Infogreen a le plaisir de vous présenter le 4e opus de son Dossier du mois. Nous avons choisi d’y mettre en lumière une thématique qui, comme les précédentes, est étroitement liée avec le développement durable : l’habitat.
Comme de nombreux domaines, l’habitat est en train de connaître une mutation profonde. En cause, plusieurs facteurs : l’espace se fait rare donc cher, les sources d’énergie fossiles et les ressources commencent à s’épuiser, les déchetteries sont pleines à craquer, le lien social se distend et l’isolement pèse. Autant de problématiques qui poussent à réfléchir sur de nouveaux modes de vie : on repense l’agencement des maisons, on se réapproprie l’espace public, on renoue avec ses voisins, on échange les idées, on mutualise les outils, on s’intéresse à de nouveaux matériaux et à de nouvelles techniques de construction.
Parler d’habitat aujourd’hui (et a fortiori demain), c’est aller au-delà du bâtiment pour réfléchir à l’échelle du quartier, voire de la ville, et adopter une approche durable en ce sens qu’elle englobe les 3 piliers écologique, social et économique. C’est ce que souligne le ministre du Logement, Marc Hansen, qui nous a livré sa vision de l’habitat de demain : « À l’avenir, l’accent devra être mis davantage sur les synergies entre le monde du travail, les commerces et les infrastructures publiques comme les écoles. La façon dont nous nous déplacerons jouera un rôle primordial : la mobilité douce et le transport en public seront aussi importants que la préservation et la création d’espaces verts et de lieux de rencontre, ceci en vue de dynamiser les relations entre les habitants. Le défi majeur sera de réussir à créer ces synergies et ces interactions sociales si importantes. Dans la ville de demain, la solidarité entre les habitants et la mixité sociale seront des éléments clé pour garantir la cohésion sociale ».
Parmi les initiatives du ministère, le Greng Hausnummer, une distinction mise en place pour encourager la construction de bâtiments durables, appliquée par CLK lors de la conception de sa future maison témoin.
Les promoteurs publics montrent l’exemple. Ainsi, Guy Entringer, directeur de la SNHBM, nous dévoile son dernier projet : un véritable village de 800 logements sur 27 hectares à Olm, qui offrira une école, une maison relais, une crèche, des commerces, des lieux de restauration, de nombreux espaces publics, ainsi qu’un concept de mobilité favorisant les transports en commun.
Une multitude d’autres projets d’un nouveau genre voient le jour au Luxembourg comme ailleurs mais, en réalité, il s’agit plus de retourner aux sources que d’innover. En tous cas, au moins pour ce qui est des aspects social et économique.
Les coopératives d’habitat, connues aussi sous le nom d’habitat partagé, ont le vent en poupe dans les pays scandinaves, en Suisse et en Allemagne où elles existent depuis un siècle déjà. Au Luxembourg, le 1er projet de ce type est en train de voir le jour sous l’impulsion du collectif Adhoc, représenté par Éric Weirich, qui travaille sur la construction d’un immeuble d’une trentaine de logements qui fera la part belle à des espaces communs multifonctionnels conçus pour se réunir ou être utilisés à tour de rôle par les différentes familles, le tout sera assorti d’une offre de services accessibles aussi bien aux membres qu’aux non-membres.
Dans le même état d’esprit collaboratif, au Kirchberg, le Fonds éponyme a décidé d’installer des laboratoires d’idées successivement dans chacun des quartiers afin de permettre aux habitants et aux usagers de se les réapproprier et de créer des lieux de vie qui leur ressemble.
Vivre ensemble (tout en faisant des économies), c’est aussi l’objectif du projet d’habitat intergénérationnel porté par l’association Cohabit’âge, chapeautée par Moussa Seck. Une formule win-win qui permet aux personnes âgées d’être solidaires des problèmes de logement que peuvent connaître les jeunes, tout en se sentant moins seules et plus en sécurité et de bénéficier d’un complément de revenus. Du côté des jeunes, l’avantage est de se loger moins cher, de trouver ou de retrouver une ambiance familiale rassurante quand ils viennent de loin et d’être solidaires des difficultés liées au vieillissement de la population. Pour les deux parties, la transmission de connaissances et de savoir-faire sont des éléments essentiels.
C’est également la solidarité qui prime dans les activités de l’Agence immobilière sociale, institution étatique dirigée par Gilles Hempel. Son principe ? Remettre le pied à l’étrier à des familles en situation précaire en leur offrant un logement à moindre coût. Et pour motiver des propriétaires à mettre leur bien à disposition, un package « casco » leur est offert : garantie de paiement des loyers et restitution du bien en bon état et à tout moment. Encore une fois, tout le monde y trouve son compte.
Autre acteur, transfrontalier cette fois, à retrouver dans ce dossier : l’association EcoTransFaire qui a pour vocation, entre autres, de réhabiliter des maisons de cités ouvrières dans les 4 pays de la Grande Région. Comme l’indique son président, Bernard Lahure, ces maisons ont des qualités à exploiter dans le contexte actuel, la 1re étant d’avoir amorti leur énergie grise.
La rénovation du bâti existant est d’ailleurs au cœur des préoccupations de certains politiciens européens, à l’instar de Claude Turmes qui nous a livré une interview exclusive. 40 % de l’énergie consommée en Europe est liée aux bâtiments. On s’attaque aujourd’hui aux constructions nouvelles, mais la rénovation est un pan essentiel d’une politique climatique en ce sens que 70 % du bâti de 2050 existe déjà et qu’à cette échéance, tout le parc immobilier devra être near zero energy. « Pour remplir nos objectifs, il faudrait atteindre un taux de rénovation de 3 % des bâtiments par an en Europe. Or, nous ne sommes même pas à un 1 % », constate l’eurodéputé. Une piste pour accélérer le mouvement en la matière serait, pour lui, le projet EnergySprong à découvrir dans cette interview.
Qui dit rénovation, dit performance énergétique. Le logement de demain ne consommera pas d’énergie, il pourra même en produire, poussant les ingénieurs-conseils à dépasser toujours plus leurs limites. « C’est une bonne chose », selon Denis Lecanu du bureau Betic, « mais cela peut parfois entraîner des dérives. Prévoir une isolation de plusieurs dizaines de centimètres est-il vraiment pertinent si l’on considère la quantité d’énergie nécessaire lors du cycle de vie du matériau ? Les habitations devront donc plus que jamais prendre en compte leur production d’énergie grise ».
D’énergie grise, il en est question dans la maison en paille qui, contrairement aux autres techniques, constitue un puits de carbone. « On estime qu’il faut 10 ans pour que la consommation de carbone des habitants d’une telle maison pour se chauffer ne dépasse la quantité stockée dans les murs. Sans compter que les murs sont sans ciment ni terre cuite, gros consommateurs d’énergie », apprenons-nous dans l’article qui y est consacré.
Et puisqu’une maison à consommation d’énergie quasi-nulle est une maison qui comble son peu de consommation par la production d’électrique via, la plupart du temps, des panneaux solaires, nous ne pouvions pas ne pas aborder le sujet. La problématique principale de cette technologie étant le stockage de l’énergie produite. Problème résolu grâce à la batterie domestique Powerwall de Tesla qui se recharge pendant la journée grâce à l’électricité générée par les panneaux solaires et la restitue après le coucher du soleil pour alimenter la maison.
Mélanie Trélat