Presque 16% plus cher sur 1 an
Les prix dans la construction résidentielle ont connu leur plus forte hausse annuelle depuis 1975. Le Statec calcule un indice des prix de la construction qui a encore pris +6,8% en 6 mois mais qui se tasse un peu.
En ce mois de janvier 2023, l’analyse semestrielle effectuée par le Statec (et publiée dans le bulletin Statnews n°5) ressemble, si pas à une sonnette d’alarme, à un constat frappant que la crise de l’énergie et des matériaux, évidemment liée au contexte mondial et en particulier le conflit en Ukraine, n’est pas un leurre économique.
« L’indice des prix de la construction progresse de 6,8% entre les mois d’avril et octobre 2022, marquant un léger ralentissement par rapport au semestre précédent (+8,6% entre octobre 2021 et avril 2022) », observe le Statec. Ce qui peut être à la fois une bonne nouvelle (puisque l’augmentation se tasse un peu, laissant entrevoir une sortie de crise) et une mauvaise - pour les candidats bâtisseurs évidemment, pour les maîtres d’œuvre en général mais aussi pour l’ensemble d’un secteur qui doit adapter sa compétitivité. Cet indice est aussi utilisé pour l’adaptation de la quasi-totalité des contrats d’assurance-incendie ainsi que comme base pour de nombreuses autres applications, comme l’actualisation de devis ou les contrats de vente en état futur d’achèvement.
Dans tous les cas, cet indice, publié deux fois l’an (le prochain sera publié en juillet et inclura les données du mois d’avril 2023), mesure les variations de prix des prestations réalisées dans la construction résidentielle, hors terrain. « Il prend en compte l’évolution des prix des matériaux et de la main-d’œuvre mais aussi les changements de productivité et de marge des entrepreneurs », précise la méthodologie du Statec.
Une tendance inscrite dans la durée
La livraison actuelle confirme que la tendance est lourde et inscrite dans la durée : « Sur un an, les prix dans la construction résidentielle se sont renchéris de 15,9%. Le taux de variation annuel atteint ainsi son plus haut niveau depuis avril 1975 », résume le Statec dans son enquête.
« L’augmentation des coûts de l’énergie, de nombreux matériaux de construction et la répercussion de celle-ci sur les maîtres d’ouvrages contribuent le plus à cette nouvelle hausse conséquente », confirment les analystes-statisticiens.
L’enquête est allée plus loin et s’est plongée au cœur des métiers du secteur (données pour 18 corps de métier, jusque octobre 2022), pour observer les variations de prix.
Impact sur le parachèvement et la fermeture
En progression annuelle, trois spécialités du bâtiment dépassent la barre des 20% d’augmentation : les revêtements de sol (+26,2%) et les menuiserie intérieure et serrurerie (+20%) tous deux dans le parachèvement (augmentation moyenne= 17,8%), et la menuiserie extérieure (+20,5%) pour la « fermeture du bâtiment » (+18,6% en moyenne).
Cette dernière catégorie (qui englobe notamment les fenêtres, les dispositifs de protection solaire, les portes de garages ou les façades) est aussi celle qui a enregistré la plus forte progression semestrielle (+9,5%) fin 2022. Le Statec constate que « l’augmentation du prix des matériaux isolants a fait grimper la facture pour les travaux de façade de 9,5 % en un semestre, et les maîtres d’ouvrages ont dû débourser 9,4% de plus pour la menuiserie extérieure d’une construction résidentielle. La flambée des prix de certains matériaux, comme le vitrage et l’aluminium, mais également la hausse des frais de transport des fournitures, sont à l’origine de cette évolution exceptionnelle ».
Croissances continues constatées au niveau du parachèvement aussi donc, dont les prix ont bondi de 8,1% sur un semestre. Les analystes y voient une dynamique principalement portée par la hausse des prix des matériaux (répercutée sur les parquets, portes, placards, carrelages, …) mais également par l’augmentation générale des coûts de l’énergie.
Logique globale, tendances locales
Le gros-œuvre – qui avec un « poids » de 37% sur l’ensemble du secteur représente le corps de métier avec la plus forte pondération dans le calcul de l’indice - présente une hausse semestrielle de 5,3%, inférieure à l’indice général (+6,8%) mais dont l’augmentation annuelle flirte quand même avec les 15%. « Les travaux de terrassement (+5,4% en indice semestriel), mais également les frais de transport ont été fortement impactés par la flambée récente du prix du Diesel. Le renchérissement de divers matériaux de construction utilisés en maçonnerie, en particulier celui du ciment et de ses dérivés, a de nouveau alimenté les prix dans le gros-œuvre, alors que les prix d’autres produits, notamment des armatures en fer, ont néanmoins tendance à reculer ».
Pour les travaux de toiture (+14% de variation annuelle), la hausse des prix « s’est limitée à 4,7% sur un semestre. Les progressions de prix de certains produits d’isolation, d’étanchéité et de finition pour les toitures plates, mais également les prix de la zinguerie, des tuiles et des fenêtres en toiture sont à l’origine de cette évolution soutenue », éclaire le Statec.
Lequel souligne également quelques tendances instructives, comme le prix du bois, qui a moins progressé voire reculé dans certains cas. Le prix des charpentes par exemple s’est stabilisé. Par contre, ces prix avaient préalablement connu une solide hausse (+29,8% entre 2020 et 2021) dans la « période Covid » où le ralentissement du commerce international était bien marqué.
Même logique globale pour les installations techniques, en hausse de 6,6% entre avril et octobre 2022 et de 14,3% en moyenne annuelle. On y retrouve l’effet des renchérissements de fournitures. Et, observe encore le Statec, « les prix des installations électriques (+9,3% sur le semestre) sortent du lot ».
Pour un peu, les chiffres viendraient à l’appui d’un plaidoyer pour les investissements raisonnés, les matériaux durables et les productions régionales…
Alain Ducat
Graphique : Statec
Photo : Shutterstock