« Nous sommes assis sur des matières premières que l'on n'exploite pas »

« Nous sommes assis sur des matières premières que l’on n’exploite pas »

Avec deux projets portés par coeba, bureau d’architecture dont il est l’un des associés, Dave Lefèvre prouve que construction et respect de l’environnement sont loin d’être incompatibles.

La durabilité est inscrite dans l’ADN de coeba. Un positionnement que le bureau d’architecture démontre une nouvelle fois à travers deux de ses projets en cours de construction.


« Quand on parle d’architecture durable, c’est presque une architecture qui ne se construit pas. Et si on construit, il faut le faire de la manière la plus écoresponsable possible. »

Dave Lefèvre, architecte et associé de coeba

Le premier projet, situé à Heisdorf et conçu pour le Tricentenaire, est un ensemble de logements et un service d’activités de jour pour enfants, adapté aux besoins des usagers en situation de handicap physique. Pour limiter les impacts négatifs sur l’environnement de ce bâtiment, et aussi par respect des budgets « il a fallu aborder la thématique de la sobriété » explique Dave Lefèvre, architecte et associé de coeba, « Construire uniquement des volumes qui sont vraiment nécessaires, c’est-à-dire répondant aux besoins d’espaces spécifiques aux usagers en situation de handicap, pour répondre aux fonctions des lieux et surtout aux besoins des futurs utilisateurs. »

Le projet du Tricentenaire est une construction hybride avec une structure portante en béton et une enveloppe thermique en bois, associée à un isolant biosourcé.
Le projet du Tricentenaire est une construction hybride avec une structure portante en béton et une enveloppe thermique en bois, associée à un isolant biosourcé. - © coeba

Un principe à appliquer aux surfaces en sous-sol, qui génèrent une importante quantité de CO₂ pour deux raisons principales : les mouvements de terre lors des travaux d’excavation, qui nécessitent l’évacuation des déblais vers des décharges, et l’utilisation de matériaux à forte empreinte carbone, comme le béton armé, pour les constructions enterrées. « Depuis le début du projet, notre vision en tant qu’architectes a été parfaitement alignée avec celle du maître d’ouvrage, visant à réduire les surfaces en sous-sol au strict minimum afin de minimiser l’impact environnemental et les coûts associés. »

Dave Lefèvre
Dave Lefèvre - ©Fanny Krackenberger

Sobriété et résilience

Au-delà de la sobriété, une construction hybride avec une structure portante en béton et une enveloppe thermique en bois, associée à un isolant biosourcé, permet de réduire l’impact carbone. L’associé de coeba précise que le béton est un matériau aux caractéristiques spécifiques : son inertie contribue au confort thermique et sa structure filigrane offre une flexibilité maximale dans l’utilisation du bâtiment à long terme, permettant sa transformation plutôt que sa démolition en fin de cycle de vie.


« Dans une construction traditionnelle en béton, l’enveloppe thermique génère 296 tonnes de CO₂. Nous sommes descendus à 39 tonnes avec cette ossature en bois et cellulose. »

Dave Lefèvre, architecte et associé de coeba

Le bois, en plus de présenter une empreinte carbone plus favorable que le béton, peut être réutilisé sur plusieurs cycles de vie dans d’autres constructions. Il est également important de souligner que le bois non traité est une matière biodégradable, capable de réintégrer le cycle naturel ou d’être utilisé comme source d’énergie pour les systèmes de chauffage.

À Gosseldange, Coeba est en train de faire sortir de terre un bâtiment à usage mixte pour l’administration communale de Lintgen.

Les étages dédiés aux logements sociaux sont intégralement construits en bois dans le bâtiment de Gosseldange.
Les étages dédiés aux logements sociaux sont intégralement construits en bois dans le bâtiment de Gosseldange. - © coeba

Le projet est unique pour le bureau puisque les étages dédiés aux logements sociaux sont intégralement construits en bois. Et en bois local ! Les étages inférieurs sont, eux, des espaces polyvalents à disposition de la commune.

« Le contexte a favorisé le recours au bois des forêts de la commune », raconte Dave Lefèvre. « Après le Covid, la pénurie des matières premières a frappé le secteur de la construction, le marché du bois s’est effondré et les prix ont fortement augmenté. Le projet a même été remis en cause. Nous avons alors proposé de recourir aux ressources communales pour réduire les coûts, car je savais que la commune était propriétaire de forêts. »

Le bois n’est pas la seule ressource disponible au Luxembourg. L’architecte cite l’argile dont regorgent les sols du pays et qui est « une matière première précieuse pour la construction en terre crue – un matériau durable et écologique. » L’utilisation de la paille en tant qu’isolant doit aussi se propager selon lui. « C’est une question de résilience, non seulement des matières premières et des matériaux de construction, mais aussi du secteur de la construction. Comment sait-il répondre au manque de ressources ? Le Grand-Duché n’a pas assez de filières pour la production de matériaux, alors que nous sommes assis sur des matières premières comme le bois, l’argile ou la paille que l’on n’exploite pas suffisamment. »

Un équilibre à trouver

Au-delà des matériaux choisis, le concept architectural lui-même doit prendre en compte les enjeux liés à la durabilité. « En architecture, différents gestes esthétiques et les extravagances font exploser l’empreinte carbone d’une construction. Notre défi est de faire de l’architecture contemporaine, mais en se posant les bonnes questions, comme : Quelles sont les conséquences du projet sur la biodiversité ? Qu’est-ce que cela implique en termes de rejet de CO₂ ? Le bâtiment va-t-il survivre dans le temps ? Etc. »

On en revient donc à la sobriété évoquée par Dave Lefèvre à propos du projet de Heisdorf. Il souligne toutefois que le système de rémunération des architectes et ingénieurs ne favorise pas cette sobriété, ce qui constitue selon lui un problème, car « les architectes et les ingénieurs sont rémunérés en fonction du coût de construction. » Par conséquent, en adoptant des méthodes plus sobres et plus responsables, ils risquent de voir leur rémunération diminuer. « Bien que la rémunération soit souvent corrélée au coût global du projet, il est crucial de valoriser aussi leur apport intellectuel. Les efforts pour proposer des solutions sobres, durables et innovantes devraient être pris en compte, au-delà du seul coût de construction. »

Par Léna Fernandes
Photos : © coeba
Article tiré du dossier du mois « Fondations solides »

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Publié le mardi 12 novembre 2024
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