Une approche exhaustive des flux d’énergie
Lancé le 1er septembre 2019 pour une durée de 3 ans, le projet gENESiS, porté par le LIST et financé par le Fonds National de la Recherche, se situe à l’intersection entre « sustainable and smart buildings » et « smart grids »[1]. Il vise à déployer des systèmes de gestion d’énergie intelligents basés sur l’optimisation mathématique.
Dans quel contexte le projet gENESiS a-t-il vu le jour ?
Le secteur de la construction est un des plus énergivores. C’est pourquoi l’Union européenne a émis plusieurs directives visant à encourager la création de bâtiments durables au niveau écologique et efficaces au niveau énergétique. Elle a notamment introduit la notion de Nearly Zero Energy Building (NZEB), des bâtiments dont l’échange d’énergie annuel net avec le réseau électrique est quasi égal à zéro. Cela implique qu’ils soient dotés d’installations qui produisent autant d’électricité que les différents équipements en consomment, et ce à partir de sources renouvelables (par exemple, des panneaux photovoltaïques). Pour atteindre cet objectif, il faut également que les bâtiments intègrent un gestionnaire de flux d’énergie et, dans certains endroits d’Europe, des systèmes de stockage d’électricité peuvent aussi être pertinents. Le but étant, outre les aspects de durabilité, de réduire les coûts d’utilisation des bâtiments, au profit des propriétaires. Précisons qu’il y a une tendance globale à l’électrification (par exemple, en utilisant des pompes à chaleur) et que si l’on envisage l’avenir, il faut le faire de ce point de vue.
Ce projet implique différents partenaires. Quels sont leurs rôles respectifs ? Et quelle plus-value le LIST apporte-t-il ?
Le LIST est le leader de ce projet. J’en suis le concepteur et le chercheur principal. Mais c’est un projet multidisciplinaire qui s’intéresse à la fois aux bâtiments, à la façon dont ils peuvent apporter de la flexibilité dans la gestion des flux d’énergie, et au réseau de distribution électrique. Et, en tant que tel, il requiert les compétences de partenaires externes. Au LIST, nous avons des connaissances dans le fonctionnement des réseaux intelligents et en optimisation mathématique ; nous avons aussi des experts en analyse de cycle de vie qui nous guident pour faire des choix de produits (panneaux photovoltaïques ou batteries, par exemple) plus légers pour l’environnement. Au moment où le projet a commencé, nous avons eu besoin de l’expérience complémentaire du Pr Deconinck de l’université de Louvain en Belgique. Nous nous sommes également entourés de l’équipe du Pr Heiselberg de l’université de Aalborg au Danemark qui est spécialisée dans les NZEB. L’université du Luxembourg, à travers le Pr Hadji Minaglou, fait aussi partie de nos partenaires. Elle est très avancée au niveau des tests de validation en laboratoire et va évaluer un des prototypes de système de gestion d’énergie qui a été développé.
Qu’est-ce que ce projet a d’unique ?
Son approche exhaustive : rassembler diverses compétences permet d’avoir une vue globale de la problématique et de prendre en compte les contraintes et besoins des différents métiers dès le départ. Nous allons très loin en termes d’optimisation mathématique appliquée à la fois aux bâtiments intelligents et durables et au fonctionnement optimal du réseau électrique qui profite de la flexibilité fournie par ces bâtiments.
Quels sont les différents volets de ce projet ?
D’abord, en phase de planification et de construction, l’idée est de déterminer la dimension idéale d’une batterie ou le nombre de panneaux photovoltaïques que l’on doit installer dans un bâtiment à la fois pour minimiser les coûts et pour qu’il entre dans les critères d’un NZEB. Nous prenons aussi en compte l’empreinte environnementale de ces systèmes afin de choisir le compromis idéal entre coût et impact.
Ensuite, lors de la phase de fonctionnement du bâtiment, nous nous concentrons sur l’energy management system, un logiciel capable de gérer en temps réel la production et la consommation, et de planifier les flux d’énergie 24 heures à l’avance, grâce à du contrôle basé sur la prédiction du modèle.
Enfin, puisque les bâtiments peuvent stocker de l’électricité, que l’utilisation des appareils (système de chauffage, ventilation, air conditionné et machine à laver, par exemple) peut s’adapter automatiquement à l’offre et à la demande, le réseau peut fonctionner à moindre coût et avoir davantage recours aux sources d’énergies renouvelables sans avoir à renforcer l’infrastructure existante, donc sans frais additionnels.
Sur quelles applications concrètes ou outils ce projet pourrait-il aboutir ?
Dans un premier temps, nous nous focalisons sur le fait d’amener de nouvelles connaissances dans la façon de planifier, de gérer et d’intégrer proprement et de manière optimale les bâtiments au sein du réseau d’énergie. À l’issue de ce projet, chacun de ces volets est censé aboutir sur un prototype de logiciel qui peut constituer un support à la prise de décision. Mais je ne pense pas que nous puissions faire un bond directement sur le marché et j’envisage un projet follow-up où nous nous attaquerions à créer une proof of concept que nous essaierons par la suite de transférer dans des produits qui pourront arriver sur le marché 2 ou 3 ans après la fin du projet au plus tard.
[1] Réseau de distribution d’électricité qui favorise la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel et d’en permettre une gestion plus efficace
Interview du Dr Florin Capitanescu, chercheur au LIST, initiateur et coordinateur du projet gENESiS
Mélanie Trélat
Article tiré du NEOMAG#35
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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