Complémentarité et interconnexion sont les maîtres-mots, ceux que j’ai entendu dans la bouche de chacun des acteurs interviewés dans le cadre de ce dossier dédié à la mobilité. De l’avis général, ils sont la clé de voûte sur laquelle repose une mobilité plus intelligente et respectueuse de l’environnement. Qu’il s’agisse de véhicules non-polluants, de véhicules partagés, de modes de déplacement doux ou de transports en commun, chacun a une solution alternative à proposer à la voiture individuelle à moteur thermique, mais tous s’accordent à dire que le succès de la solution qu’ils promeuvent repose avant tout sur le déploiement des autres solutions, sur l’interconnexion entre ces solutions et sur la création de réseaux efficaces. Bref, sur la multimodalité.
François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures, nous rappelle que parcourir chaque jour 30 kilomètres pour se rendre à son travail, c’est autant de temps et d’argent perdus, de stress, de fatigue, d’inconfort… et de pollution. Le retour vers des centres urbains multifonctionnels est donc aujourd’hui incontournable, mais il n’est possible que s’il s’accompagne de concepts de mobilité intelligents.
A Luxembourg-Ville, par exemple, on travaille, entre autres et depuis 10 ans déjà, sur l’amélioration des itinéraires piétons et sur le déploiement du vélo, à travers le développement des infrastructures et des services, la communication et le monitoring, comme le souligne la bourgmestre, Lydie Polfer, dans une interview exclusive. Le vel’oh, service de vélos partagés de la Ville de Luxembourg, connaît d’ailleurs un franc succès avec plus de 7.000 abonnés longue durée.
La Lëtzebuerger Vëlos-Initiativ, dont nous avons rencontré la présidente, Monique Goldschmit, met, de son côté aussi, tout en œuvre pour promouvoir ce mode de déplacement alternatif qui permet de retrouver la santé, la sérénité et une certaine qualité de vie en rendant les villes plus calmes et plus respirables. Parmi ses actions, des cours pour les personnes qui sont mal à l’aise sur un deux-roues et un travail de lobbying auprès des autorités pour que davantage de pistes cyclables soient créées, et qu’elles soient pensées pour être sûres, directes et connectées les unes aux autres.
Actif sur ce terrain également, IMS organise un Bike Bus lors de la Semaine européenne de la Mobilité qui se tiendra du 16 au 22 septembre et qui est coordonnée par le Verkéiersverbond. Cette intéressante initiative consiste à se déplacer en groupe et en vélo entre la gare et le Kirchberg à des horaires définis, comme un bus, pour sensibiliser les employés à la mobilité douce.
En ville toujours, le tramway est attendu comme le sauveur. Pourtant, même si 22 rames suffiront à remplacer les 140 bus qui circulent chaque matin, à l’heure de pointe, entre la gare et le plateau du Kirchberg, il ne résoudra pour autant pas l’engorgement du trafic à lui seul, de l’aveu propre du directeur général de Luxtram, André Von Der Marck, qui insiste sur le fait que « c’est dans l’interconnexion que se trouve la solution aux problèmes de mobilité que nous connaissons ». C’est justement parce qu’il sera connecté aux autres modes de déplacement que le tramway, future colonne vertébrale des transports en commun, aura des répercussions sur l’organisation de l’ensemble du réseau, en ville et au-delà. Le tram est, en effet, englobé dans un concept plus large qui implique une refonte des lignes de bus urbains et la création de gares ferroviaires supplémentaires. Autrement dit, la révolution attendue aura bien lieu grâce au tram lui-même, mais aussi grâce à tous les changements qu’il entraîne dans son sillage.
En tant que relais du tram dans les quartiers de la capitale qui ne seront pas desservis par cette première ligne, mais aussi en tant que moyen de déplacement privilégié pour couvrir les trajets dans les communes moins urbanisées, le bus reste un maillon essentiel de la chaîne de mobilité et n’est donc pas menacé par l’arrivée de ce mastodonte qu’est le tram. « Le bus est un élément qui a sa place et son importance dans le modal split », affirme Wolfgang Schroeder, directeur général de Sales-Lentz.
