’en ai pris les rênes en janvier 2015 après avoir étudié le génie civil et avoir acquis une expérience précieuse de 3 ans auprès du bureau d’études Paul Wurth. Cependant, je suis toujours resté en lien avec l’entreprise Poeckes : enfant, je me rendais déjà sur les chantiers avec mon grand-père les week-ends et j’y ai fait tous mes stages.
JC : Nous avons toujours essayé de nous adapter au marché. C’était le cas avec succès en 1961 lorsque nous avons diversifié nos activités. Avec ses 220 collaborateurs et un chiffre d’affaires annuels de 25 millions d’euros, l’entreprise Poeckes s’est assuré sa part de marché dans le secteur du bâtiment du Luxembourg, tout en misant sur l’avenir par sa politique de formation, de certification (QSE, SuperDrecksKëscht®, Artisan maison passive) et de développement durable.
Monsieur Nathan, qu’est-ce qui a changé avec votre arrivée à la tête de l’entreprise ?
PN : Je tiens d’abord à dire que cette entreprise a des atouts uniques que je souhaiterais maintenir. Elle a toujours été gérée d’une manière prudente et pérenne et elle a su s’adapter aux nouvelles exigences du marché grâce à une culture de travail qui s’appuie sur ses valeurs : la qualité, la sécurité et la confiance.
Naturellement, avec le changement de génération, de nouvelles idées arrivent. Nous avons ainsi décidé de moderniser notre image en rafraîchissant notre logo, en créant notre site Web et en communiquant dans les médias. Nous nous sommes lancés dans les démarches QSE, avec les certifications ISO 9001, 14001 et OHSAS, ce qui nous a permis de mettre en œuvre un processus d’amélioration continue qui passe par la réforme de nos procédures, de notre structure et par la gestion de nos objectifs. Nous avons recruté de jeunes éléments pour garantir la continuation de l’entreprise et investi dans le développement de compétences en matière de Lean Construction, de BIM (Building Information Modeling) et de construction durable.
Quelle importance l’innovation revêt-elle pour une entreprise comme la vôtre ?
PN : Il est plus qu’important, il est crucial, pour une entreprise d’innover. Bien que nous soyons aujourd’hui bien placés sur le marché, et même si la compétence de nos collaborateurs est reconnue dans le domaine de la construction, notre activité devra être approfondie, voire étendue, pour rester compétitive.
Innover, c’est proposer des solutions au marché pour demain, donc préparer son avenir. Avec la réglementation et les exigences des clients qui se durcissent, nous devons aujourd’hui construire plus vite, moins cher et de meilleure qualité. Nous cherchons donc des solutions techniques et de mise en œuvre novatrices.
En fait, celui qui n’avance pas régresse !
Vous êtes une des premières entreprises luxembourgeoises à utiliser le BIM. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
PN : Le BIM est encore peu connu au Luxembourg, mais plusieurs pays européens l’ont déjà adopté. Il révolutionne les projets de construction : on ne travaille plus sur des plans papier, mais sur un modèle central en 4D, collaboratif et évolutif, sur lequel tous les intervenants peuvent intervenir. Il constitue un moyen de communication précieux qui permet d’optimiser les processus.
Le BIM fait partie d’un processus plus large, la Lean Construction, que vous avez déjà mis en œuvre. En quoi consiste-t-elle ? Et comment l’avez-vous intégrée à votre quotidien ?
PN : Il s’agit d’une approche managériale japonaise qui vise à réduire le gaspillage et s’applique à de nombreux domaines : le rangement, la logistique, l’approvisionnement, les déchets, les processus, les déplacements, etc. À titre d’exemples : optimiser l’organisation d’un chantier permet de réduire les distances parcourues chaque jour par les ouvriers donc de gagner du temps, et mesurer les rendements induit une plus grande implication des salariés, une envie de s’améliorer, donc une évolution positive.
JC : Pour la mettre en œuvre, nous avons invité nos chefs d’équipe à une réunion conviviale animée par nos partenaires, l’IFSB et Delta Partner. L’objectif de cette formation a été de donner à nos responsables des pistes de réflexion sur la façon de mieux rentabiliser les chantiers.
Nous avons reçu un feedback positif : cette démarche a renforcé le team building entre les chefs d’équipe qui communiquent désormais plus régulièrement et sollicitent davantage l’aide des uns des autres.
Avec des labels comme Energie fir d’Zukunft, Artisan maison passive et SuperDrecksKëscht®, vous démontrez votre fibre durable. Comment cette préoccupation se traduit-elle dans vos projets et dans votre gestion de l’entreprise ?
JC : Nos objectifs de développement et de valorisation de notre personnel sont en ligne. En 2015, 85 000 euros ont été dédiés à l’amplification de nos compétences dans les différents métiers du bâtiment, dans la conduite de travaux et dans le management, notamment liée au développement durable. Nous avons également investi 683 heures en formation interne et externe sur la sécurité.
Pour ce qui est des projets de construction durable, nous avons quelques belles références : nous avons été partenaires du projet Neobuild, nous avons contribué à la réalisation du Parlement européen, nous avons construit des maisons passives à Tuntange pour le Fonds du Logement et, actuellement, nous travaillons sur le bâtiment Dyapason à la Cloche d’Or.
Nous comptons par ailleurs mener à bien d’autres projets dans ce secteur, surtout dans la rénovation de bâtiments, ce qui nous permettra d’enrichir notre liste de références dans cette activité.
Plus précisément, quel rôle avez-vous joué dans le projet du bâtiment Neobuild ?
PN : Neobuild a été un chantier phare pour nous. Il nous a permis de gagner en expérience et de beaucoup apprendre sur les méthodes, technologies et matériaux innovants. Nous avons découvert le Last Planner, un outil utile aussi bien en phase d’étude que d’exécution, qui nous a aidé à clarifier les interfaces entre les intervenants, à améliorer la communication et à réduire le gaspillage. L’implication de notre équipe a également été de donner un retour d’expérience à Neobuild.
Photo : Jacques Cordeiro et Paul Nathan
Source : NEOMAG
Consultez en ligne NEOMAG #01 octobre 2016
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