De leur côté, les CFL préparent activement la connexion à haut-débit entre le réseau ferroviaire et le tram avec la création de l’arrêt Pfaffenthal-Kirchberg et du funiculaire qui permettra d’y accéder, et d’une manière générale, ils répondent à la demande croissante en intensifiant leurs cadences, en étendant leur réseau ferré, en construisant un viaduc parallèle à celui de Pulvermühle et en ouvrant un 5e et un 6e quai dans la gare centrale.
Ces efforts et cette volonté politique combinés font qu’en France, on perçoit le Grand-Duché comme le pays des transports en commun. C’est en tous cas ce qui ressort de l’interview de Florent Golin, président de l’association AGIRR-Fnaut Lorraine qui s’oppose au projet A31 bis qu’elle voit plus comme une manière de permettre à l’État français de gagner quelques deniers que comme un service aux citoyens, dans la mesure où il a été pensé avec une approche centrée sur la route qui ne peut qu’aggraver l’engorgement à l’approche de Luxembourg-Ville.
Autre piste, l’autopartage. Il démarre progressivement dans la Ville de Luxembourg depuis le lancement, il y a un peu moins d’un an, du service de carsharing Carloh, qui compte déjà quelque 280 clients réguliers et totalise 85.000 km parcourus. En dehors de la capitale aussi, plus précisément dans la Nordstad et à Hesperange, le carsharing prend doucement de la vitesse grâce à City Mov’, société spécialisée dans les solutions de mobilité, notamment le partage de voitures et vélos électriques. En la matière, l’heure est aux services ultra-flexibles si l’on veut attirer le chaland, comme l’indique Julien Friederich, co-gérant de l’entreprise qui travaille aujourd’hui sur du « oneway » et sur du « freeflotting ». Par « oneway », comprenez la possibilité de déposer le véhicule dans une autre station que celle où on l’a pris et par « freeflotting », le fait de pouvoir laisser son véhicule n’importe où dans une zone donnée.
Malgré tout, l’automobile personnelle, individuelle, celle que l’on possède, a la dent dure. Question de standing… et de confort. « Au Luxembourg, nous sommes très attachés à notre véhicule et nous considérons que nous en débarrasser revient à perdre une certaine forme de liberté. Posséder son propre véhicule est bien ancré dans notre culture », remarque Patrick Hein, dirigeant de Carloh. Mais force est de constater que les jeunes, motivés par des motifs économiques et pratiques, sont de plus en plus enclins à abandonner leur véhicule personnel au profit de véhicules partagés.
Quoi qu’il en soit, même si l’éradication totale des voitures des centres-villes préconisée par l’OCDE n’est, de l’avis général, pas pour demain, la mort de la voiture thermique, trop polluante, est quant à elle d’ores et déjà annoncée. L’alternative électrique est controversée pour son prix d’achat, son manque d’autonomie mais aussi parce que les batteries au lithium qu’elle renferme soulèvent des questions d’ordre géopolitique et que ces mêmes batteries étant très énergivores lors de leur production, elles ne font que déplacer le problème de la pollution vers la périphérie des villes. Alors, pourquoi ne pas opter pour un véhicule qui fonctionne à l’air comprimé ? Sur le marché dès l’année prochaine, ces voitures où l’air remplace le carburant ont l’avantage d’avoir un rendement élevé, tout en étant propres (pas de rejets de NOx et aucun hydrocarbure imbrûlé). Ce projet, durable jusque dans le concept de production et les matériaux utilisés, est porté par la société Motor Devlopment International dirigée par Annic et Cyril Nègre et il est à découvrir dans ce dossier.
Mélanie Trélat